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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
10 novembre 2023

Prêchi-prêcha absolument abstrait, mais, ce nonobstant, peut-être réellement prononcé jadis (Défi du samedi n° 793)

Toute charité bien ordonnée commence par donner l’abscisse
Et puis, sur le graphique, suit la montée en puissance :
Enfance, adolescence, croissance, plein d’essence,
Ascension suivie d’aisance,
Plein d’argent planqué en Suisse
Ou vie heureuse de bourgeois.

Qu’avril bourgeonne !
Que mai trombone !
Que juin klaxonne
Mais ne me parlez pas d’automne,
Les péquins et les mesquins !

Se peut-il qu’il y ait un jour obsolescence,
Déliquescence, décadence,
Indécente descente
Vers un univers d’obsidienne,
Une fin dans l’obscur,
Des obsèques désuètes,
Des héritiers marrons,
Du crottin de cheval,
Des corbillards d’antan,
Que l’on prenne la lourde,
Même si pas lourde, et que l’on clamse ?
Que tout se termine en silence,
En absence, absorbé·e par la terre noire ?

DDS 793_Mathusalem

Pour moi, clame Mathusalem,
Le grand sachem,
Je n’en crois rien !

Je fais fi des clepsydres
Et nie le collapsus !
Pas pressé d’aller au ciel,
Je réclame un laps de temps substantiel 
Pour adorer l’existentiel,
Pour gagner le derby d’Epsom,
La course de bobsleigh aux J.O. de Saint-Valery-sur-Somme,
Croquer dans les meilleures des pommes,
Vivre d’amour parmi les hommes,
Obstinément aimer les femmes,
Être abscons ou abstentionniste,
Abstinent, abstème ou trotskiste,
Ivre d’absinthe, creveur d’abcès,
Astronome à l’Observatoire,
Shérif honoraire à Tombstone,
Promeneur du clebs de Sharon Stone,
Substitueur de substantifs
Ou chanteur de carabistouilles
Mais non sponsorisé par la firme Pepsi :
Je ne bois pas de ce coca-là. 

Je veux faire obstruction à la psychanalyse,
Aux obséquieux, aux lourds, aux tristes,
Aux condescendants, aux obscurantistes,
Être le relaps d’heureux temps,
L’obsessionnel du « Je subsiste »,
Du « Je résiste » !

Quitte à quitter l’abside,
A paraître obsolète ou poète,
Plus obscène même qu’Henrik Ibsen,
Que l’on m’absolve de cela ou pas,
J’irai, de par les routes,
Prêcher l’absurdité
De la longévité !

Coûte que coûte,
Parole de scout,
De septembre jusqu’en août,
Je refuse l’absoute !

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3 novembre 2023

Révolution ! (Défi du samedi n° 792)

- C'est quand même plus pratique, pour écrire une lettre anonyme, d'utiliser un normographe plutôt que de découper des caractères un par un et de les coller sur une feuille, non ?

- Au résultat, ça donne quoi ?

- Regarde !

DDS 792

 

- Pas mal ! Tu vas l'envoyer ?

- Non !

- Pourquoi ?

- Je l'ai signée !

- C'est sûr, une lettre anonyme signée, c'est un concept nouveau ! Pourquoi l'as-tu signée ?

- Parce que les vieux crabes qui s'accrochent à leur rocher miteux, la marée montante doit les emporter !

27 octobre 2023

Castor et Mollux (Le Défi du samedi n° 791)

Comme je n'avais pas droit au bernard l'ermite qui est un custacé, je suis allé repêcher Bernard Lelou et Ricet Barrier qui connaissent hyper-bien les fonds sous-marins vu qu'ils sont responsables aussi de "La Java des hommes-grenouilles". J'ai donc enregistré "La Moule", une chanson que je connais depuis longtemps, que j'ai réentendue interprétée par "Les Voyous" le 21 juin dernier et qui est aussi au répertoire de mes beaux-frères musiciens.

Mais je ne suis pas ici pour raconter ma vie et je m'étonne juste que ce titre, interprété par les Frères Jacques, soit devenu "La Marchande de poissons". Tout le monde s'en fout, Joe Krapov ! Ils font ce qu'ils veulent !

A part ça, je regrette bien, pris par le temps, de n'avoir rien pu écrire sur les jumeaux célestes, Castor et Mollux. OK, je sors !

