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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
25 avril 2014

Ne serais-je pas, moi aussi, un Leningrad cow-boy ? par Joe Krapov

Depuis que le hasard m’a mené en Bretagne, je ne cesse de me poser la question : pourquoi la femme que j’ai suivie jusqu’ici et son amie de toujours m’emmènent-elles toujours marcher sur le sentier des douaniers ? Et pourquoi n’y avons-nous jamais rencontré aucun douanier ?

En un sens, cela tombe bien : je n’aurais rien eu à lui déclarer d’autre que mon amour des plages, des petits ports fermés où les bateaux sommeillent, des barques assoupies attendant voyageurs.

MIC 2014 04 21 SklabeZ

 Voyageur, je le suis mais pas autant sans doute que n’était mon grand-père. Dans ses yeux bleu-gris de prolo converti à l’Histoire, au combat idéologique, aux livres-évangiles et aux discours prometteurs, la passion reflétait les étoiles.

Lui et ses pareils rêvaient d’un autre monde. L’Orient était rouge, il n’y avait rien de nouveau à l’Ouest, les temps étaient changeants et eux rêvaient, c’était possible encore, de changer le monde ou de décrocher la Lune ! Et du coup j’ai passé mon enfance entre Youri Gagarine et John Glenn parce qu’à cette époque bipolaire-là, les étoiles reflétaient les passions des adultes des deux camps !

Apollo contre Vostok, Spassky contre Fischer, Khrouchtchev contre Kennedy et au milieu, n’ayant pas choisi son camp, Joe Krapov, si terriblement voyageur en chambre, amoureux des livres, dévoreur des Pionniers de l’Espérance, de Teddy Ted, Davy Crockett et Loup Noir car même dans « Vaillant » l’Amérique était là parallèlement à Rodion et Tsin-Lu qui fraternisaient de l’autre côté.

MIC 2014 04 21 annonce_Pionniers

Tout comme la frontière française avec le nuage de Tchernobyl, le rideau de fer arrêtait tout sauf les films d’Eisenstein, les cigognes qui passent, Nadia Comaneci, Lev Yachine, les Chœurs de l’armée rouge, les nageuses Est-Allemandes aux épaules carrées, Karpov, Kortchnoï et Kasparov et même la langue russe apprise par votre serviteur comme deuxième langue vivante au collège puis au lycée. Il m’en reste quelques bribes comme le fait de savoir encore que l’étoile rouge se dit « Krasnaïa zviezda », comme la musicalité de certaines chansons et je n’exclus pas de retourner à son étude quand je serai libéré « de mes obligations militaire » !

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Mais si je fus docile, je fus aussi ouvert, curieux et dans le même temps j’écoutais les musiques venues d’outre-Atlantique (Linda Ronstadt, Crosby, Stills, Nash et surtout Young, Emmylou Harris). Je lisais aussi Jack Kerouac, Francis Scott Fitzgerald, Henry Miller, Clifford Simak, Philip K. Dick. La tête dans les étoiles, je n’ai jamais choisi quel était mon drapeau, pas plus le fanion de l’Etoile rouge de Zagreb que le « Star spangled banner » des USA.

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Car je ne suis qu’un marcheur du long des plages, un internaute abasourdi, enthousiasmé par ce qu’il a découvert hier soir : les Leningrad Cowboys reprenant, en compagnie des chœurs de l’Armée de l’air de Russie, cet hymne de Neil Young, « Keep on rockin’ in the free world ».

Grand-père, je t’en supplie, reste où tu es, ne reviens pas ! Sois content de ta vie ! Il n’y a plus de camp à choisir, camarade, tout a changé, rien n’a changé, demain ne chante plus, c’est aujourd’hui qui rit jaune en dansant par-dessus le volcan des centrales nucléaires qui fuient, les politiques de droite sont menées par les partis de gauche et l’on se demande tous les jours si c’est ainsi que les hommes vivent. Tu ne serais plus heureux parmi nous, tu ne t’y retrouverais pas dans ce monde-là ! Et moi je viens de comprendre pourquoi, sur les sentiers de Bretagne ou de l’île d’Yeu, on ne rencontre pas de douaniers : il n’y a plus de frontières non plus ! 

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23 avril 2014

Mes débuts dans l’existence : lipogramme en c cédille (Joe Krapov)

Cette Vénus, là, dans la vitrine, ce n’est pas une vanité. Mais c’est aussi violent. Pour un peu, à sa vue, Violette vacillerait. La vache ! A quelle vitesse la vie va ! Quel voyage spatio-temporel en vérité !

