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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
28 juin 2013

Quatre variations vacancières (Joe Krapov)

La valise acquise à Valence
Où donc l’emmener en vacances ?
A Venise ? A Saint-Paul-de-Vence ?
Pleine de devises à Trévise ?
Pleine de pétulance à Lens ?
Même si toi tu t’en balances
Je crois que je penche pour Pise !

***

Celui qui oublie ses valoches
A l’avant du train
Mérite une paire de taloches
Ou qu’on lui botte l’arrière-train.

***

Sur le cannevas des vacances
Je tire un fil qui va
De Paris où l’on danse
Le french-cancan
Jusqu’à Cannes
Ou à Vannes
En passant
Par Trifouilly-les-Oies
Où la cane cancane
A propos des noces de Cana
Vanessa trouva
Son petit paradis

***

C’est si compliqué de savoir
S’il faut aller passer ses vacances en Vallonie
Ou ses ouacances en Ouallonie
Que la plupart des Belges préfèrent
Partir les passer en Espagne.

 

Bonnes vacances à toutes et à tous !

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19 juin 2013

La magicienne a disparu ! (Joe Krapov)

Courait-elle dans l’herbe avant qu’on ne l’attrape,
Avant qu’on ne lui greffe, au bout de son museau,
Un fil qui la rattache au monde des « Fenêtres » ?

La vie longtemps pour elle a marché comme sur des roulettes :
Il suffisait, pour que ça roule
De ne jamais perdre la boule.

Mais le progrès vous scie les pattes et c’est désormais ventre à terre
Qu’elle officie, handicapée mais productive,
Se mouvant pas très loin sur le ring comme toute envoyée au tapis.

Nul ne l’attrape par la queue sauf lors des déménagements.
Tout le monde lui caresse le dos – c’est pour elle jeu de main chaude –
Mais elle ne ronge plus que son frein.

En guise de cerveau elle a un côté gauche dédié à l’action
Et une partie droite consacrée à Mémoire
Mais bon il faut aimer qu’on vous tape sur la tête.

Le quatorze juillet et tous les autres jours
Sa bosse, Monseigneur qu’on touche en permanence,
Donne, sans pistolet, départ au défilé.

Tant de cordes à son arc mais une seule flèche !
Qu’elle atteigne la cible et le sablier tourne
Tandis que les lumières du kaléidoscope
Changent devant nos yeux souvent émerveillés.

Je hais par-dessus tout qu’on la trempe dans l’huile ou dans l’eau :
Froid ou chaud, plein d’effroi, peu me chaut l’escargot,
Trop lent pour la machine, qui sent l’ail et l’enterrement
Des feuilles de papier mortes.

A tout coup désormais importée de la Chine
Sans qu’on ne nous fournisse le moindre certificat vétérinaire
Elle indiffère le chat qui se désintéresse de cette bête-simulacre.

On n’aimait peu jadis l’avoir dans sa maison
Mais les temps ont changé. Monsieur, à l’occasion,
L’eût bien mise dans son lit

Mais madame est contente de la voir disparaître.
Pour l’adultère virtuel hélas nous serons chocolats
Car on passe aux tablettes.

Alors, adieu, souris ! Prends tes clics et tes claques,
Merci pour ta magie, chapeau pour le boulot, bravo, petit mulot
Et tant pis si Progrès-prestidigitateur
Te met dans son chapeau et te pose un lapin sorti du haut-de-forme.

D’un abracadabra de baguette magique
Un artiste farceur te repeindra en vert
Et te redonnera liberté sur pelouse, pattes, oreilles, moustache…

Allez, souris, souris !
La vie n’est pas si dure
Que le disque rayé veut nous le faire accroire !

 

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13 juin 2013

Critique dramatique ambulant (Joe Krapov)

Quand reviennent les beaux jours dans la ville que j’habite, je me remets à exercer l’improbable métier que j’ai toujours rêvé de faire : critique dramatique ambulant (CDA). Je monte dans le bus avec un pliant de camping à la main et je vais écouter « La Traviata » sur écran géant place de la Mairie à Rennes. Je vais découvrir un quatuor de musiciens inconnus, le Gribi quartet,  et faire partie, en fin de leur concert, d’une chorale improvisée qui entonne avec eux des ragas indiens et des chants de griot africain. Bientôt je planterai ma tente au camping de La Flèche (Sarthe) pour retrouver « Les Affranchis ». Dimanche dernier, le CDA que je suis a fait sept kilomètres à bicyclette pour aller voir des spectacles en plein air. Vous auriez pu le reconnaître à son sac à dos d’où dépassait une pompe à vélo et à son casque de cycliste pendouillant par-derrière le sac. Merci en tout cas au journal « le Défi du samedi » de bien vouloir publier ce compte-rendu de randonnée culturelle quelque peu déjantée mais pas trop : « On fait ce qu’on pneu comme disait mon confrère Paul-Louis Mignon à son pote Henri III ».

Tout le temps de la semaine me semble un monde cafardeux, noyé de chagrin, de boulot, de quotidien subi, de peines de prison pour le cœur. Quand on a besoin d’oseille, une vie à gagner, on se trouve trimballé du lundi au samedi sans entrain. Bien meilleur est le dimanche, plein de renouveau, de bonheur charmant, de merveilles, de chansons et d’oiseaux.

