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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
27 mars 2013

CAUSERIE LINGUISTIQUE DES FAMILLES N° 2 par Joe Krapov

 

MIC 2013 03 25 sasquatch

Apprendre le français, ce doit être une punition bien pire encore que le goulag !

Si j’étais étranger, je ne sais pas si je ne préférerais pas me déplacer à pied dans la neige sibérienne ou demeurer inuit monoglotte dans mon igloo plutôt que de m’atteler à l’apprentissage des exquis mots de cette langue illogique et complexe au point qu’elle perturberait mon unique neurone. Si j’étais étranger, je crois que je n’aurais encore et toujours qu’un seul neurone et des synapses en capilotade. D’ailleurs ne suis-je pas un étranger, vu de Bruxelles, d’Iowa, du Vexin ou de Sibérie, des pays où il neige bien plus qu’à Rennes-des-Tropiques-du-Cancer ?

Mais revenons à la linguistique, la sémantique, la casuistique et à nos moutons de Panurge qui broutent dans la taïga tandis que passe la troïka par-dessus les banques gigognes à Chypre. Le mot que nous examinerons aujourd’hui est en effet « oligarchie ».

La seule chose à retenir pour nous de ce système peu unique mais fort inique est que le tenant de l’oligarchie ou plutôt celui qui est à sa tête s’appelle un oligarque. Jusque-là, tout va bien, ou mal si on est en Russie et qu’on est journaliste un petit peu trop curieuse des moeurs de ces oiseaux.

MIC 2013 03 25 130324 523

En France, avant l’oligarchie, nous avions la monarchie. A la tête du royaume se trouvait le roi ou le monarque. Jusque-là tout allait bien aussi sauf que le système a disparu lorsque le roi Louis XVI n’a plus eu toute sa tête.

On aurait pu, je trouve, appeler le système qui s’ensuivit l’oliguillotinarchie mais, outre que je n’étais pas né à cette époque pour faire des suggestions a Fabre d’Eglantine, on a préféré l’appeler « Révolution française » et/ou « la Terreur ». Certains nostalgiques éclairés de la monarchie, les aristocrates dits « à la lanterne », prétendent que, depuis, c’est l’anarchie. Et c’est là, de fait, que la langue française se met à déconner ! Du coup, chose peu croyable, je suis d’accord avec eux alors que je suis né sans culotte – on me l’avait barbotée dans ma couveuse à la maternité de Wambrechies-dans-la-Colle -. En effet au concept d’anarchie ne correspond aucun vocable qui ressemble de près ou de loin à « anarque » !

C’est quoi, ce bordel ? Comment voulez-vous que mon étranger francophile s’y retrouve s’il n’y a pas plus de logique que cela dans nos phonèmes, nos syntagmes, nos paradigmes, nos apophtegmes, nos dogmes et nos zeugmes ?

 

MIC 2013 03 25 anarchistes

En même temps, l’absence d’ « anarque » est un peu logique : les tenants de l’anarchie n’aiment pas les chefs. On les appelle donc tous du même nom d’anarchistes ou d’anars. « Y’en a pas un sur cent mais pourtant ils existent », comme chantait Léo Ferré. Mais ne leur jetons pas la pierre car l’autre difficulté pour nos amis étrangers provient, dans le camp d’en face, de cette nouvelle catégorie d’oligarques qu’on appelle des énarques. Pour ceux-là, point d’ « énarchie » mais une ENA (Ecole Nationale d’Administration). Va comprendre, Charles !

Vous avouerez que Stéphane Hessel avait raison et qu’il y a là de quoi s’indigner comme je le fis la semaine dernière en donnant ma définition un peu abrupte du directeur. Alors tant pis si je passe pour un anarchiste mais à l’instar de Guy Bedos qui n’avait pas d’indignations sélectives mais des indignations successives, je dirai à nouveau, ce jour, que les gens de pouvoir nous emmerdent, « bien plus qu’ils ne nous font rire » mais là c’est Coluche qui parle.

