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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
28 septembre 2012

TEMOIGNAGE DE CLIENT N° 56 (Joe Krapov)

Ca me tracassait un peu de partir avec cette fille-là pour guide. Non pas qu’elle fût moche, qu’elle eût des seins flasques ou le nez ailleurs qu’au milieu de la figure. Au contraire, elle n’était pas mal du tout malgré son postérieur un peu large et des yeux quelque peu inexpressifs qu’elle cachait derrière des lunettes noires et rondes. Louchait-elle ? Voulait-elle se donner un genre ?

Non, ce qui me gênait le plus au départ, c’étaient les conditions de ce voyage. Ce n’était pas un problème de monnaie ; de l’argent, j’en avais plein le portefeuille à l’époque. Ce qui commençait à m’énerver un tantinet, c’était de ne pas savoir où on allait, de demeurer silencieux tout du long, sans pouvoir communiquer avec celle qui tenait pour moi le rôle d’Ariane mais se taisait. Mais bon, c’était bien là ce qu’on m’avait promis à l’agence de voyages.

- Oui, c’est cher mais c’est normal mon bon monsieur, on vous emmène au bout du monde, on vous sort du train-train quotidien sans vous envahir et en vous laissant libre d’agir à votre guise deux jours sur trois ! Le tout dans un silence total afin d’exacerber vos sensations ! ».

C’était difficile de résister à Isaure Chassériau ! Cette jeune entrepreneuse n’arrêtait pas de rire, se vantait de pouvoir vous vendre de l’inattendu et dans son « Agence de flânerie amoureuse de Rennes », située au milieu de la rue d’Antrain, le nom de la rue avait déteint sur l’humeur de ses habitant(e)s. Un enthousiasme communicatif.

DDS 213 Nathalie

- Vous partirez avec Nathalie. Vous pourrez lui raconter votre passé, lui chanter toutes chansons que vous voudrez, vous plaindre, lui casser les oreilles si le parcours ne vous plaît pas. Elle n’en prendra pas ombrage, ne se départira pas de son sourire distant, ne répondra pas : elle est sourde et muette. ».

Voilà. J’avais payé, reçu une photo de mon sherpa, noté le rendez-vous place de la Gare. Mon guide, vêtu de rouge des pieds à la tête, était à l’heure pour le départ le lendemain après-midi. On avait quitté Rennes en train, pris le métro entre la gare Montparnasse et la gare de Lyon. Là on était montés dans un train de nuit et au matin, surprise, le train avait été entouré d’eau des deux côtés puis s’était arrêté dans la gare de Santa Lucia. A Venezia ! Venise !

J’avais été stupéfait de voir toute cette circulation sur le grand canal, de découvrir que la ville, malgré toute cette eau dormante ne sentait pas si mauvais que ça. N’en déplaise à Thomas Mann et Lucino Visconti, ce ne devait pas être si détestable que cela de mourir à Venise !

A hôtel j’avais vidé ma valise, m’étais installé dans la chambre 28 de cette « Pensione Wildner » située sur la Riva degli Schiavoni, non loin de la place Saint-Marc. Nathalie était venue me retrouver, m’avait tendu une enveloppe. Voulais-je voir le bout du monde tout de suite ou préférais-je jouer au touriste paresseux et convenu avant de m’y aventurer ? J’ai choisi cette deuxième option.

Même sans ma cravate laissée à Rennes j’ai fait la vie pendant deux jours et je me suis habitué aux folies de la ville en fête et aux silences de la fille en rouge. On est allés boire au Harry’s bar, montrer nos binettes au Florian pour s’y emplir l’estomac et on a assisté aux bals et opéras donnés à la Fenice pour les fortunés de passage.

Le troisième jour au matin, à l’issue du petit-déjeuner, nous délaissâmes la vue magnifique sur l’île de San Giorgio maggiore et nous allâmes prendre le vaporetto en direction du Lido. A l’arrivée pas question d’aller voir les aristocratiques hôtels et les grandes plages de sable garnies de transats bien alignés. Pas question de se baigner non plus. Nathalie me gratifia d’un ticket et nous montâmes dans un bus archaïque.