Car c’est bien elle qui est représentée, pratiquement nue, de dos, en train de regarder via le miroir sans tain ce qui se passe dans la chambre d’à côté. C’est elle, dans un bordel de la rue Chabanais, à l’époque où, toute jeune encore, elle vivait de ses charmes. Ce client-là, elle s’en souvient, était un drôle d’excentrique. Un rapin, comme on disait alors, un peintre à veste en velours verte, chapeau rond et lavallière. Il avait monnayé avec la sous-maîtresse, au tarif de plusieurs passes, le droit de remplacer la partie de jambes en l’air par deux ou trois séances de pose dans ce décor particulier. Un comportement peu académique en vérité, mais quand il paie, le client est roi. En même temps, bon camarade, peu exigeant, même pas émoustillé, tout appliqué à donner des coups de pinceau pour peindre une femme à poil par-dessus la vieille croûte.

 

AEV 2014 04 22 Doisneau regard oblique II

 

Car à l’issue de la première séance Violette avait demandé à voir la tournure que prenait le chef-d’œuvre. L’homme avait souri et lui avait dit de s’approcher. Elle avait surtout regardé son fessier, qu’elle n’imaginait pas aussi charnu et elle avait noté que le peintre à lavallière n’avait pas posé une toile vierge sur son châssis pour peindre le sien mais qu’il peignait par-dessus une autre toile.

Aujourd’hui, elle ne se souvient plus de ce que représentait le tableau original. Tant de temps avait passé, elle avait vampé tant de voyous et de voyeurs avant de décrocher et de se ranger des voitures une fois qu’elle eut rencontré Victor. Hélas, ce militaire va-t-en-guerre, rencontré au lendemain de la première guerre mondiale, n’était pas revenu vivant de la seconde. A la fin de cette grande vadrouille, Violette était devenue pour tout le quartier « la veuve du colonel ».

Fort heureusement pour elle il avait du bien, n’avait pas beaucoup de famille et ils avaient validé leur union en passant devant monsieur le maire. Elle avait donc hérité de son grand appartement et de toutes ses valeurs.

Elle resta bien cinq longues minutes à visionner encore le nu aux bas bleus, à repenser au peintre à veste verte, à ouvrir des mirettes vertigineusement admiratives devant cette « Chute des reins près du rocher de la Lorelei, anonyme, 1919 » puis elle sortit de sa torpeur et entra dans la boutique, faisant retentir un carillon assourdissant. Il y avait là un client avec une casquette et un appareil photographique, un petit gars à tête de titi parisien, visiblement gêné de la voir surgir, comme pris en faute. Le vendeur délaissa le jeune homme et s’approcha d’elle.

- Que puis-je pour votre service, madame ?
- Le tableau, là, dans la vitrine… Vous le vendez combien ?
- Trois cent cinquante mille francs.
- Je le prends. Vous trouverez mes coordonnées sur cette carte.

Elle lui tendit une carte de visite sur laquelle on pouvait lire « Mme la colonelle Violette Lavictoire, 6, rue Vavin, Paris 6e arrt ». De son sac à main, elle sortit la somme en liquide et régla l’antiquaire.

- Vous me le ferez livrer cet après-midi par ce charmant monsieur qui doit être votre coursier, j’imagine !"

Elle examina le jeune gars de pied en cap et lui dit :

- Il va falloir vous remplumer, mon moineau ! La guerre est finie et j’aime les jeunes gens bien en chair !"

Elle prit congé là-dessus. Le carillon rejoua son « Concerto en raie des fesses majeure pour quelque chose qui cloche, une porte et un soupir».
Le soupir de soulagement, ce fut le photographe cachottier du « Regard oblique » qui l’interpréta. Ce n’était autre que Robert Doisneau.

 

AEV 2014 04 22 FIN

 

Oui, l’histoire s’arrête là.

Oui, je devine que cela vous dérange.

Oui, je me doute bien que cela vous démange.

Oui, je sens bien que vous voudriez savoir ce que la colonelle a fait ou aurait pu faire de ce tableau.

 

Elle aurait pu, précédant en cela Jacques Lacan, installer son portrait derrière un rideau noir pour se réjouir de sa contemplation dans ces moments de solitude où l’on a besoin de s’adonner au narcissisme et où l’on a plaisir à se dire  : « Je possède « L’origine de monde » de Courbet » ou « C’est moi qui ai eu le plus beau derrière de Paris ! ».

Elle aurait pu aussi y mettre le feu pour que personne n’apprenne jamais, parmi ses amies du directoire de l’Institution des demoiselles de la Légion d’honneur, les circonstances dans lesquelles elle avait connu feu le colonel qui aimait à se faire fouetter par une femme à bas bleus comme était sa maman.