20 octobre 2023

Un Lusophone qui aurait besoin d'un sonotone (Défi du samedi n° 790)

J'en ai trouvé un !

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13 octobre 2023

Une notice de KiwipediA ?

Le kiwi est à la fois un fruit vert et un oiseau.

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Ayant de par nature l’instinct du « accroche-toi aux branches », le kiwi-fruit ne vole pas, sauf dans les cantines mal surveillées où les mômes jouent avec la nourriture et désinvolture à se prendre pour Thierry-la-Fronde.

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L’oiseau-kiwi est comestible à condition de l’éplucher, c’est-à-dire de le plumer et éventuellement de le faire cuire. Sa chair vert tendre prend à la cuisson des teintes mordorées qui soulèvent le coeur des végétariens et des flexitariennes. Elle a un goût sucré qui se marie très bien avec les Bordeaux rouges et les Graves légers, si cela existe.

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Le kiwi-fruit pousse sur des lianes, notamment sur celle de 8 h 45 que Tarzan a ratée le jour où les pumas piaillaient dans les betteraves.

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L’oiseau-kiwi a colonisé de ses battements d’ailes

- la littérature pour enfants :

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- la bande dessinée :

Kiwi est un personnage de Jean Cézard, l’auteur d’Arthur le fantôme justicier. Ses aventures ont paru dans la revue homonyme qui a vécu de 1955 à 2003 aux éditions Lug.

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« Kiwi le kiwi » est le 91e album de la série "Néron" de Marc Sleen, dessinateur flamand.

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- le cirage à chaussures !

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***

Le kiwi-fruit a un pelage (?) duveteux et un pelage difficile ; on se colle du jus plein les doigts si on opère avec un couteau. Il est encore plus déconseillé d’opérer avec un économe. La radinerie ne paie jamais ! C’est pourquoi il est plus pratique de le couper en deux et de le manger comme les œufs mollets ou plutôt à la coque, surtout si on a des mollets de coq et si on est né avec une petite cuillère d’argent dans la bouche. Par contre, s’il existe bien des coquetiers, on n’a encore pas présenté au concours Lépine dans le pied ni breveté SGDG de kiwitier pour maintenir le fruit en place pendant qu’on creuse.

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Le kiwi-fruit était autrefois appelé groseille de Chine et quelquefois, en Nouvelle Zélande dont-il est l'emblème, l’oiseau-kiwi vous chine pour avoir des groseilles.

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L'oiseau-kiwi ne vole pas et est myope comme une taupe. Il n'a rien par-devers lui en fait pour épater la galerie.

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Les autres fruits et oiseaux bivalents sont :

- la banane qui est aussi un sac ventral peu gracieux dans lequel, paradoxalement, on peut glisser une banane ;

- le rossignol qui est aussi un trousseau de clés fort utile lors d’un cambriolage sauf en période de rût ou le passe-partout mâle émet des trilles très jolis mais susceptibles de réveiller les propriétaires ;

- la prune qui est aussi une contredanse ou une amende pour laquelle point n’est besoin d’un casse-noix ;

- le perroquet qui est aussi un porte-manteau ;

- le martinet qui peut être un chat à neuf queues ;

- la bécassine qui est aussi une domestique bretonne ;

- la frégate qui est aussi un navire de guerre ;

- le butor étoilé qui est aussi un général de corps d’armée mal embouché ;

- la spatule blanche qui est un instrument de cuisine ;

- le canard qui est un journal plus ou moins enchaîné ou déchaîné ;

- l’avocat qui est un porteur de robe noire chargé de défendre l’accusé·e dans un procès ;

- la fraise qui est un outil de dentiste ;

- la grenade qui est une arme offensive explosive ;

- le kaki qui est généralement la couleur portée par celui qui lance la grenade ;

- la lime, instrument qu’on met dans le gâteau pour permettre aux frères Dalton de quitter le pénitencier ;

- le melon qui est un chapeau très en vogue chez René Magritte, chez les Grands-Bretons du siècle dernier et chez les vaniteux de celui-ci.