C’était drôle de retrouver des voitures ici ! Le véhicule s’emplit de quelques autochtones puis le chauffeur démarra. On longea l’arrière des hôtels et puis bientôt ce fut un voyage dans le temps. Avec toujours la mer à notre gauche, on traversa des petits villages pas bien différents de celui où créchait-prêchait l’ineffable Don Camillo. Au bout de quelques kilomètres le bus stoppa. Alberoni ! Je voulus descendre avec un petit groupe de vieilles dames du coin mais Nathalie mit sa main sur ma cuisse. Pas encore l’heure d’user ses chaussures, il fallait attendre. Attendre, oui, mais quoi ? On était rendus au bout de l’île, face à la mer avec une autre île face à nous et bientôt, très surpris, je compris ! Pour aller de l’autre côté, sur ce territoire en pointillé le bus devait emprunter un bac ! Si tu veux aller au bout du monde, passe ton bac d’abord !

L’île suivante, toute en longueur également, était encore moins peuplée que le bout de la précédente. Une longue muraille triste faisait rempart contre les colères de l’Adriatique. Nous traversâmes un dernier petit village, Pellestrina, et le chauffeur nous dépota près d’un petit cimetière balayé par le vent. La lagune d’un côté, la mer de l’autre qui pénétrait devant nous en grosse vagues mélancoliques par cette passe vers la Sérénissime. Nous deux, seuls, sur une bande de cailloux qu’agrémentait, outre le vent et la tristesse, un embarcadère. En face, une troisième île. Nous attendîmes là une bonne demi-heure, sans que je comprenne le sens de ce paysage et de cette randonnée. Est-ce que je me trompais ? J’avais une impression de Styx et d’Achéron alors que d’ordinaire je suis plutôt volontaire pour Cythère que pour les mystères des Enfers. Qu’est-ce qu’on attendait là ? Une voiture qui nous ramènerait à la maison ? Où est-ce qu’on était ? Comment s’appelait ce lieu de désolation ?

DDS 213 Pellestrina

Nathalie était tournée face à la lagune. Je regardais ses longues jambes, son dos impassible, ses habits en harmonie de rouge et je songeai d’un coup à l’enseigne de ce magasin de mode, place Rallier Du Baty, à Rennes : Rouge Venise.

Au bout d’un long moment on entendit comme un bruit de caboteur, en fait le « pop pop pop » d’un vaporetto rustique. Se tordant les pieds sur les cailloux, Nathalie revint vers moi et me glissa sous les yeux un billet tapé à l’avance :
« Le bout du monde est ici. Nous pouvons y passer la journée à ne rien faire, ne rien voir, ne rien dire, savourer l’atmosphère… Si vous le préférez, le vaporetto nous emmène à Chioggia, un sympathique village de pêcheurs qui a gagné en célébrité depuis que Carlo Goldoni y a fait du barouf. Enfin, si vous avez des fourmis dans le pantalon, j’y connais un hôtel des plus discrets où nous pourrions lier plus ample connaissance. »

Que croyez-vous que j’aie fait ?

Nous sommes restés-là toute la journée. J’ai pris quelques photos, j’ai sorti un cahier, pris les notes qui m’ont servi à rédiger ce récit de voyage. Hè quoi, j’avais payé pour aller au bout du monde et j’y étais, non ?

***

Mais non, je galèje ! L’hôtel de Chioggia était très bien et la fille aussi. Bien que sourde et muette, elle n’était pas manchotte.

***
Les Rennais, on les emmène au bout du monde et au septième ciel en même temps, ca ne les rend pas plus heureux pour autant ! Quelques années plus tard, des clients moins délicats qui avaient découvert lors des ébats tarifés que Nathalie n’était pas plus muette que vous et moi et qu’on s’était un peu moqué d’eux portèrent plainte pour proxénétisme à l’encontre d’Isaure. Ceci explique peut-être que l’on ne trouve plus trace aujourd’hui à Rennes ni de cette « Agence de Flânerie amoureuse de Rennes » ni d’Isaure Chassériau elle-même. Elle a sans doute, à temps, avant la crise, changé d’époque ou de crèmerie, disparu sans laisser d’adresse ! C’est assez son genre, je dois dire !

P.S. Les photos qui illustrent ce texte ont été empruntées à Télérama et à Google images. Le témoignage de client n° 56 fait partie des archives de l'IFSIC (Institut Français de Supputations au sujet d'Isaure Chassériau) de l'Université de Rennes 3.