Pour en finir une fois pour toutes avec ce sujet un peu pourri, glissons sur la neige fraîche et dans notre cours quelques notions de bonnes mœurs et de savoir-vivre. Bouclons la boucle et revenons au goulag, comme disait Soljenitsyne. Apprenez qu’en Russie, on ne dit plus « Comment tu vas camarade oligarque ? ». Non, maintenant on demande : « Comment ça gaze, Prom ? ».

On ne dira pas non plus au poète Pétrarque : « Eh mec, y ‘a ta pétroleuse qui s’est encore plus que bourrée à la vodka ! » On lui demandera : « Est-ce que vous avez lu Tintin au pays de Laure noire ? ».

Je vous aurais bien volontiers parlé aussi des hérésiarques, des anasarques, des hiérarques, des éparques, d’E.M. Remarque, des trois Parques, d’Isaure Chassériau et des Frères Park (Jurassic, Luna et Central) et de tous ces autres hôtes de marque qui nous mènent en barque mais j’ai assez dit de bêtises pour aujourd’hui. Je repasserai la semaine prochaine… ou bien Plutarque ! 

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24 mars 2013

BONNE RETRAITE, MADAME YONYON ! par Joe Krapov

 

MIC 2013 03 18 in Connemara

- De quoi Paul Henry est-il le nom ?
- Du retour à la sphère privée ! Et tout ça à cause de Michel Sardou !
- Calme-toi et explique ton cas, Lardu !
- Ca va être long, je vais devoir te raconter ma vie, Loreille !
- J’ai tout mon temps mais si tu peux abréger le passage sur ta puberté, ça m’arrangera !
- Ma directrice, madame Yonyon, a un téléphone portable !
- Ca commence bien ! Qui n’en a pas, de nos jours ?
- Moi ! Un jour qu’elle nous avait mobilisés pour une grand’messe…
- J’ignorais que tu travaillais à l’archevêché !
- Madame Yonyon ne fonctionne que comme ça, par grandes messes. Un directeur, c’est quelqu’un qui ne fiche rien, qui fait faire le boulot par les autres et qui réunit le reste du monde pour lui expliquer plus ou moins longuement que sa glorieuse présence sur cette terre a permis au Schmilblick d’avancer à un point tel qu’on est à deux doigts d’instaurer le bonheur universel.
- C’est un point de vue. En quoi est-ce choquant ?
- Pendant ce temps-là, avec ce système-là elle gagne trois fois plus d’argent que toi et elle fait du lard tandis que toi tu maigris en te tuant à la tâche.
- Lardu, tu pèses plus de 80 kilos !
- C’est vrai, j’enlève ça.
- Reviens donc au téléphone portable, à Paul Henry et à Michel Sardou, s’il te plaît !
- Donc, au cours de cette réunion de tout le personnel, son téléphone portable a sonné. Pas discrète du tout, la sonnerie ! Le volume à fond, « Les lacs du Connemara » de Michel Sardou, façon marche militaire. Morts de rire ! La caricature !
- Explique, je ne comprends pas ?