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Le mot kiwi rapporte un minimum de 22 points au scrabble

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Nota Bene (note à benêts ?) :

- Le Kihuy est le nom du cinéma de la ville de Huy (Belgique)

- Il est à noter que l'énoncé « Kiwi le clown s’est fait hawa-kiwi » n’a rien à voir avec notre sujet. C’est juste une phrase qui illustre un défaut d’élocution, appelé rhotacisme, qui consiste à ne pas pwononcer cowwectement les w. Zut, je l’ai attwapé ! Je n’auwais pas dû me wemémower cela et faiwe cette wemawque fowcément inutile.

Allez, suw ce, au wevoiw et à la semaine pwochaine, oncle Ralrus ! Ah, ça y est, c’est réparé !

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6 octobre 2023

Igor et Irma (Défi du samedi n° 788)

A part le fait qu’il le trouvait difficilement lisible, surtout à raison de quatre à cinq pages d’affilée, Igor Wagner appréciait Marcel Proust « pour le concept ».

- Nous sommes tous à la recherche du temps perdu, confiait-il parfois à Irma, la camériste de Madame Bianca. A l’arrière des berlines, dans l’ombre des vedettes qui attirent les projecteurs, nous vivons nos petites vies qui ne sont pas moins précieuses que les leurs. Les seconds couteaux sont aussi utiles que l’argenterie. J’accompagne l’Air des bijoux sans aucun accroc mais je ne prends pas autant mon pied que quand je fais le bœuf avec mes camarades.

- Le bœuf ? demandait Irma qui songeait justement à devenir végétarienne.

- C’est le nom qu’on donne aux jam-sessions. Des musiciens se retrouvent et jouent ensemble sans partition. On improvise chacun à son tour sur des accords.

- Ah oui, j’ai déjà entendu des choses comme ça en jazz. C’est trop long, ça me soûle. Chacun y va de son solo, le public applaudit l’artiste, aussitôt il y en a un autre qui se lève pour avoir sa part d'applaus et ça recommence de plus belle.

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- C’est mieux sans public. Les jam-sessions c’est pour le plaisir de jouer entre musiciens. Je me souviens très bien, l’été dernier, j’étais allé dans une ferme en Bretagne car mon épouse connaissait l’agricultrice qui organisait une fête avec des conteuses et des groupes musicaux. Je me suis retrouvé dans une jam-session de joueurs de cora.

- Le supermarché ?

- La cora est un instrument africain, Irma ! 22 cordes ! Je ne te raconte pas la séance d’accordage. Les deux musiciens ne se connaissaient pas mais ils avaient eu le même prof. Ils ont joué dans le potager de la ferme, c’était le mois de juin, il faisait beau. C’était une musique lascive, formidablement calmante. Sont venus s’ajouter un musicien africain avec sa guitare folk, un accordéoniste breton et un joueur de trombone à coulisse. Magique ! J’ai tout enregistré mais quand moi-même je me suis lancé dans « Général à vendre » les piles de la machine sont arrivés en bout de course et on n’entend que le premier couplet.

- Vous n’êtes pas doué pour la technique ! On voit bien que vous avez juste cultivé un don.

- Un don paisible. Si tout le monde jouait de la musique, le monde irait peut-être mieux. J’ai quand même sauvé ensuite une espèce de bossa-nova sur laquelle on entend bien mes contrechants. Il faut dire que je suis un timide et que je ne fais pas d’esbroufe dans ce genre d’exercice. Par contre je n’ai pas raté la séance guitare et mandoline à la Fête de la musique, quelques jours plus tard. L’enregistrement est très bien ! Et ce Christophe, quelle pointure !

Irma l’écoutait d’une oreille distraite. Que Christophe chaussât du 45, elle s'en fichait bien. Elle, son truc, c’était le saut à l’élastique. La Proustitude et les jam-sessions de rattrapage de ce personnage plus que falot, vues du haut de la grue, c’était de la gnognotte ! 

29 septembre 2023

Pas encore tout à fait amnésique. 11, Les Irascibles

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Rien qu'à contempler la marche du monde actuel l’irascible en voit de toutes les couleurs ! Il commence par voir rouge, il entre dans une colère noire et finit souvent vert de rage. A ce moment-là il crache son venin sous forme de jurons et d'insultes. Ça vous rappelle quelqu’un n’est-ce pas ?

J’ai failli appeler mon billet « Le Retour du capitaine » mais j’ai déjà donné ce titre à ma contribution de la semaine dernière !