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27 septembre 2012

UNE AVENTURE D’EARL GREY par Joe Krapov

MIC 2012 09 26 Earl Grey

On entendait voler les mouches. Elles tournaient autour des cornes de gazelles, passaient de l’ombre du palmier à la route de terre rouge écrasée de soleil, revenaient vers la table où je m’étais posé.

A part ce bourdonnement familier c’était Waterloo morne plaine. Enfin, si on peut dire. On n’avait pas vu la pluie par ici depuis au moins quarante siècles et seul le vent soulevait quelquefois la poussière, histoire qu’on puisse dire « Tiens, il s’est passé quelque chose. On a eu un grain. Comme en Bretagne, sauf que c’était à l’œil. Dans l’œil.".

A l’intérieur de sa cahute, Oussama terminait sa vaisselle. Il avait fait lui-même les pâtisseries à la pistache et il s’arrangeait pour que tout soit nickel avant que son invité n’arrive.

Quand il eut terminé, il revint au-dehors avec deux soucoupes, deux tasses et – horreur, malheur salsaccharose du démon ! – un bol empli de morceaux de sucre.

Il posa le tout à mes côtés, prit une chaise, s’assit et ouvrit le journal du jour à la page des obsèques. Entre deux annonces de disparition il regardait sa montre et jetait un œil sur le bout de la route droite. Pendant longtemps il n’y eut rien que le « Bzz ! Bzz !» des diptères.

Et puis, là-bas à l’horizon, apparut bientôt une mouche plus excitée que les autres. Elle soulevait un nuage de poussière derrière elle, se déplaçait au ras du sol d’un mouvement régulier et hyper-rapide. Elle portait un casque réglementaire par-dessus son turban et une barbe à quinze points au-dessous de son menton.

Le vroum-vroum du vélomoteur s’amplifia et ce vieux plaisantin d’Omar ne put s’empêcher, en arrivant, d’effectuer un dérapage contrôlé avant d’aller poser, à l’ombre, près de nous, sa mobylette particulièrement puante : pas moyen d’échapper à son pot pourri.

- Salut Omar ! s’exclama Oussama. Ca boume ?
- Ca boume, mon frère. Ca vroume, même !
- J’ai vu ça ! Comment vont les affaires ?
- C’est mollo-mollo en ce moment, répondit le mollah. Et toi, les amours ?
- Ici, forcément, c’est un peu comme lancer phalle au gramme : plat. A part ça, veux-tu prendre une tasse de thé ?
- Très volontiers !

Il s’approcha de moi, me souleva et me versa dans les deux tasses.

- Vus de loin, on a l’air de deux conspirateurs du Tea party, tu ne trouves pas ?
- Très drôle, Oussama ! A ta santé !

Mais qu’est-ce qu’il fait, cet idiot d’Omar ? Voilà qu’il s’empare de la pince à sucre, qu’il saisit un morceau et me le balance par-dessus la tête. Puis un deuxième et encore un troisième.

Houlà ! Je sens que je perds goût à la vie ! J’ai envie de crier «Au sacrilège ! Au blasphème ! A l’infâmie ! A l’hérésie ! A la caricature ! ».

Histoire de m’achever, il me file un grand coup de cuillère, brasse le tout et me transforme, le monstre, en Loch ness déchaîné.

Ca y est. C’en est fini. Je le hurle en silence, je l’écris en lettres de sang sur le mur des lamentations liquides. J’en appelle à Dieu pour qu’il me venge de ce criminel après ma disparition :

- Omar m’a touiller ! »

 

22 septembre 2012

ARLEQUIN DANS SA BOUTIQUE

Arlequin à la friperie a déniché quelques guenilles, quelques hardes d’épouvantail

Qui ne sont même pas à sa taille.

 

Retroussant les manches salies il a enfilé le veston qu’a légué mon oncle Gaston

A son trop vigoureux fiston.
Comme il lui va ! » dit Margoton .

 

Le chapeau de tante Zozo était bien plus défoncé qu’elle à l’époque où cette maquerelle

Etait tenancière d’un bordel »
M’a dit Estelle ;


E
nfoncé de façon étrange sur la tête de l’homme aux losanges il le rend fier comme Artaban

"Sans doute à cause des plumes de paon"
Commente Fanfan.