MIC 2013 03 18 Pogues

- Il n’y a pas plus typés à droite que Michel Sardou et Madame Yonyon.
- La droite, la gauche, ce n’est pas pareil, maintenant ?
- Tu as raison ! Je ne sais pas pour qui cette dame vote mais madame Yonyon c’est le petit doigt sur la couture du pantalon pour accomplir, imposer, voire devancer la moindre exigence du ministère !
- Enfin une fonctionnaire irréprochable ! Et alors ?
- Et alors, dans trois mois, terminé, l’Irlande ! Mme Yonyon part en retraite. Je ne me ferai plus renvoyer dans les cordes à chaque fois que j’ouvre la bouche dans une de ses grandes messes !
- T’as vu comment t’es gaulé, aussi, comme boxeur ?
- J’ai juste un problème avec ce départ, c’est que je me demande si je suis sot ou si j’ai bon cœur ?
- La réponse à la première question est forcément oui !
- Déconne pas, c’est vrai : je suis bien content qu’elle s’en aille !
- Entre « sot » et « bon cœur » il y a aussi « faux cul », Lardu ! Tu sais très bien que ça va lui manquer de ne plus pouvoir revenir emmerder ses subalternes !
- C’est vrai, regarde Sarkozy : il n’est pas parti depuis un an qu’il piaffe déjà pour revenir en 2017 !
- S’il piaffe, c’est que Carla met du cheval dans ses lasagnes. Et à part ça tu aurais bon cœur, toi ?
- Quand elle sera partie, notre clone d’Angela Merkel, ça va permettre à tout le monde de monter d’un cran dans la hiérarchie. Je suis content pour eux et pour elles !
- Vu comme ça, évidemment ! Mais attention ! Tu connais la fable des grenouilles qui demandent un roi ?
- Bien sûr ! Moi qui, dans ce jeu de chaises musicales m’occupe de mettre du fluide glacial sur les chaises et de remplacer la partition du chef d’orchestre par un camembert à musique, je ne rêve que d’une chose : que Soliveau 1er soit élu pape ou président du monde !
- Pour le pape, tu attendras, on vient d’élire Libellule 1er. Elle est bizarre cette leçon que tu tires des livres !
- Oui, hein ? Allez, bonne retraite, madame Yonyon ! Je vous souhaite d’aller écouter Michel Sardou en Irlande. Pendant ce temps-là je me repasserai « The Luck of the Irish » de John Lennon à Rennes.

 


- Je m’excuse, mais si, entre collègues, vous n’êtes pas foutus de vous entendre parce que les esclaves sont de gauche et les chefs de droite ou l’inverse, tu ne t’étonneras pas qu’il y ait des guerres de religion !
- Je ne m’étonne de rien ! Je remercie juste Joye de m’avoir fait découvrir Paul et Grace Henry et Madame Wikipédia de m’avoir raconté un peu l’histoire des deux Irlandes.
- Et pour le dilemme de George Sand, « celui qui a bon cœur n’est jamais sot », c’est quoi, ta religion ?
- Je répondrais bien « Hôtel Danieli à Venise » mais ce qu’elle y faisait avec le docteur Pagello n’était pas joli ! A part ça t’as le bonjour d’Alfred, Loreille !
- T’es vraiment un sot, toi !

17 mars 2013

ARE THERE ANYMORE REAL COW-BOYS ? par Joe Krapov

Ils sont venus dès qu'ils ont entendu ce cri, ils sont tous là, il va mourir, Wang Pekin Pao !

Pour l'instant ils font antichambre en bas, dans l'immense salon de réception de cette grande propriété américaine.

Ils lui doivent tous un peu de leur situation au patriarche milliardaire. C'est pourquoi ils se taisent et se toisent en attendant que le vieux clamse.

Là-haut dans sa chambre, le mourant tire sur sa pipe d'opium car il n'est pas encore temps de la casser tout à fait. Il a l'air aussi tranquille qu'un missionnaire de l'église baptiste mais ce n'est qu'apparence. Sa vieille épouse, silencieuse à ses côtés, sait bien qu'il attend et elle sait qui il attend.

- Pas d'autres nouvelles du petit-fils ? demande-t-il entre deux ronds de fumée.
- Son avion a atterri à 12 h 13. J'ai envoyé le chauffeur le prendre à l'aéroport.
- C'est bien. Passe-moi la photo.

De son grand-père, Sam Pekin Pao, il ne lui reste que cette photographie. Encore ne représente-t-elle ni le vieil immigré édenté qu'il a connu enfant ni le jeune architecte immigrant dont les sacrifices et les efforts sont à l'origine de la réussite familiale sur le territoire des Etats-Unis. Il s'agit en fait d'une ferme située là-bas en Chine. L'aïeul y avait exécuté son premier contrat. On l'avait mis au défi de réaliser une porte un peu spéciale.