La façon d’être d’Archibald H., c’est humain et c’est aussi animal. Comme nous l'explique Zorrino dans « Le Temple du soleil » « Quand lama fâché lui toujours faire ainsi ! », moyennant quoi à la fin de l'album le capitaine Haddock s'en va boire à la fontaine et recracher son eau à la face d’un lama qui ne lui avait rien fait à part peut-être s’appeler Serge.

DDS 787_bretzelliquideLe Capitaine Haddock est bien, sans contestation possible, l’irascible n° 1 de toute l’histoire de la bande dessinée. Le temps m'a manqué pour lister tout ce qui le met en colère mais entre la Castafiore qui ne sait jamais prononcer son nom, le professeur Tournesol qui n'entend rien à rien et n'en comprend pas plus du fait de sa « bsurdité » et le duo de détectives stupides à moustaches et chapeaux melons il y a déjà de quoi faire en matière de s'énerver les nerfs, non ?

Chez Astérix l’irascibilité « Cétautomatix » et quasi général ! Du « Non, tu ne chanteras pas, Assurancetourix" au bris de vases par Cléopâtre, du « Comment ça ? Il n'est pas frais mon poisson ? » à la bagarre généralisée et récurrente de tout le village gaulois, il n’y a très souvent qu’un seul pas que le génial scénariste et l’habile dessinateur n'hésitent jamais à franchir pour notre plus grand plaisir de fans rubiconds.

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On doit à René Goscinny deux autres beaux exemples de colériques obsessionnels. Le premier, dessiné par Jean Tabary, est le grand vizir Iznogoud qui ne parvient jamais à devenir calife à la place du calife et que cela contrarie un maximum. Le deuxième est un nommé Joe Dalton que le simple fait de prononcer le nom de Lucky Luke fait se rouler par terre. D'autres personnages de cette série peuvent être rangés dans la catégorie des irascibles : le conducteur de la diligence de l’album homonyme et surtout Billy the Kid.

230928 Lucky Luke, Verlaine et Rimbaud

A certains coléreux du neuvième art le jury que je préside attribue des circonstances atténuantes : aux victimes du sieur Lagaffe Gaston né de la plume d'André Franquin par exemple. Prunelle, son employeur ; l’agent Longtarin, son souffre-douleur et le corpulent et insistant monsieur De Mesmaeker ne peuvent qu'être exaspérés par les inventions incessantes du petit chimiste amusant doublé d'un poète de l'écologie militante et encombrante qu'est Gaston. De ce fait on ne peut que conseiller à Greta Thunberg de lire ou relire les gags de Gaston et d'en faire son modèle si elle veut agacer encore plus les ceusses qui nous gouvernent et nous mènent à notre perte et mettre de son côté tous les autres.

DDS 787 ob_e117c8_010-concombre-colere-a-noeudsJustement, au moment de sortir des livres, je passerai très vite sur les irascibles de la vie politique. Peut-être que tout a été dit et bien dit dans la formule de Monsieur Talonnettes : « Casse-toi pauvre con ! ». Je mentionnerai seulement l'insulte « Vipère lubrique » et le claquer de chaussure sur le pupitre de l'ONU du camarade Nikita Khrouchtchev. Je ne sais pas pourquoi ma mémoire retient des choses comme ça alors que les jeunes de moins de trente ans de ma connaissance ne savent même pas ce qui s'est passé en France en mai 1968 !

Au cinéma c’est Louis de Funès qui remporte la palme d'or de l'irascible à grimaces, enfin, le grand prix d’interprétation. Les personnages qu’il interprète dans ses duos avec Bourvil ou son Avare de Molière ont toujours des comportements et des emportements bien odieux.

DDS 787 ob_c16b7a_bicarbonateOdieux ! Ô dieux ! Aux dieux de l'Antiquité, Zeus, Arès, Némésis, Héra, on attribue, paraît-il, de sacrées colères. Dans la principale religion en vigueur dans notre pays existe une chose musicale appelée "Dies irae". Cela signifie « jour de colère » pour ceux qui n’entravent que couic au latin de messe et de cuisine. C’est la bande son du Jugement dernier voire de l'Apocalypse que tout le monde nous promet pour demain. Ce morceau est devenu facultatif mais j'aime bien celui de la messe de Requiem de Verdi.  