Elle aurait pu faire appel à un détective privé, lui expliquer que « là-dessous, voyez-vous, il y a une autre toile et j’aimerais bien que vous me disiez si, en 1918, il n’y a pas eu un vol de tableau important, une toile de grand maître qu’on aurait dérobée et jamais retrouvée depuis. Et si vous pouvez faire expertiser la toile par un expert du Louvre… ».

Oui, certes elle aurait pu faire cela. Et l’expert aurait découvert…

…tout comme moi…

… qu’il est 19 h 59, que la séance d’atelier d’écriture de Villejean est terminée et que je dois poser mon stylo pour lire mon texte puis écouter ravi la lecture de ceux des autres ! Et ces autres, dites-vous bien que je ne veux pas savoir comment elles ont débuté dans la vie ! Si je l’apprenais, comme tout ce texte est un lipogramme en « c cédille », je crois que je serais décu !

18 avril 2014

MODIFICATIONS MINUSCULES A UN CHEF-D'OEUVRE MAJUSCULE (Joe Krapov)

- Tiens, Petit Chaperon rouge, puisque tu n’as rien à faire cet après-midi, ce serait bien que tu ailles rendre visite à ta grand-mère à Saint-Sulpice-la-Forêt. Porte-lui donc ces six galettes et ces saucisses que j’ai achetées ce matin au marché des Lices ! Ca lui rappellera l’époque où elle allait au stade de la route de Lorient voir les matches du Stade Rennais Football Club avec Papy. Si tu veux, tu peux y aller avec mon scooter.
- Avec ton scoot’ ? Alors là je suis toujours prête ! Je finis ma partie et j’y vais tout de suite !

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En chemin, au carrefour de la D 97 et de La Foye, le Petit chaperon rouge croise l’heureux loup. Il est là qui trépigne sur place avec son maillot rouge et qui gueule « On est en finale ! On est en finale ! On est, on est, on est en finale !». La jeune fille arrête son scooter et va taper la discute avec l’imbécile heureux.

- Où tu vas, la meuf ?
- Je vais porter des galettes-saucisses à ma grand’mère qui habite 4 allée des Oliviers à Saint-Sulpice-le-Forêt ! Et puis comme elle va me donner de la thune vu que c’est mon anniversaire demain, j’aurai de quoi m’acheter une place pour la finale de la coupe de France ! Rennes–Guingamp au Parc des princes ! Je suis sûre que t'en rêves la nuit !
- Ah t’as trop de la chance ! Tu me dégoûtes, tiens ! C’est pô juste ! Salut la meuf !

Dès que le Chaperon rouge a redémarré, l’heureux loup saute dans sa Renault Twingo, il double le scooter, file tout schuss chez la Mère-Grand, frappe à la porte et se prépare à contrefaire la voix de la fille au bonnet rouge.


- Qui est là ? demande la grand-mère en mettant son œil derrière le judas.
- C'est votre petite-fille, le petit Chaperon rouge qui vous apporte des galettes et des saucisses que ma mère vous envoie. »

La bonne mère-grand qui n’est pas née de la dernière pluie lui répond :

- Transpire la mimolette et la souricette se gavera !
- Comment ?
- Tire sur la languette et l’apéricubette savoureras !
- Je crois que tu te trompes de formulette, Mamy !
- Retire-lui sa nuisette et la Marinette te chérira !
- Qu’est-ce qui se passe ? T’as forcé sur le chouchen aujourd’hui, ou quoi ?
- Dis-lui « Pas de ça Lisette ! » et sois sûr qu’elle le fera !
- M’enfin ! Qu’est-ce qui t’arrive ?
- Colle-lui une étiquette et la lettre s’affranchira !
- Alors là, c’est bien ma chance ! pense le loup. La grand-mère est Alzheimer !
- Shakespeare l’aride Hamlet et puis la tempête suivra !
- Tu t’éloignes, Mamy ! Ca commence par « tire » !
- Tire sur la bandelette et la momie nette s’effondrera !
- C’est un truc pour ouvrir la porte !
- Vire de là ta mobylette et l’escampette suivra !
- C’est quand même malheureux qu’à ton âge tu ne te souviennes déjà plus de tes classiques !
- Tire de ton escopette et l’alouette débusqueras !
- E' va me rende folle, la vieille !
- Tire sur ton épuisette et l’ablette ramèneras !
- Ca fait trop penser au sketch du plombier de Fernand Raynaud, ce gag, même si je n'ai pas l'âge d'avoir connu c'truc-là !
- Fais tomber la p’tite lingette et la sanisette broiera !
- Bon ça suffit comme ça, j’me casse ! Tant pis pour le billet de la finale !
- Je crois que j’ai perdu la clé, Chaperon, mais l’échelle est dressée sur le pignon. Escalade-la, monte sur le toit et descends par la cheminée, j’ai mis un matelas dans mon âtre pour que tu te reçoives bien à l'arrivée.
- Okkkaaaaay ! fait l’heureux loup qui commence sa grimpette et dévale par le conduit pour faire un brin de conduite à sa façon à Super Mamy Nova.