Quelques chiffons noués ensemble lui ont fait, à ce qu’il nous semble, une écharpe multicolore

Qu’Isadora souhaite indolore.
Et toi, qu’en penses-tu, Isaure ?


Une couverture en patchwork est devenue, d’humble trésor,

La cape d’un toréador.
Cela a plu à Léonore.


Il a payé ces frusques étrusques quelques sequins et puis, emportant son bousin,

Il est sorti du magasin.


Nippé de toutes ces guenilles Arlequin est allé au bal afin de danser la Chenille comme un couillon

Mais les filles, émerveillées, l’ont pris pour un grand papillon,
L’ont attrapé dans leur filet 
Et l’ont cloué
Dans une petite boîte en carton.

 

 

MIC 2012 09 17 Arlequin épinglé


P.S. L'image de droite est empruntée ici.

21 septembre 2012

Smoking - No smoking (Joe Krapov)

DDS 212 Babette

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ; 
elle avait entrouvert la porte d'entrée. 
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sanva-Tanguerre. »
- Ca alors ! Babette ! »

 

 

DDS 212 Beatles

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ;
elle avait entrouvert la porte d'entrée.
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sticket-Toride. »
- Ca alors ! Sophie ! »

 

DDS 212 Donizetti

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ;
elle avait entrouvert la porte d'entrée.
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sirdamour de Doni-Zetti. »
- Ca alors ! Angélique ! »

 

 

DDS 212 Joystick

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ; 
elle avait entrouvert la porte d'entrée. 
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Stick. »
- Ca alors ! Joy ! »
- Ah non, vous me confondez avec ma jumelle. Moi je suis Ella ! »

 

DDS 212 Gatsby

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ;
elle avait entrouvert la porte d'entrée.
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sbylema-Nific. »
- Ca alors ! Agathe ! »

 

 

DDS 212 Corons

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ;
elle avait entrouvert la porte d'entrée.
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sétélèque-Oron. »
- Ca alors ! Eléonore ! »



DDS 212 salsa

- Vous ne me reconnaissez pas ? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur ;
elle avait entrouvert la porte d'entrée.
Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas. »
- Je suis la fille de Mme Sadudémon ! »
- Horreur ! Malheur ! Larissa ! »

 

 

19 septembre 2012

GASPESIE par Joe Krapov

Gageons qu’en Gaspésie, le geai à l’initiale envoie dès le matin la gutturalité de son gazouillis grave au-dessus des gabares.

A l’amarre, celle-ci, barque aimable, aspire à l’ample promenade au fil de l’eau.

Se mouvoir au fleuve-serpent, dans le silence des sapins, tandis que les érables sèvent et que le soleil en sirop sourit mi-suave mi sorcier, cela peut nous séduire.

Par-dessus le ponton, le pêcheur pansu passe. Il pose ses panards sur le plancher pas net de ce petit bateau qui partira bientôt.

En émérite scribe on note à l’impromptu que le vocable Québec sonne comme un palindrome et que l’aigu précède le grave dans les accents du « e » n’en déplaise au voisin Pérec.

Sur la rive mouillée, des touristes s’arrêtent, sourient, sortent soudain un appareil photo, saisissent la seconde et sa sérénité.

Il n’y aura personne sur cet instantané. Entre l’intemporel et l’ineffable s’insinuent l’impossible, l’improbable voyage d’une image et le partage d’un paysage.

Etrange voyageuse qui rêvasse immobile, elle emplit d’une musique toujours énigmatique mon esprit étourdi par l’élucubration.

MIC 2012 09 17 Gaspésie

 

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14 septembre 2012

SOUVENIRS DE MA VIE D’AVANT LE DEFI (Joe Krapov)

1 Basketchup : sport américain particulièrement débile qui consiste à se disputer la propriété d’un bol empli de ketchup qu’on doit aller déposer à l’autre bout du terrain dans un panier déjà empli de galette et de petits pots de beurre.

2 Cassoulèvement : phénomène de geyser qu’on trouve dans les marmites des cuisines toulousaines lorsqu’on y plonge des saucisses cueillies sur un caoutchoucroutier (voir ce mot en 4 dans la liste).

3 Brahmanite : culte rendu à une divinité hindoue dont les six bras sont prolongés non pas par des mains mais par des champignons. Sur certaines représentations iconoclastes les champignons sont remplacés par des sexes masculins il s’agit alors d’un culte déviant dénommé brahmanite phalloïde.