Pour en terminer avec la malotrutitude des gens qui ne savent pas garder leur calme j’ai une pensée émue pour le Concombre masqué de Nikita Mandryka : son « Protz et chniaque ! » et son « Bretzel liquide ! » lancés aux éléphants qui jouent au bowling dans son grenier ont enchanté mon enfance !

Et je vous livre, en guise d'apothéose, le sketch du permis de conduire de Jean Yanne qui vaut son pesant de cacahuètes-griefs !

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21 septembre 2023

Le Retour du capitaine

DDS 786 hêtraieQue le professeur Tawhid, spécialiste de la langue arabe, habitât dans les Ardennes et que j’eusse à le rencontrer dans la ville-même où je m'étais marié jadis - et d'où je m'étais tiré vite fait ! - était une drôle de coïncidence. Mais les linguistes et les connaisseurs triés sur le volet, très rares en ce XIXe siècle, du Coran que j'avais entrepris de traduire en français, s'il eut fallut les poursuivre jusque dans leur retraite au bout du monde, dans le plus retiré des trous à rats qui fût, j’y fusse allé !

Pour la fin de ce voyage j'avais pris l'omnibus. Comme nous traversions la hêtraie Bois-en-Val je ne me sentis plus brisé par les chaleurs. Tandis que le cocher maltraitait son cheval je me remémorai les anciennes erreurs que j'avais commise par ici autrefois. J'étais alors un jeune reître, un soldat, et j'avais atterri sur les terres d'ici au gré d'affectations militaires qui me mèneraient plus tard en Algérie et en Crimée, sur le théâtre des opérations ou bien en tant que gestionnaire du maintien de l'ordre.

DDS 786 kiosque CharlevilleLa Meuse s'étendait au pied du mont Olympe. Là c'était Charleville et là c'était Mézières, ville d'amours tranquilles, de grâces roturières et de folles jeunesses. C'était hier encore, c'était l'été indien et ce jour-là j'avais été attiré par la musique jouée au kiosque près de la gare. Un peu en retrait de la foule, assise sur un banc vert devant une haie de thuyas, une jeune fille solitaire coiffée d’une tiare de cheveux roux me fixait du regard avec l'air de me dire « Si tu me dis oui, je ne dirai pas non ». Cette fille du coin n'était pas une hétaÏre. Plus tard je la surnommerais ainsi :

DDS 786 13328- Vitalie, ma belle hétaïre ! Toi ma Hittite folie ! Mon petit train de fantaisie !

- Qu'est-ce que ça veut dire, "hétaïre", Frédo ? demanderait-elle.

- Ça signifie « Ma cocotte » en grec ! Viens te faire voir et m’en faire voir ! Viens donc là, ma poulette, qu'on se plume au plume !

J'entends encore son rire séduit. Elle était épatée par toutes mes connaissances.

Ce premier jour je l'avais abordée sans hâte, la jouant détaché, distant, hautain. Je maîtrisais très bien cet art de prendre les façons d’un nobliau, d’un aristo solaire ou d’un disciple zélé du dieu égyptien Râ alors que je n'étais qu'un pauvre hère, fils d’un tailleur du Jura, jeune engagé dans l'armée.

Je lui avais demandé :

- Vous aimez ces airs ?

Pour une raison que je n'ai pas comprise elle avait pouffé de rire.

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***

Ceux qui se pencheraient sur notre histoire plus tard, si cela arrivait, auraient tort de penser que Vitalie, jeune paysanne qui avait hérité d'une ferme dans le hameau de Roche, manquait d'attraits physiques. Sa conquête se fit sans difficulté. Après avoir sacrifié aux rites nécessaires – fiançailles, mariage, lecture du code civil et repas de famille enquillés d'une seule traite, nos têtes s'étaient retrouvés à reposer après l'effort sur les taies d'oreiller voisines d'un lit large dans lequel fut conçu notre premier héritier. Ça n'a pas raté, ce fut un garçon, on l'appela Frédéric qui était également mon prénom.

Évidemment je ne peux pas taire le changement apporté pour le père aussi par la naissance d'un enfant : nous étions désormais deux à téter les seins de Vitalie ! Un jour pour Jupiter la nymphe devient Héra et, ça ne rate pas, le brave Dieu atterré découvre que l'amante est aussi une mère et que gérer une famille ça n’est pas sa tasse de thé (ou de nectar, plutôt) à lui.