MIC 2013 03 11 farmhouse door, sam hakes

De fait, ce travail relevait de la gageure : à part cinquante centimètres au sol, le chambranle de la porte à créer était régulièrement circulaire. Tous ses prédécesseurs s'y étaient cassé les dents pour une raison bien simple : s'ils ne mettaient qu'un seul gond, le poids de la porte une fois ouverte et l'équilibre précaire du cercle reposant sur un seul point au sol n'avaient qu'une conséquence : la porte se cassait la gueule, le gond se descellait, tout était à refaire.

Ceux qui posaient un deuxième gond se trouvaient dans une position pire encore : la porte ne pivotait plus !

Grand'père Sam faisait rire toute la famille en racontant à sa façon comment il avait coupé la poire en deux : « Quand l'imbécile montre la Lune, le sage regarde les croissants qui la précèdent et qui la suivent. Si tu veux être un battant dans la vie, commence d'abord par en imaginer deux pour ta porte ! »

Comme le jeune homme, à l'époque, ne manquait pas de ressort, il en avait ajouté deux et la porte se refermait automatiquement comme si un groom magique et invisible était chargé de cela. Fier de sa trouvaille, il avait monté son entreprise puis émigré aux Etats-Unis. Il y avait fait fortune en plaçant un peu partout et notamment à l'entrée des saloons qui faisaient florès à l'époque sa porte « Pekin Pao ».

MIC 2013 03 11 porte de saloon

 

Tout cela était très loin maintenant et la Pekin Pao Enterprise vendait maintenant des immeubles entiers équipés de cellules photo-électriques, d'informatique intégrée, des appartements intelligents dans lesquels tout était programmable et programmé.

Tout comme son grand-père Sam, le vieux Wang avait réussi pleinement sa vie et il serait bien parti tranquillement vers les prairies de l'Eternel, une nouvelle vie dans un nouveau corps ou même vers « rien du tout où on vous foute la paix » si une question annexe, ridicule et superfétatoire ne l'avait pas taraudé ces dernières années. Une question d'autant plus stupide que ce souvenir ne lui appartenait même pas en propre ! Il n'empêche, elle lui faisait le même effet qu'un petit caillou dans la godasse du randonneur.
Et c'est son propre petit-fils qu'il avait chargé de LA mission. Zozo Pekin Pao venait de passer six mois au pays des ancêtres. A force d'explorations au pays du fleuve jaune et de questions posées au pays du fleuve bleu, il avait fini par retrouver l'endroit, le mur de ferme demeuré intact avec son trou circulaire. De là-bas, il avait envoyé un double de la photo que le vieux tenait maintenant serrée contre son cœur.

Soudain Wang entendit crisser les pneus de la voiture sur le gravier de l'allée. La limousine s'immobilisa devant le perron.

Zozo en descendit, cravaté, vêtu d'un costume bleu ciel, l'attaché-case traditionnel à la main et les lunettes à monture d'écaille sur le nez. Il ne salua personne dans le hall alors que tous les regards inquiets du salon de réception s'étaient tournés vers le nouvel arrivant.

Il grimpa l'escalier quatre à quatre, rectifia le nœud de sa cravate et frappa à la porte de la chambre. Sa grand'mère lui ouvrit la porte. Il l'embrassa. Elle essuya une larme, lui serra le bras et elle sortit de la chambre, le laissant seul avec l'ancêtre.

Il s'approcha du lit, regarda Wang. Le grand-père avait le teint cireux mais l'œil encore vif, les mains croisées sur la poitrine. Il s'inclina respectueusement devant l'aïeul.

- Alors, demanda le vieux. As-tu la réponse ?

Zozo s'assit, posa son attaché-case sur le sol. Il croisa les jambes, étira les bras.