***

Deux heures après, le Petit Chaperon rouge radine. Elle appuie sur la sonnette.

 

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La mère-grand ouvre la porte. Elle a son tablier de cuisine tout taché de sang. Elle se font la bise. 

- Hmm ! Ca sent bon, chez toi, Mamy ! Qu’est-ce que tu mijotes ?
- Un filet de loup rapide façon Silvia. J’ai trouvé ça sur Marmiton.org. Dis-donc, tu as fait bonne pêche, cette semaine ! Il était gras et dodu à souhait, celui-là. Mais tu es en retard, toi ! Qu'as-tu fait depuis que tu m’as appelé avec ton portable pour me dire que l’imbécile heureux avait mordu à l’hameçon !
- Ch’suis allé donner les galettes saucisses au Resto du cœur pour nourrir les enfants Poucet et en passant, accessoirement, j’ai brûlé un portique écotaxe !
- Rigolote, va ! Allez, enlève ton bonnet rouge et viens donc goûter à mon kouign-amann !
- N’empêche, quels relous, ces loups !
- Ils n’ont pas encore compris ça, ces clowns ! La supériorité de l’homme sur l’animal, c’est que la femme, elle, a lu "Les Trois petits cochons" et les oeuvres complètes de Marcel Gotlib ! 

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16 avril 2014

Fable du policier qu’aimait une postière à Bordeaux en Gironde par Joe Krapov

- Inspecteur Lavardin ! Donnez-moi une cabine et un jeton de téléphone ! ».

Devant l’homme en gabardine, la postière Martine reste aphone. Plus que Pierre Arditi quand il en fait dix tonnes ce poulet-ci vous saucissonne d’une seule réplique assassine. Il a l’autorité d’une brute galonnée, la lourdeur d’un gradé à sardines qui déboîte du mess sans mettre son clignotant et la TV-brutalité de Thierry quand il Ardissonne.

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Celui-là, pour Martine, est du genre qui cartonne.

- Si j’osais, Joséphine, si je n’étais pas atone, avec l’air bête de la cousine qui en tient une couche et troue l’ozone, je lui dirais « J’suis ta frangine ! De ton regard franc, John, plonge dans ma turbine, viens me dresser mon bilan carbone ! Vois comme je brûle en gourgandine si toi aussi tu m’abandonnes ! Sais-tu comme, dans les nuits de Chine, la cochonne califourchonne ? Sais-tu que, comme la chaude lapine, la Lapone peut-être friponne ? D’amour je ne suis pas radine et si tu viens, Dieu me pardonne, si tu me joues ta sonatine, si tu entonnes, même en sourdine, l’air qui redresse la badine, Hardi les gars de la marine, promis juré, je t’amidonne ! Dans mes buissons te hasardant tu trouveras Fanny Ardant ! Je ne serai pas Sainte Blandine mais Sainte Lionne. Je soulagerai ton fardeau en devenant Brigitte Bardot ! Allez hardi, lundi, mardi, mets tes tracas dans ton barda, sois Pardaillan, ardent par Dieu et pas lardu, évite d’être un « qui dort dîne » qui se cantonne à la cantine : découpe-la en crapaudine, ta bonne copine, mon Al Capone ! Jardine-moi, je te l’ordonne ! Je te redis, je te redonne ces mots qu’à son marquis disait la Sévigné : Bine ta bonne ! ».

Hélas c’est en sourdine que son désir bourdonne ! Et lui ne voit aucune ondine dans cette citadine anodine qui lui redonne la monnaie de son coup de bigophone. Pardi ! Ce n’est qu’une gredine ! Un ex-bas bleu de la Sorbonne !
Il faudrait payer cher l’inspecteur Lavardin pour qu’il s’adonne au plaisir de la « belladone »
Martine, Amandine ? Y’a maldonne ! Ce qu’il préfère c’est son turbin et se promener parmi les pins à mâtines en automne !

MORALITE :

La patience est un art difficile ;
Se dorer la pastille est un art d’efficience.
Il vaut mieux subir le supplice de la Sardane à Palerme
Que le sur place de la sardine à la banque du sperme
Ou celui de la téléphoniste dans une poste girondine, 
Coincée derrière son hygiaphone
Tandis que là-haut sur la colline
Dans les forêts périgourdines
Loin des routes que l’on goudronne
L’homme qu’elle aime se dandine,
Randonne et doucement fredonne :

« Qui a cassé le vase de Line ?
C’est le vicomte de Bragelonne ! »

Où habite Youri Gagarine ?
Dans un patelin de Haute Garonne !