Je n'eus pas le temps d’en prendre ombrage et de devenir amer car l'armée, autre nourricière guerrière à la mamelle jamais tarie, m’appela sur une autre aire de jeux : je fus envoyé en Algérie.

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Je ne revis plus Vitalie qu’a mes rares permissions. Mon absence prolongée n’irritait pas plus que cela ma solide et patiente épouse. Les feux d'un bel amour couvaient toujours dans l'âtre et ils furent suivis de quatre autres naissances d'enfançons ou d'enfantiaux comme on dit en Suisse. L’un, l’une plutôt, ne survécut pas mais il n'y eut pas d'arrêt pour autant dans notre production de nouveaux êtres en ce siècle de conquêtes et de révolution industrielle et industrieuse.

Et puis aux colonies j’ai rencontré Rita qui fut l’arête dans le bifteck de notre couple. Vitalie se sentit trahie - elle l'était ! -, elle me traita de taré, tira un trait sur nos amours et, comment on dit à Rouen, « On les mit sous le tapis à l’aître Saint-Maclou ». Après la naissance de notre dernière, « Isabelle la Catholique », elle se fit passer pour veuve puis, à ce qu'on m'a dit, serra beaucoup sa haire avec sa discipline. Après le sabre, le goupillon ! Hare Krishna à mort !

Je ne puis la haïr de m'avoir mis dehors. C'est le destin du traître et le destin est traître lui aussi. La suite est un peu tarte : je me suis terré quelques temps avec Rita en Algérie mais comme elle en avait un peu plus dans la théière elle m'a laissé tomber vite fait pour un pêcheur de raies de la ria d’Etel : il s'appelait Modiano et prenait de l'éther si je me rappelle bien. Bizarre pour un Breton !

Puis j’ai fait la Crimée et je me suis mué, la retraite venue, en vieux savant décoré de la Légion d'honneur cherchant quelques rais de lumière sur la langue des Arabes, sur la pensée d’Orient, les autres religions dont, notamment, l’Islam.

DDS 786 Omnibus_a_chevaux_vers_1890_CGO_ParisMais ite missa est ! Fin des confidences ! La patache s'arrête, nous voici arrivés sur la place ducale. Le grand cocher bourru maltraiteur de chevaux décharge nos bagages. Cet imbécile me dévisage avec intensité avec l’air de se demander si « hêtre ou ne pas hêtre ? » est la question que se pose certain loup-bûcheron qui sortirait du bois ! Drôle d'accueil, drôle de paroissien !

J'espère que le hasard qui fait si mal le tri parfois ne mettra pas Vitalie sur mon chemin.

Aïe ! Aïe ! Aïe ! Je me sentirais sans doute obligé de lui demander : « Ces enfants que je t'avais faits, que sont-ils donc devenus ? » alors que franchement, maintenant que j'arrive au terme de mon âge, je m'en fous, des enfants Rimbaud-Cuif ! 

15 septembre 2023

Pas tout à fait encore amnésique. 10, Gabiers, moussaillons, marins d'eau douce, salée ou dessalée

Qu’on habite ou pas au bord de la mer, tout commence avec « Maman, les petits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes ? Mais oui mon gros bêta : s'ils n'en n'avaient pas ils ne marcheraient pas ! ».

On vous fait très vite enchaîner avec « Ohé ohé matelot ! Matelot navigue sur les flots » et son terrifiant « on tira’z’a la courte paille pour savoir qui serait mangé (sur le gril ?) ». Celle-là, « Il était un petit navire », vous fait bien piger que vous êtes dans la même galère qu’Obélix et que si vous tombez petit dans la marmite des liaisons mal-t-à propos il n'y a pas de raison pour que vous soyez premier prix d'orthographe quelques années plus tard.

DDS 785 Haddock

On le comprend très vite que la mer est dangereuse et que le métier de marin n'est pas une sinécure. Il n'est que de voir Archibald Haddock lors de sa première apparition dans « Le crabe au pinces d'or : l'alcool a fait de lui un homme fini, un gabier de potence : il ne cesse et ne cessera jamais d’injurier à tout va tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. On apprendra plus tard qu'il tient ça de son ancêtre François de Hadoque et ce n’est un secret de polichinelle dans le tiroir pour personne : c'est juste un secret de la Licorne.