Même parmi la foule du festival Robinson à Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine) on revit, seul au monde ou presque, l’aventure de l’île au trésor. Amarrée au bord de l’eau du canal d’Ille-et-Rance la péniche-spectacle de M. Charbonneau sert de point de ralliement. C’est qu’on va cavaler, pendant les heures qui viennent, de la cale Robinson au jardin du moulin, traverser la grande pelouse, emprunter la passerelle pour aller du côté cour au côté jardin.

Que retenir cette année de ce bon vieux festival Robinson ? Tout ou quasiment tout ! Mais puisqu’il faut choisir de vous raconter un seul de ces spectacles de théâtre de rue, avouons le faible éprouvé pour le « Prince à dénuder » de la compagnie Ocus.

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Aurais-je été séduit par l’entregent de la comédienne, par les côtés charnels de son désir de prince charmant, par sa voix chaude et sa science de l’escrime ou de la descente de petits verres ? C’est possible : un rien m’émoustille pourvu qu’il soit femme ou fille, violoniste irlandaise, danseuse bretonne ou même cantatrice grecque jouant une fille perdue à cheveux gras dans un opéra italien adapté d’un roman français à flanquer la tuberculose à plus d’un effeuilleur de marguerite.

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Mais le prince qui viendra, qui arrive au galop, qui déboule sur le terrain herbeux de la séduction cavalière, il faut bien avouer qu’il n’est pas mal non plus. Comme le dit la notice du spectacle-médic-amant « le prince est charmant, il sent bon, il joue de la guitare comme un dieu, il fait des poèmes sous la lune et il a les dents qui brillent ". Alors pourquoi cela ne marche-t-il pas entre ce clone moyenâgeux de Gatsby le magnifique et cette Blanche-Neige transfigurée par les messages du MLF que les corbeaux du coin ont portés jusqu’en son château de carton-pâte ?

Pourquoi nous ravit-il, ce « spectacle de rue pour une princesse, un prince, une guitare et un cheval moche » ? Parce que c’est du cinéma en vrai, et du grand et que tout y passe ! Dès l’arrivée de l’homme sur son cheval de son on pense aux « Visiteurs du soir » et la guitare électrique semble Garance-tir à qui guette des tonneaux de Satisfaction. Quand elle lui commande une suite de sérénades en les appelant par leur numéro dans la liste, c’est le juke-box d’American graffiti réinventé à sauce troubadour-trouble amour : Mel Brooks revisite le temps à coups d’anachronismes et tout le dernier siècle en chansons défile car on entend Brassens, Renaud, Vassiliu, Bob Marley, Sanseverino et même Gilbert Bécaud. 

Mais lesdits bécots attendront car le western a commencé ! Il l’a traitée de tarte et sur le jardin du moulin Laurel et Hardy sont apparus, Mack Sennett macule la saynète, l’entarteur belge frappe encore – Tiens voilà du Godin, du badin, du gadin et la mousse à raser, à défaut d’épinards, jette un froid entre Olive et Popeye. Ca ne va pas toujours de soi, d'aller de conserve !

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On fera très vite d’une rapière deux coups et on se retrouvera dans Scaramouche avec des bleus à la lame comme à l’âme avant que d’un épithalame elle ne finisse par avouer son feu (Ocus !) de sorcière de Salem à ce salaud d’homme.

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Je passe sur la scène du mariage qui rappelle par trop les malheurs de Marilyn M. Epouser un boxeur, un intellectuel ou un employé de Meetic, c’est toujours découvrir que le prince charmant vous préfère un beau jour la galette-saucisse, la bière devant le foot et le manque de romantisme absolu avant la prière du soir sur la route de Memphis.

 

Alors, Castafiore castratrice, matriarcale Bretonne de Saint-Germain-sur-Ille, Claire Laurent épingle Benoît Bachus – bravo à tous les deux – parmi les têtes de nœuds papillons qui se castagnent à perdre la raison aux alentours du parc des princes et le finale est beau comme dans le « Docteur Jivaro ». Les comédiens peuvent venir saluer. Tout ça c’était pour rire et on a bien ri. Le public sait bien que dans la vraie vie les gens s’aiment, s’épousent, ils sont heureux longtemps et ils ont beaucoup d’enfants. C’en est au point qu’en lieu et place du bonheur, il faudrait nationaliser le mariage pour tous !

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Fasse le ciel que ces parents modèles emmènent encore longtemps leurs moutards - qui me montent parfois au nez – à ce genre de festival. Ces spectacles font mon bonheur et en revenant à Rennes sur le vélo pourri qui me sert de cheval moche, je me suis pris moi aussi à fredonner « Un jour mon prince viendra » puis j’ai pensé que la veille, en centre-ville, 3000 personnes ont défilé pour la marche des fiertés homosexuelles.

On fait de drôles de rapprochement quand on se promène au bord de l’eau ! 

C’est sans doute qu’en bullant, le critique est parfois dramatique !

Le cahier de brouillon de Joe Krapov
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