C’est ici que se termine
Mon délire, chère Simone

Et maintenant monte en voiture !
En route vers d’autres aventures ! ».

9 avril 2014

TROPHEE ET TREUYDICE par Joe Krapov

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Il faut se faire à cette idée que le temps passe et que la culture évolue. Au carnaval de Nantes, dimanche dernier, pour évoquer le cinéma il y avait deux chars entiers pour célébrer Tim Burton et un autre consacré à Harry Potter.

Déjà c’est peu de dire que le cinéma, la télévision, les écrans ont détrôné le livre. Les librairies ferment, les bibliothèques se débattent et s’adaptent pour devenir autre chose et nous, les amoureux de la chose littéraire, nous en sommes réduits à prier pour qu’ «ils» ne touchent pas plus que cela à ce qu’il nous reste d’images de nos lectures enfantines.

C’est pourquoi je me suis régalé à visiter depuis le musée des trophées du «Bureau Intertextuel des Pois et Mesures». J’étais en compagnie d’Isaure Chassériau et ma consoeur du «D… du S…..» a bien voulu me prêter son magnétophone à cassettes antédiluvien pour que je réécoute son interview du maître des lieux.

- Monsieur le Conservateur, vous-même êtes une célébrité ?
- Une célébrité anonyme ! On ne me connaît que sous l’appellation du «Vaillant petit tailleur». Et je n’ai toujours pas compris ce qu’il y avait d’exceptionnel dans le fait d’estourbir sept mouches d’un seul coup de torchon.
- Les mouches ont muté depuis. On ne pourrait plus faire ça aujourdhui. A croire qu’elles ont des yeux derrière la tête. En fait elles ont des mirettes comme des catalogues de bibliothèques : à facettes. Mais alors quel est, pour vous, votre plus beau titre de gloire ?

MIC 2014 04 07 mètre ruban

- C’est mon travail de couturier, d’arpenteur et de muséographe. Ici dans ce musée sont conservés des chiffres absolument mythiques. Ils ont tous été relevés grâce à mon mètre ruban magique. Mais venez, je vais vous faire visiter.
- 20, 25, 27 cm ?
- C’est le diamètre des trois assiettes dans lesquelles Boucle d’Or a mangé la soupe chez les 3 ours.
- 1 mètre 63 centimètres et 28 millimètres ?
- C’est la circonférence de la citrouille que la marraine de Cendrillon à transformée en carrosse.
- 1,95 LDL-C ?
- C’est le taux virtuel de LDL-cholestérol du grand méchant loup s’il avait réussi à bouffer les trois petits cochons.
- Vous avez mesuré cela avec votre centimètre ?
- C’est un centimètre magique. Vous voulez que je vous fasse une échographie avec ?
- Non, merci bien. Ici on retrouve des centimètres. 72 ?
- C’est la longueur atteinte par le nez de Pinocchio le jour où il a proféré son plus gros mensonge.
- Et c’était quoi, ce mensonge ?
- "Je vous jure les yeux dans les yeux que je n’ai pas de conte en Suisse » ! Pathétique, n’est-il pas, pour un héros dont la renommée est internationale ? Venez, nous allons passer dans la salle des plans-reliefs.

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- 22,736 kilomètres ?
- Je ne vois pas ?
- Divisez par sept !
- Il n’y a pas lieu de le répéter mais je suis assez nulle en calcul mental. Les maths ça ne m’a jamais bottée.
- C’est ça, vous avez trouvé. C’est exactement la distance qu’on franchit d’un seul pas de botte de sept lieues.
- Et ça, dans la même veine : 64,960 kms ?
- C’est là qu’on trouve le capitaine Nemo et son Nautilus !
- 20 000 lieues sous les mers ?
- Exact ! Et ceci : 4 807 mètres ?
- Ah ça je sais, c’est la hauteur du Mont Blanc !
- Perdu ! C’est l’altitude atteinte par le haricot magique de Jack. Nous l’avons conservé ici d'ailleurs et vous pourrez l’escalader tout à l’heure. Je vous laisserai revenir dans cette salle à votre gré mais pour l’instant, venez, nous allons pénétrer dans la salle des costumes.

Quelle merveille que ce musée ! Et quelle n’était pas la fierté du vaillant petit tailleur de nous montrer ses créations, récupérées au fil du temps et de ses pérégrinations à travers les contes auprès de leurs légendaires propriétaires.