DDS 785 Le Vasseau fantôme 2

Les gabiers de l'Antiquité n'étaient pas mal non plus dans le genre grossiers personnages fort peu fréquentables. Les compagnons d'Ulysse sont plus du genre Wagner dirigé par Évguéni Prigogine dans le Vaisseau fantôme que Bateau ivre dirigé par Arthur (Rimbaud ou le fantôme justicier, je vous laisse le choix) : les guerriers de Sparte ou d'Athènes trempaient pas leur épée dans l'eau et avant l'Odyssée il y avait eu « l’Iliade, fais les valises, les partisans d'un Giro dur prétendent que la guerre de Troie à bien eu lieu ! ».

Mis à part l'univers rondouillard de Pépito et Ventempoupe de Bottaro, tout ce que la mer a porté comme navigateurs, explorateurs, Corsaires, pirates, flibustiers, négriers et amiraux de bateaux lavoir, de Cortez (the killer) à Long John Silver (and gold), est si peu admirable que quand la mer monte j'ai honte.

Oui, j'avoue, j'ai honte d'avoir mis dans ma guitare autant de ces chants de marins qu'on vénère en Bretagne au point de leur consacrer des festivals comme à Paimpol, Cancale ou Ploumanac'h.

Bien sûr qu'il y en a de très chouettes, des chansons, et de très jolies comme « Brave marin », « Loguivy de la mer » « Les Roses d'Ouessant » « Le Mariage secret de la mer et du vent ».

Bien sûr que j'adore « Mon petit garçon » « Le vieux », « Satanicles », « Quinze marins » et les autres pépites de Michel Tonnerre. Mais quand même, quel sexisme dans ce folklore maritime en chansons !

« Pour nous sont les garces des quais qui volent, qui mentent, qui font tuer » ! Les plus belles servantes emmènent Jean-François de Nantes, gabier de la Fringante dans leur soupente. Plus tard – je raccourcis très vite ;-) car il y a trop de couplets - il se lamentera à l'hôpital (de Nantua? ) où c’que c'est qu'on lui demandera : « Est-ce que ça vous chtouille ou est ce que ça vous grttouille ? ».

Quel programme dans « Le forban » : «  Je bois, je chante et je tue tour à tour », « Vivre d'orgies est ma seule espérance ».

Oui, je l'avoue, j’ai tellement honte de réclamer « Du rhum, des femmes et de la bière nom de Dieu » que je n'interprète même pas un des couplets de la chanson de Soldat Louis !  

DDS 785 Pogues

Je me souviens qu’un des premiers albums des Pogues s'intitule « Rhum, sodomy and the lash » ! Bonjour l'ambiance du genre « Vous avez eu mon pucelage et je n'ai pas eu votre argent » !

Chère Agrippine de Bretécher, ô gente dame, prenez peine et prenez vapeur : je vais lever le voile sur une culture masculine bien animale, sur des hommes qui vivent en mer et s’en viennent tirer des bordées et pisser comme je pleure dans le port d’Amsterdam avant de repartir à l'autre bout du monde faire la même chose.

Non finalement, je ne vais pas lever le voile sur ma honte : je vais surtout avouer qu’elle est avant toute chose celle d'un opportuniste ! Si je chante ces chansons, c’est parce que ces dames de par ici me les demandent : « Allez Joe, joue-nous l'Irlandais !» « Balance ton port, souffle la voile à l’harmonica, fais danser Fanny de Laninon que les joueurs de boules embrassent !".

Ce dont j'ai honte, comme Louis Aragon, c’est de n’y comprendre rien, aux termes de marine ! Qu'est-ce que c'est un gabier ? Un hunier ? Que signifie « prendre un ris » ? Une garcette, une grande vergue, une bitte d'amarrage, un nœud marin, un cacatois, tout cela est-il quelque chose de cochon ? C'est quoi un cabestan ? Et un câble qui se détend ? Quelle différence entre misaine et artimon ? Est-ce que bâbord est côté cour et tribord côté jardin ? Pourquoi y a-t-il une figure de proue et pas de figure de poupe ? Est-ce qu'on peut mettre un gabier à bord d’un sous-marin jaune qui devient vert lorsqu'il pénètre dans les eaux territoriales françaises ?