- J'ai la réponse, grand-père !
- Toute une vie, Zozo ! Toute une vie ! On peut être actif toute sa vie, tout comprendre à l'économie, faire de l'argent, réussir financièrement, socialement, se rendre indispensable à ses contemporains, avoir la reconnaissance des puissants de ce monde. Il y en a même, excuse-moi, mais nous sommes entre hommes, n'est-ce pas, qui font des étincelles avec leur bite et qui la mettent dans toutes les prises de courant qui passent à leur portée !
- J'ai toujours évité de loger dans une suite qui aurait porté le n° 2806, grand père. Je sais que ce nombre porte malheur !
- Tout est possible, tout est réalisable dans une vie humaine. La science et la conscience n'ont cessé de nous faire progresser mais personne ne peut rien contre le caillou dans la godasse ! Et parfois tu te déchausses, tu secoues, tu as l'impression que le caillou tombe et quand tu remets la grolle il y a toujours une pointe qui te rentre dans le talon.
- Tu te trompes, grand-père Wang. L'obstination humaine vient à bout de tout.
- Ca m'aurait vraiment fait mal au cul de partir sans savoir pourquoi cet architecte de merde a imaginé une porte ronde à cette ferme pourrie d'où toute notre histoire est partie !

Il reposa la photo sur la table de chevet.

- Est-ce qu'on était seulement en état de deviner ?
- C'est un peu tordu, de fait.
- Vas-y, dis. Attends, avant, remonte mon oreiller !

Le petit-fils s'exécuta.

- Alors ?
- C'était l'enceinte d'un élevage.
- Mais encore ?
- Un élevage de paons.
- Je ne comprends pas ? Ca explique quoi ?
- Le paon fait la roue.
- C'est aussi con que ça ?
- Si on veut. Mais ses plumes sont très recherchées. Elles servent dans la mode et la chapellerie.

Le vieux tira une longue bouffée de sa pipe. Ses yeux pétillaient de malice désormais.

- Toi, tu me caches encore quelque chose !
- Ca m'a donné une idée, grand-père. J'ai racheté tous les élevages de paon que j'ai pu trouver là-bas.
- Et ?
- Et j'ai aussi racheté la fabrique de chapeaux de Phenix. Et les droits de la chanson de Maurice Chevalier.
- J'ai compris. Tu vas lancer... Tu vas relancer... Le chapeau de Zozo !

Le jeune technocrate esquissa un sourire. Ce grand-père Wang quand même, quelle culture, quelle complicité !

- Donne-moi mes bottes, Zozo et décroche mon Stetson de la patère. Tu vas me raconter tout ça plus en détail au restaurant !

Bientôt le vieil homme ne ressemble plus du tout au mourant qu'il était il y a encore une heure. Puis, suivi d'un jeune type effacé et admiratif, le vieux cow-boy fringant descend le grand escalier.

- Rentrez chez vous, bande de fainéants, lance-t-il aux éplorés silencieux du salon de réception. Nous avons encore à faire ici-bas ! Les Chinois viennent de réinventer la roue !

Ils en restent muets de surprise !

14 mars 2013

Drôles de numéros (Joe Krapov)

20 000 a peur des profondeurs et craint les capitaines comme personne.

69 ne prend jamais le volant quand il y a du verglas : il n’aime pas l’idée du tête à queue.

666 a peur qu’on l’envoie se faire voir chez les Grecs. Il aime bien Aphrodite mais pas trop ses enfants.

813 a peur qu’on le cambriole pendant que sonnent les huit coups de l’horloge dans l’ile aux trente cercueils.

747 souffre d’aérodromphobie et 714 ne veut pas s’envoler pour Sydney.

3,1416 est hypocondriaque : il peur que ça ne tourne pas rond dans sa p’tite tête ou pis encore.

6,35, 7,65 et 12,7 ont peur des armes à feu.

5000 craint de tomber du quai en arrivant au port.

22 a en horreur les bavures policières et 36 craint de voir des étoiles au même n° du quai des Orfèvres.

404 n’aime pas les erreurs.

732 se met martel en tête à cause des migrations internationales.

421 a du mal à entrer en piste : il se sent mal armé face aux coups du hasard.