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- Ici cette robe bleu ciel et blanc avec des voiles transparents verts et des miroirs qui cliquètent sur la collerette, c’est celle de la sœur Anne dans Barbe Bleue. Les couleurs que j’ai choisies symbolisent l’herbe qui verdoie, le soleil qui poudroie et la candeur naïve de celle qui ne voit jamis rien venir. La suivante a appartenu à Blanche-Neige. Vous voyez, Walt Disney n’est pas tombé loin. Tenez, elle m’a envoyé une photo d’elle et de son prince charmant récemment.
- Elle n’a pas vieilli ! ai-je dit à ce moment-là.
- Ca veut dire quoi vieillir ? a demandé le petit tailleur d’un air fâché.

J’ai senti que j’avais gaffé. Heureusement, à ce moment-là Isaure a rebondi :

- Dites-moi, vaillant petit tailleur, d’avoir fréquenté toutes ces stars, de les avoir approchées, habillées, mises en valeur et ce sans que l’on vous décerne le moindre César ni Oscar, ça ne vous a pas.. chagriné ?
- Et de les voir déshabillées à l’essayage, ça n’a rien allumé en vous ?
- Vous savez, m’a-t-il répondu, il n'est pas difficile de nourrir des pensées admirables lorsque les étoiles sont présentes. Il suffit d’oublier qu’elles ont un beau cul. Ou d’être homosexuel comme tous les grands couturiers.

Isaure et le tailleur ont éclaté de rire. Pas moi parce que le nabot en avait profité pour me mettre la main aux fesses en disant cela et c’est quelque chose que je n’apprécie que modérément.

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Après avoir admiré d’autres costumes nous sommes passés dans la salle des pois du musée du Bureau Intertextuel des Pois et Mesures et là c’était très décevant. Il n’y avait que les cailloux du petit Poucet et le petit pois de la princesse aux 7 matelas. Par une porte-fenêtre ouverte on pénétrait ensuite dans une cour. D’un pot de fleurs immense, un peu comme ceux qu’on voit sur la dalle Kennedy dans le quartier de Villejean à Rennes, sortait un plant de haricot géant dont on n’apercevait pas le sommet là-haut dans les nuages. Tout le long de la tige pendouillait une échelle de corde.
- Je passe le premier, a déclaré Mini-Lagerfeld. Suivez-moi, Monsieur Krapov !

En plus ce salaud-là connaissait les usages qui veulent qu’on descend un escalier devant les dames et qu’on les précède en grimpant à l’échelle pour éviter d’avoir à chanter ensuite des niaiseries souchonniennes comme « Sous les jupes des filles » ou « Allô maman bobo ».

J’ai répondu : « Allez-y sans moi, je retourne vérifier la longueur de la chevelure de Raiponce au cas où il y aurait interro écrite à la sortie ! ».

Route66

Je n’ai pas voulu avoir l’air ridicule à nouveau en avouant que je souffrais d’aérodromphobie et d’acrophobie. Ils ont disparu dans les nuages, je suis allé m’extasier à nouveau devant le panneau 66.

Non, le petit tailleur n’était jamais allé aux Etats-Unis parcourir une route mythique, il avait juste obtenu, en pratiquant diverses opérations sur les chiffres détenus dans son musée, ce que tout individu normalement constitué cherche à savoir, passe sa vie même parfois à chercher à savoir : l’âge du capitaine Achab quand il a rencontré la baleine dans laquelle Jonas et Pinocchio jouaient à qui dirait le plus gros des mensonges.

Et puis comme Isaure et le petit tailleur ne redescendaient pas et qu’il était sept heures "dring dring dring", je me suis réveillé, j’ai pris mon petit déjeuner et, en chantant, je suis allé au boulot comme les sept nains et tous les jours.

Et dans le bus, j’ai repensé, à propos de mon rêve et de ce que je disais au début au sujet du carnaval de Nantes :

- L’âge du capitaine Achab, si au lieu d’aller au cinéma voir les adaptations de Walt Disney, Tim Burton ou Trey Stokes, il avait lu le bouquin, il l’aurait su tout de suite !

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7 avril 2014

Ci-LOMBALGIT JOE KRAPOV (Joe Krapov)

 

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Il suffit de changer une ampoule dans sa salle de bains et on se retrouve métamorphosé en Clo-Cloporte. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Franz Kafka, spécialiste du genre qui eut sa petite heure de gloire jadis en raison d’un numéro de transformiste qu’il exécutait dans un cabaret de Prague.