 

DDS 785 Barbe-rouge

Est-ce que je n'ai pas trop jeté l'encre encore une fois aujourd'hui ?

N'est-il pas temps de chanter la nouvelle chanson que j'ai ajoutée à mon répertoire pour l'occasion ? Ça va, rassurez-vous, celle-ci est tout à fait convenable !

P.S. J'aurais pu aussi bien travailler « Le Gabier noir » du même auteur, Michel Tonnerre. Ce sera pour une autre fois ! 

8 septembre 2023

Faut du Genesis mais point Foxtrot n'en faut !

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Mademoiselle Renard a mis sa belle robe rouge mais personne ne l'invite à danser le fox-trot. Il faut dire que le bal a lieu sur une plage et qu'elle se tient debout dans le milieu des vagues.

Observée depuis le sable par six chasseurs à courre et à court d’arguments elle pourrait sembler Vénus sortant des flots ou un nouveau Jésus de sexe féminin faisant l'intéressant·e. Mais ce serait oublier qu'elle est venue, pareille à l’ours blanc étonné des banquises lointaines, sur une plaque de glace, que cela jette un froid et que les sept Pénitents blancs dont le premier porte une croix, tout encapuchonnés, dépourvus d’horizons, ignorent ce miracle musical d’un autre temps et la féminité assumée de Peter Gabriel, premier t****** du rock à l’aube des seventies.

(On a beau changer d'outil et passer de Word en ligne à Dictation.io pour dicter ses textes on est toujours chez ces idiots de logiciels anglo-saxons à ciseaux puritains qui remplacent le mot « travelos » par six astérisques !).

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Je ne vais pas délirer plus sur la pochette de l'album « Foxtrot » du groupe de musique « progressive » Genesis. Je viens de vérifier que je ne possède plus ce disque vinyle. J'ai délégué à mon épouse il y a quelques temps le soin de le revendre dans une braderie de Rennes.

C’est sur ce disque-là qu’on entend la version studio de « Supper’s ready », une suite de 7 passages musicaux liés d'un seul tenant. Cela dure 23 minutes et je l’écoutais souvent dans la version de l'album live « Seconds out » sans rien comprendre des paroles mais en adorant la musique.

large_Hackett_Steve_05-12-80Si j'étais ici pour vous raconter ma vie je vous confierais que j'ai été initié à cette musique-là par Marie-Paule D. qui en était fan·e et qui habitait « par-derrière chez nous », au numéro 11 de la rue Achille Olivier à L. Mais je sais très bien que ça vous fera des bosses d'apprendre que j'étais, le 5 décembre 1980, à Paris, dans le public du Théâtre Mogador qui écoutait et applaudissait le guitariste Steve Hackett qui officiait au sein de Genesis avec Tony Banks, Phil Collins et Mike Rutherford à l’époque de « Foxtrot » : 1972.

Eh non, je ne suis toujours pas un perdreau de l’année ! Je fais des efforts, pourtant !

On trouve tellement d'information factuelles de ce type sur Internet qu'on ne peut plus rien dire du flottement onirique de cette musique, de ce groupe-là et du jeune homme que j’étais alors.

De toute façon le monde a bien changé : ces musiciens à barbe et cheveux longs sont maintenant de gros messieurs chauves portant lunettes. Leur poésie n’est plus en cour et leur musique non plus. Les battements simplistes du rap ont remplacé les compositions savantes et le délire abscons des paroles n'est pas plus encaissable aujourd'hui qu’à l’époque.

Marie-Paule D. a disparu dans les limbes du côté de Mâcon. Je possède encore des cassettes contenant l’enregistrement antédiluvien de nos séances musicales communes. Elle jouait du Georges Moustaki, du Maxime Le Forestier et du Graeme Allwright sur sa guitare sèche et comme nom d’artiste elle avait choisi « Boulibif blues » !

Longue vie à elle !

Ce que je regrette le plus dans cette histoire c'est le sort que l'on a fait subir à Mademoiselle Renard par la suite, même et surtout de nos jours.D’accord, il faut de l'anthropomorphisme mais point trop n'en faut quand même ! Et du merchandising. Le commentaire, emprunté à Alphonse Allais, qui l’appliquait à Baudelaire, est le même !

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