451 a peur pour sa bibliothèque quand il fait chaud.

33 est comme moi : il traîne les pieds et tire la langue chaque fois qu’il est nécessaire d’aller chez le médecin !

7 mars 2013

Allez ouvrir, Florence ! (Joe Krapov)

 

Qui a sonné ? Qui sonne ?

Les musiciens sonnent :

Doc et Mère l’Oye te sonnent
Grace Slick et Jeff R. sonnent
George « While my guitar gently weeps » Guétary sonne
Paul Simon et Art Garfunkel et Mrs Robin sonnent
L’oncle George Bens sonne

Les scientifiques sonnent :

Thomas et Eddy sonnent
L.M. Enter-Moncherwat sonne

Les militaires sonnent :
L’amiral Neil sonne

Les motards sonnent :
Quand ils n’ont besoin de personne, Jean, Karl et David Sonnent

Les animateurs de télé sonnent :
Bertrand Renard, voyelle, voyelle et con sonnent

Les évadés sonnent
Les frères Dalton, Averell, William, Joe, Jack sonnent

Les clowns sonnent :
Kiri et Hélène I. sonnent

Tous les autres utilisent le heurtoir.

 

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7 mars 2013

L'EMPORTER AU PARADIS ? par Joe Krapov

Vêtue de probité candide et de lin blanc
Voici qu’on m’a collé des ailes dans le dos
Et mis une auréole en guise de chapeau !
C’est quoi ce carnaval dont je me bats le flanc ?

Pourquoi m’expédier là ? Je n’ai rien fait de mal ?
Et pourquoi m’habiller de cette camisole ?
Dès le premier abord, c’est sûr, il me désole
Ce monde aseptisé comme un grand hôpital !

Que l’on me débarrasse, enfin, de ces atours !
Permettez-moi, mon Dieu, de faire demi-tour :
J’avais tout ce qu’il faut pour faire une diablesse !

MIC 2013 03 04 oeil

S’il est vrai qu’on retombe en enfance en enfer,
Laissez-moi avouer mon rêve et ma faiblesse :
Je veux chauffer mes fesses auprès de Lucifer !

MIC 2013 03 04 Angelique_Marquise_des_anges

 

1 mars 2013

EST-CE AINSI QUE LES HOMMES ET LES FEMMES VIVENT ? (Joe Krapov)

- Vous venez souvent ici, chère Madame ?
- Chaque fois qu’il y a un karaoké, mon beau monsieur. C’est une bonne occasion de sortir mon mari. Le médecin a dit qu’il doit bouger. Sinon il est toujours fourré sur son ordinateur ou dans ses cahiers à écrire comme un malade. Qu’il est, du reste.
- Votre mari écrit ? Des romans ? Des essais ? Des articles ?
- Ne le répétez à personne : il fait de la poésie !
- De la p… ? Non ? Vous plaisantez, j’espère ? De nos jours ! Ce doit être illisible ?
- Ca l’est d’autant plus que Louis écrit en alexandrins ou en vers qui riment. Avant qu’il ne devienne ce grand corps malade il allait même déclamer sa production dans les cafés-slam !
- Il a une maladie ? Il semble bien conservé pourtant. Bonjour, monsieur le poète !

Le mari de la dame à l’accent étranger ne répond pas. Il a les yeux fixés sur l’écran de télé géant où défilent les paroles des «Feuilles mortes» de Prévert et Kosma qu’une Lara Fabian d’occasion est en train de massacrer, au grand dam d'un ancien scientifique belge qui se bouche les oreilles. Ca ne semble pas le gêner, lui, le poète : déjà que les aveugles sont parfois sourds à ce qu’on leur braille, il ne faut pas s’étonner si les émules de Verlaine trouvent un peu longs les sanglots des violons dans leur sonotone.