C’est avec des jeunes sots qu’on fait des vieux cons. Cela, c’est paraît-il, de Louis Aragon. Moi je me fiche de cela comme de mon premier slip aéré – c’est aussi de lui – mais mon dos, non : avec le temps, va, comme tout s’en va – oui, gagné, Léo Ferré ! -, il paraît que ma colonne vertébrale a perdu sa courbure en chemin. Pour apprendre cela l’iatrophobe militant que je suis a dû avaler une couleuvre supplémentaire après le dernier lumbago subi et prendre rendez-vous avec un kinésithérapeute-ostéopathe. Très sympa, le gars, pour une fois !

Ca ne m’a pas fait perdre le sens de l’humour pour autant ! Quand je suis rentré de la première consultation j’ai demandé à Marina Bourgeoizovna : « Tu n’aurais pas un annuaire du téléphone pour que je me lave les dents ? ».

Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes mais Joe Krapov si. Pierre Lescure et Philippe Gelück aussi. C’est pourquoi il partage ses images, ses citations de Louis Aragon, ses délires verbaux et désormais ses cours de maintien pour internautes à mal de dos récurrent avec vous.

- Chaque fois que vous vous laverez les dents, conseille l’ostéopathe sarthois de Rennes, vous mettrez un annuaire sous vos orteils. Cela vous aidera à retrouver la cambrure naturelle de la colonne vertébrale.
Et de fait, à part les taches de dentifrice sur le pyjama ou sur le pull le matin, ça marche !

La deuxième visite a eu lieu vendredi dernier. Ce soir-là j’ai appris à me métamorphoser en chevalier servant. Toutes les dames qui passent par ici savent très bien que leurs désirs sont des orgues et que je me ferai un réel plaisir d’en jouer. Désormais je pourrai pour elle, en plus, mettre un genou en terre, poser sur le tapis le cœur que j’avais sur la main, appuyer mes deux mains sur l’autre genou allonger vers l’arrière la jambe avec le genou en terre en la faisant glisser, cambrer les reins et me casser la gueule sans me faire mal aux seins : c’est juste vous qui vous fendrez les côtes en regardant le tableau.

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Et puis j’ai aussi appris à me transformer en sphinx. « Chic ! se disent les messieurs qui passent par ici, il va enfin la fermer, celui-là ! ». C’est vrai, je les comprends, je suis comme ça, moi aussi : quand on en a plein le cul d’entendre des gens bavards parler pour ne rien dire, on rêve de voir le sphinx se taire.

Mais vous allez voir que ce n’est pas si évident. Pour faire le sphinx, on s’allonge sur le ventre. On pose les deux bras étendus devant soi et on relève la tête. On rapproche les bras en pliant les coudes, on prend appui sur les avant-bras et on relève la tête au maximum.
- Voilà, c’est tout, ça fera 72 euros.
- Rapace !

Nân, je déconne. Le praticien qui m’a avoué être né à 72300 La Chapelle d’Aligné ne me demandera qu’à la 3e et dernière séance en mai de les.
(Oui, de les aligner !)

Pour terminer, puisque me voilà devenu sphinx, je ne résiste pas au plaisir de vous soumettre à la question. Notre atelier d’écriture « en vrai » du mardi à la salle Mandoline s’est en effet métamorphosé la semaine dernière en fabrique de questionnaires cinéphiliques. A vous, cher(e)s Oedipes in the dark, de donner les titres des films évoqués, ci-dessous

Une robe blanche soulevée au-dessus d’une bouche de métro ?

Un charlot portant moustache joue au ballon avec un globe terrestre ?

Un défilé de mode ecclésiastique avec des chasubles qui clignotent dans un film italien du siècle dernier ?

Un parapluie orné d’un perroquet au bout du manche et ce perroquet parle à une dame à chapeau chargée d’éduquer deux enfants ?

Un rideau de douche et un couteau ?

Quatre notes d’harmonica dans un film de Sergio Leone ?

Un couple qui écarte les bras au milieu de l’océan ?

Jean-Paul Belmondo avec le visage peint en bleu ?

Une femme nue allongée sur un lit et qui demande à son amant « Est-ce que tu les aimes, mes fesses ? » ?

Deux hommes dans un canot à moteur. L’un des deux, habillé en femme, enlève sa perruque et dit : « Je suis un homme ! ». L’autre répond « Personne n’est parfait ! » ?

Un gamin tout nu dont le nom évoque un chapeau a bien du mal avec le conditionnel ?

Un type en pantalon bleu à rayures blanches fait tomber le nez du sphinx ?

Si le nez de Liz Taylor n’avait pas été ce qu’il fut, la face du monde en eût été changée ?


P.S. Je m’aperçois que j’ai oublié de vous parler des métamorphoses de libido vide en désir de rata et que je n’ai pas placé non plus « Métamorphose où j’ai mon doigt ! ». J’espère que d’autres y auront pensé à ma place !