4 Caoutchoucroutier : variété d’arbre qu’on ne trouve qu’en Alsace et sur lesquels poussent des saucisses particulièrement élastiques.

5 Barquadrumane : ancien gorille de boîte de nuit promu préparateur de milk-shakes à la banane.

6 Fissaturne : chambre vite dégotée dans laquelle on se rend pour y exécuter un coït généralement furtif.

7 Déshabtitiller : déshabiller quelqu’un(e) en prenant soin de stimuler dans le même temps ses zones érogènes.

8 Convoittiser : désirer quelqu’un et l’allumer suffisamment pour être payé de sa flamme en retour.

9 Gourgamandiner : promettre tant de friandises aux amandes ou de plaisir charnel à une jeune femme qu’elle en perd tout sens moral, toute retenue et tout porte-jarretelles par la même occasion.

10 Byzanthrope : qualifie un individu chanceux qui n’est jamais content de son sort et se plaint toujours que ça ne soit pas Byzance en parlant de sa villa à Saint-Trop’.

 

P.S. Il s’agit ici d’extraits d’une liste de 28 mots-valises pondus dans une séance d’atelier d’écriture « en vrai » en mai 2006.

10 septembre 2012

Impertinence ou pas ? par Joe Krapov

Je tire ma langue en permanence
Vers le classique du sonnet,
Vers les almanachs du nonsense
Ou pour l'entendre résonner
A partir de réminiscences
De ce que j'emmagasinai
En fréquentant, depuis l'enfance,
Les livres, disques et le ciné.

Je tire ma langue en permanence
Et c'est une belle aventure
D'aller, au p'tit bonheur la chance,
Faire ces travaux d'écriture.

Je manque parfois d'assurance
Car je n'ai pas de couverture.
C'est toujours ainsi quand on danse
Sur le sommet de la toiture
Comme le font les somnambules.
Les nuits de cogitation dense,
Les mots me sortent de la bulle,
Mon stylo se meut en silence.

Poète-espion, mouton, balance,
A deux doigts de la forfaiture
J'envoie valser mon innocence
Dans un bal de littérature.
Je tire ma langue en permanence !
Je résiste à l'envahisseur
En multipliant l'assonance ;
Tant pis si pauvre est mon tailleur !

Il y a tant de richesse en France
Dans les mots de plusieurs syllabes
D' "asticoter" à "transcendance",
De "zigomar" en "astrolabe".
Je « ballade » mon libertin
Dans le vocable en insouciance,
Je m'assois sur des bouts de prose
Pour emmusiquer ma jactance.

Le soir, le midi, le matin
J'arpente la langue en tous sens.
Il va y perdre son latin,
Le pion qui tient la permanence !
Loin des usages fonctionnels,
Tandis que tout l'univers tangue
Dans un délire ascensionnel,
Dans son dos, je tire la langue.

MIC 2012 09 03 Rolling Stone Breton

 

 

7 septembre 2012

Rue de l'étuve (Joe Krapov)

En toute impunité j’ai volé des images,

Braqué mon appareil sur un monde inconnu

Et je dois avouer que j’ai été ému

De les voir poser tous devant le personnage

 

Innocent qui s’épand sans cesse devant tous.

Nul ne s’est étonné de mon long mitraillage.

Prenant la pose ou pas devant le noir grillage,

Ils avaient l’air très sage et peu faisaient les fous.

 

Et je repense encore au rituel étrange

Du portrait à l’endroit où l’on fait la vidange,

De la joie éprouvée à œuvrer au grand jour.

 

Photographe de rue, j’ai dans mon escarcelle

Des visages humains qui font grandir l’amour

Que j’avais déjà pour les amants de Bruxelles !

  

1 septembre 2012

De chacun selon ses capacités à chacune selon ses besoins : uchronie (1) par Joe Krapov

 

MIC 2012 08 27 marx

En passant par la Lorraine
J’ai rencontré Karl Marx à la fête foraine !
Il n’a pas fait de chichis et m’en a payé un cornet
Puis m’a raconté ces sornettes
Avec des rimes un peu bébêtes
Trop nombreuses pour un sonnet :

Un gars un peu marteau m’a filé une faucille
Pour qu’on s’offre un mano a mano à Manille.
J’ai fauché les jonquilles et vu les jonques d’Hong Kong,
J’ai été en bisbille avec de vieux barbon s
Et j’ai pris la Bastille : ce fut une belle baston.
J’ai dansé la chenille près de Château-Chinon,
Embrassé une belle fille plus sourde que Tryphon (2) :
Dépourvue d’écoutilles elle avait l’air tout con.

