Un drôle de client (Joe Krapov)
Safari ? Safari ?
Pour un peu je confondrais Safari et Daktari et du coup Clarence trouverait ça louche. Elle diagnostiquerait de la confusion mentale et de l’Alzheimer précoce. Sans compter que je mélange peut-être avec Hatari, laissant quand même de côté Mata-Hari et les rastafaris dondaine, la Castafiori dondon.
Pour Aloys, ma toubib repassera. Je me souviens très bien d’Isaure Chassériau dans les années 60, de son Agence de Flânerie Amoureuse de Rennes, de son manteau de cuir rouge, de ses robes roses et des deux poignées en forme de baigneuses à l’entrée de sa boutique dans la rue d’Antrain : aujourd’hui encore, elles y sont toujours.
Et de toute façon, ça ne s’appelait ni safari, ni jokari ni panari. Ca s’appelait « Le jeu des animaux ». L’objectif était de constituer un zoo rennais. Voici les règles :
- Le jeu se joue à deux ou à deux équipes de deux ou trois personnes.
- On détermine à l’avance, sur le plan de sa ville, un parcours dans les rues les plus commerçantes de la cité.
- L’équipe 1 se positionne sur le trottoir de gauche, l’équipe 2 sur celui de droite. Chacun a un crayon et un carnet. Chaque fois qu’il aperçoit, dans une vitrine, sur une enseigne, une affiche, la représentation d’un animal, il le note dans son journal de bord et marque un point par animal.
- La carpe et le lapin valent deux points, on ne compte pas la demoiselle d’honneur sauf si c’est une morue salement dessalée. Le lièvre et la tortue valent deux points aussi. Le meunier, son fils et l’âne ne comptent que pour un. Dans ce jeu l’homme n’est pas un animal, il compte donc pour beurre, même et surtout s’il est marchand de kouign-amann.
- Les animaux vivants que l’on croise en chemin, chat errant, petit chien à sa mémère, gorille, petit cheval dans le mauvais temps, ne comptent pas non plus.
- A l’issue du parcours, l’équipe qui a marqué le plus de points à gagné.
- Au retour, on change de trottoir et de calepin afin de vérifier que l’équipe adverse n’a pas triché.
J’y joue encore maintenant à ce jeu, tout seul, et j’ai remplacé le carnet et le stylo par un appareil photo numérique. Dans les années 60, il était rare que les enfants possédassent autre chose qu’un Instamatic à eux offert lors de leur première communion (Chez nous, par radinerie, les parents s’étaient hâtés de devenir athées avant l’heure du thé mais les enfants étaient quand même gâtés ! A Noël !). De surcroît le coût des pellicules, du développement, du tirage des photos semblait coûter une fortune alors qu’aujourd’hui le moindre bambin de quatre ans est doté d’un ordinateur, d’un lecteur MP3, d’un APN et d’un téléphone portable qui le branche sur Internet, fait des frites et fournit du ketchup. C’est que le commerce a fait de sacrés progrès. On arrive à faire croire aux jeunes parents que tout est gratuit – roule mon ampoule ! -alors qu’ils continuent de douiller un max !
Ce sur quoi Clarence pourrait vraiment me chercher des poux dans la tête, c’est sur cette Isaure Chassériau ! Il semble, pour la majorité des Rennais, qu’elle soit une parfaite inconnue, voire qu’elle n’ait jamais existé, que son agence soit du pipeau. Même le tableau la représentant au Musée des Beaux-Arts, ma voisine de pavillon, Stella Monétoile qui a emmené là-bas ses marmots en sortie scolaire, ne l’a pas vu.
Il doit bien exister d’autres Rennais que moi que leurs parents ont confiés il y a plus de quarante ans à la dame en rose de la rue d’Antrain. Chez elle ils ont joué au trappeur le jeudi après-midi, capturant des hérissons, des chats qui pêchent, des lions porteurs d’anneaux dans le nez et des tricératops-laveurs, non ? Il faudra que je pose la question sur Copainsdavant. Mon pseudo c’est Davy. Davy Croquette mais il faut créer un compte avec son vrai nom sinon personne ne vous retrouve ou reconnaît, là-bas.
Je me souviens avoir joué aussi chez elle au jeu des girafes. Ca consiste à traverser la ville en relevant tout ce qu’on peut apercevoir de remarquable au 1er étage des immeubles. Evidemment, de nos jours, les gens ne risquent plus d’y jouer, à ce jeu. Ils sont trop occupés à regarder où ils mettent les pieds par terre, histoire de ne pas marcher dans les déjections laissées par les animaux vivants écartés du jeu précédent. Une vengeance, peut-être ?
P.S. Je ne parlerai pas non plus de Kate à Clarence. Kate est sans doute une demoiselle anglaise qui fait partie de mon « harem virtuel ». Elle me suggère de parcourir la ville à la recherche de représentations de signes du zodiaque. J’ai essayé : ça marche aussi ! Kate ne serait-elle pas un pseudonyme qu’Isaure Chassériau utiliserait pour reprendre contact avec nous, ses clients rennais de jadis ? Mystère. Elle connaît plein de choses sur les chansons des années 60, elle sait que dans Danyel Gérard, Danyel s’écrit avec un « y ». Elle n’ignore pas que Minnie est une petite souris ni que la grande Zoa autour du cou porte un boa. Elle a une mémoire d’éléphant !
Je ne parlerai pas de Kate ni de mes autres « fans » à Clarence. Car, non contente d’être ma psy attitrée, Clarence est aussi mon épouse. Et elle est jalouse. Une vraie tigresse !