4 avril 2014

Chez l'ornithologue (Joe Krapov)

- Je ne sais pas ce que j’ai, docteur, mais j’ai l’impression d’avoir des oiseaux dans la tête.
- Des oiseaux dans la tête ? Et ils font quoi ? Ils volent ?
- Non, ils chantent !
- C’est quel genre d’oiseaux ? Un rouge-gorge ? Un merle moqueur ? Quelque chose comme un moineau ? Un aigle noir ? Un épervier ? Un rossignol anglais ? Un rossignol de mésamour ? Un oiseau sur un fil ? Un oiseau rouge du buisson ? Un goéland ? Un albatros ? Un perroquet ? Un pigeon ? Un petit oiseau de toutes les couleurs ? Une pie dans un poirier ? Une alouette sur un miroir ? Un condor qui vous demande « Qué pasa ? » ?
- Non, c’est plutôt un oiseau de nuit. Un de ceux qui ont des grands yeux et qui… hululent !
- Les hiboux ?
- Oui, c’est ça, les hiboux !
- Et qu’est-ce qu’ils vous chantent, les hiboux ?
- Un truc bizarre !


- Oui je vois. Ca n’est pas du tout ça, Monsieur !
- ???
- Vous n’entendez pas des chants d’oiseaux, vous avez un air de piaf !
- Soyez poli, Docteur !
- Ce que je voulais dire c’est que vous avez un air de Piaf dans la tête !
- Et… Et dites... Qu’est-ce que je dois faire pour m’en débarrasser ?
- Mettez des boules Quiès pour dormir la nuit et dès que vous en avez l’occasion, ouvrez la cage aux oiseaux ! Regardez-les s’envoler, c’est beau !
- Merci Docteur. Je vous dois combien ?
- Ca fera 72 euros.
- 72 euros ? Mais vous êtes un vrai rapace, vous alors !
- Tss ! Tss ! Tss ! S’il vous plaît ! Pas de nom d’oiseaux dans mon cabinet ! J’en ai déjà plein la tête !

DDS 292 Folon

3 avril 2014

Au revoir, Petite fleur !

1
C’était un très fumeux big band
Qui datait un peu du Big Bang :
On jouait du jazz Dixieland,
On était fringués comme Jack Lang,
Ch’veux plaqués à la brillantine
Sauf un échalas qui détonne.

Si vous aviez vu la trombine
Du gars qui jouait du trombone !

2
C’était la môme Joséphine
Qui jouait du grand saxophone.
Elle envoyait sa sonatine
Dans l’pavillon du sonotone
Des clients qui prenaient racine
Au casino de Carcassonne.

Si vous aviez vu la trombine
Du gars qui jouait du trombone !

MIC 2014 03 31 090321_296

3
L’alto jouait du Borodine,
Le chef hurlait : « Il y a maldonne !
Vous jouez à côté d’vos bottines,
Le programm’ c’est Duke Ellington !
On doit faire danser Ernestine !
Balancez-lui un Charleston ! ».

Si vous aviez vu la trombine
Du gars qui jouait du trombone !

4
Le chanteur buvait trop de fine
Certains soirs il était aphone
Mais, toujours d’une humeur badine,
Il entamait, pour qu’on s’bidonne
La chanson d’Anna Karénine
Qu’avait composée John Lennon !

Si vous aviez vu la trombine
Du gars qui jouait du trombone !

MIC 2014 03 31 100425_300_m

5
La chanteuse s’appelait Marilyn
Elle avait une crinière de lionne
Nous étions tous amoureux d’elle
De ses froufrous, de ses dentelles.
Elle électrisait toute la troupe
Rien qu’en ondulant de la croupe.

Si vous aviez vu la trombine
Du gars qui jouait du trombone !

6
N’empêche, la jolie Colombine,
C’est lui qu’elle avait à la bonne !
Aussi fûmes-nous dans la débine
Quand après le concert d’Eaubonne
Il piqua notre Marilyn
En lui promettant Babylone

Nous étions d’humeur vipérine,
Chocolats comme Toblerone !

MIC 2014 03 31 060708A_453

7
On n’y avait vu que du bleu
Il avait bien caché son jeu !
Le chef en a perdu le goût
De nous faire jouer l’blues du Bayou
L’orchestre fut dissous, c’est moche
Et on en fut de notre poche :

L’énamouré et sa gonzesse
Avaient filé avec la caisse !

8

Si vous aussi êtes musicien,
Je vous le dis pour votre bien,
Faites attention à la bobine
Du gars qui souffle dans l’trombone !

Avec sa tête d’Aldo Maccione
Il combine de drôles de machines !
Avec ses allures d’Al Capone
Il peut embarquer votr’ copine !

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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
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