 

 

MIC 2012 08 27 jeanneton

Fine comme une brindille, elle s’appelait Jeanneton
Elle était écuyère
Elle avait des béquilles et habitait Bécon-
-Les-Bruyères
Elle ouvrit grand ses billes quand je lui fis cadeau d’un flacon de sent-bon,
Me dit :
- On danse gambille ? Une partie de jambons ? »

Tout près de la charmille j’ai garé mon camion.

- Tu as de jolies chevilles…
- Achevons ! Achevons !*
Viens que je te mordille pendant le rigodon,
Sors donc de ta coquille et viens dans mon cocon !
- Veux-tu qu’j’te déshabille ? Quoi ? Moi d’abord ? Ah bon !

Voilà que j’écarquille les yeux, drôle de garcon
(Nous vous le concédons, j’oubliai la cédille !).
La mouflette m’émoustille, s’empare de mes roustons,
V’la Popaul qui frétille et lors nous affrétons
Une gentille flottille amoureuse vers Boston,
Chargée de pacotille et nous empaquetons
Des sachets de vanille dans de très grands cartons.
La voilà qui croustille et qui érige ses tétons.
Elle glisse comme une anguille. Dans l’herbe, exsangues, nous tanguons.

Face à cette Blanche de Castille il ne faut pas qu’tu flanches, Gaston (3)
Faut pas être de la courtille, il ne faut pas qu’nous écourtions
Faut pas se bousiller la ch’ville comme ce moscoutaire de Fillon.
Lorsque tu ne touches pas ta bille, pour le banc des has been, t’es bon !
Shoote-toi à la Camomille comme le font tous les mormons !

L’Escadrille de nos caresses met en marche tout l’escadron
De nos papilles et tous nos sens volètent comme papillons.
Bientôt voilà qu’on s’entortille dans d’innombrables contorsions,
L’heure de joie du méchant drille a sonné sur le carillon.

- Sens-tu ? J’ai le cœur qui frétille de ces estimables pressions
Dis donc ! Comme ça se goupille ! Que de trésors nous grapillons !
Qui se cachaient sous ta Mantille. Je leur accorde une mention ! ».

Puis l’on se suce la pastille et chante l’air du postillon (4)
Encore, encore, je te fusille et je mets nos corps en fusion
Et voilà qu’elle s’égosille, qu’explose au plaisir l’oisillon ;
La jouissance s’éparpille de l’occiput jusqu’aux arpions !
On ne peut pas dire qu’ell’ roupille, la Jeanneton au beau croupion !

Puis après ces quelques vétilles, il faut que nous nous revêtions.
C’est là que je me recroqueville devant sa proposition
De revenir pour un quadrille demain avec le chaperon
Rouge et le barbier de Séville qu’elle dit monté comme étalon !


Voyez mes gens comme on gaspille une idylle digne de Cupidon !
Ce ne sont pas des peccadilles, je ne cache pas ma répulsion :
J’l’ai mal vécu, je dégobille mon pop-corn et mes croustillons !
Ses capacités sont trop grandes et mes besoins peu importants.

Ce récit d’un amour naissant, mort dans l’œuf en un rien de temps,
Qu’il vous apprenne qu’on décille et qu’il vous serve de leçon :
Il se peut, de fil en aiguille que l’on tombe sur un aiglon :
Cet oiseau de passage, polisson qui torpille, peut même porter jupon !

Là-dessus il partit jouer aux quilles et d’vint l’ami des néo-con !

Quant à moi mes ami(e)s voici
Ce que je pense de ce récit :
J’n’irai plus jamais en Lorraine entendre pareilles inepties !
Je préfère de loin la Vilaine où l’on n’entend qu’des Krapoveries !

 

1) uchronie soit qui mal y pense !
2) Tournesol, bien sûr
3) Gaston est le deuxième prénom de Karl-Gaston-Enavant Marx
4) De Longjumeau !

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