- Excusez-le, il a des absences. Le plus terrible c’est quand il redevient lucide. Il m’accuse de lui avoir fait perdre la boule. Un jour il m’a dit : « Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire !". Vous vous rendez compte ?
- C’est vrai que vos yeux sont très beaux. Vous avez dû faire des ravages quand vous étiez jeune. J’espère que je ne vous vexe pas en vous disant cela. Vous devez d’ailleurs encore en faire beaucoup.
- C’est vrai, monsieur très cher. Ma sœur Lili et moi, autrefois, nous avons vu défiler toute la Russie chez nous. Si je puis vous confier un secret, cher monsieur… Quel est votre prénom ?
- Marcel. Marcel Stroskane, pour vous servir.
- Eh bien mon cher Marcel, il n’y a que le transsibérien à ne pas nous être passé dessus ! Ces succès amoureux étaient d’autant plus surprenants que nous avions la réputation d’avoir un cœur de pierre.
- Des jaloux, des médisants, sans doute ?

MIC 2013 02 25 bricks

- Non, des plaisantins : notre nom de famille était Brique ! Et du coup, après avoir écumé toute l’URSS, j’ai fait le mur et je suis allée en Italie où j’ai changé de nom et de prénom. C’est à Venise que j’ai rencontré cet idiot : il voulait s’y suicider. Se suicider à Venise, il y a de quoi se gondoler, non ?
- Vous exagérez certainement. Vous n’avez pas l’air d’avoir été malheureuse ?
- Pas autant que ma sœur en tout cas. Elle aussi a épousé un poète mais il n’a pas survécu.
- Ce sont des êtres fragiles, paraît-il ?
- Fragiles ? Vous rigolez ? Mon Louis a été très résistant.

Le Louis en question, fantôme un peu hagard, vient de se lever en entendant les premières mesures du « Chiffon rouge » de Michel Fugain. C’est une institutrice en combinaison de ski qui le chante en levant le poing. Louis la fixe d’un regard quasi amoureux et on voit ses lèvres trembloter comme s’il prononçait les paroles de la chanson mais en fait un lecteur averti décélerait qu’il prononce tout bas celles de « L’Internationale ».

Marcella le fait rasseoir puis elle dit à Marcel :

- Vous avez quelque chose de prévu après ce karaoké ? Vous pourriez venir à la maison faire plus ample connaissance ? Nous habitons à deux pas d'ici.

Comme ça fait déjà dix minutes qu’elle lui fait du pied et que, dessous la table, elle a posé la main sur le haut de sa cuisse, vraiment tout en haut, Marcel lui répond :

- Volontiers !

Puis il ajoute :


- C’est moi qui chante la prochaine !


Effectivement on l’appelle et il entame avec élégance et suavité « Sous les jupes des filles » de Souchon.

- Toi, mon cochon, pense Marcella, tu n’es pas la moitié d’un ! On va s’en donner, toi et moi ! Dès que je t’aurai chanté «Déshabillez-moi», je vais te faire perdre ton latin exactement comme Juliette a fait perdre son Gréco-romain à Roméo : de haute lutte !

Puis elle s’adresse à Louis :

- Tu vas avoir du spectacle, ce soir Louis ! Du comme tu l’aimes ! Et puis comme ça m’ennuie d’avoir laissé notre roman inachevé, je crois qu’avec mes aventures post-Aloys, avec ce type-là et les autres qui l'ont précédé et le suivront, je tiens un bon sujet de best-seller ! Allez, chauffe, Marcel !

Mais cette promesse vient trop tard. Affalé dans son fauteuil sous le portrait de Blanche de Castille – la déco du salon où a lieu le karaoké est manifestement assez surréaliste – Louis s’est oublié, il a oublié Blanche, Marcella, Nancy et les autres : il s’est endormi. Riche de toutes ces musiques, heureux de cette humanité chantante, n’ayant plus à se soucier de la ligne puisqu’il est parti, tranquille comme un roi sous sa crinière d’argent, voilà que Louis dort.

Et dans son rêve du moment, dans un autre univers un peu plus chatoyant, un homme et une femme, à l’unisson, chantent sans trop la massacrer une des chansons qu’il a écrites.

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