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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
29 septembre 2016

PLUS TRES VELO-CE !

S'échapper !

Bien sûr qu’on aimerait s’échapper !
Quitter le peloton et remporter l’étape, recevoir le maillot jaune,
le bouquet de fleurs et la bise au vainqueur !

Mais, sérieusement, comment faire quand…

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- Vous avez l’impression que ce n’est pas du nougat ; 

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- On vous a rayé des cadres ;

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- Vous n’êtes pas le Dieu Pan et encore moins en état de faire la roue ;


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- Vous êtes toujours plus ou moins déjanté ;

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- Vos articulations sont rouillées ;

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- Votre matériel date un peu…


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- … ou n’est pas à votre taille ;


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- Les jeunes générations vous traitent de Charlot ;


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- Le dopage est interdit, même pour les machines ;


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Seules vos sacoches ont la cerise ; 

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- Le médecin vous a mis au régime sans selle ;

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- Vous n’êtes plus que l’ombre de vous-même .

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- Vous ne croyez pas aux miracles ;

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- Vous vous dites même parfois que vous êtes bon pour le rebut ?

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Alors vous décidez que ces objectifs-là sont comme les raisins de La Fontaine : trop verts et bons pour des goujats !

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Photos prises à Montélimar (Drôme), Port-Bail (Manche), Toulouse (Haute-Garonne),
Rennes et Vitré (Ille-et-Vilaine) en 2015 et 2016.

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23 septembre 2016

FAMILLE THENARDIER, JE VOUS HAIS !

Ils continuent de ne pas s'embêter, à l'Université de Rennes 3 ! L'équipe de chercheurs un brin farfelus formée par le Pr Isaure Chassériau et les trois frères Park (Luna, Jurassic et Central) envoie toujours dans le passé son véhicule-robot baptisé Tornado afin d'en ramener des trésors (?) non parvenus jusqu'à nous. Il en est ainsi du poème ci-dessous, un  pastiche de Victor Hugo écrit par André Gide et que l'auteur a sans doute jugé bon de déchirer un peu avant de recevoir le prix Nobel de littérature en 1947. Remercions l'Université de Rennes 3 d'avoir récupéré ce document très intéressant pour l'histoire littéraire du XXe siècle.

FAMILLE THENARDIER, JE VOUS HAIS ! (un poème retrouvé d’André Gide)

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Si tu veux foutre le bordel
Au nouvel an chez ta belle-doche
Tu débarques en porte-jarretelles
En brandissant un tournebroche
Garni de blanches tourterelles !

Surtout, n’fais pas dans la dentelle,
Au nouvel an chez ta belle-doche !
Vas-y déguisé en poubelle
Avec des restes de cantoche
Dans ta chevelure poivre et sel ! 

AEV 1617-02 5176981

Comme Lady Gaga l’infidèle
Tu te recouvres de bidoche,
Tu joues au vieux Polichinelle
Et tu accroches en haut de l’échelle
Les plus turbulents des mioches moches
De ta belle-sœur Isabelle.

C’est fastoche de faire un festoche
De mauvais goût un peu cruel !
Je sais d’infâmes ritournelles
Extraites des « Fiancés de Loches »

Du genr’ « Le chat d’la mère Michel
Mixé dans la pâte à brioche » !

 A la petite Pimprenelle
Tu confisques sa vieille totoche,
Tu la lui caches dans l’eau d’vaisselle
Et à sa grande sœur, la gazelle
Qui crèche rue du Maréchal Foch,
Pendant qu’elle touille son vermicelle
Tu lui roules deux ou trois galoches !

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Si tu veux foutre le bordel
Au nouvel an chez ta belle-doche
Tu viens avec la varicelle,
Avec la peau qui s’effiloche !
J’ai un pote qui boss’ dans l’cinoche,
Il connaît toutes les ficelles
Du maquillage gore qu’on s’accroche
Pour faire trembler les jouvencelles !

 Si t’es du genre intellectuel
Tu viens avec Aldo Ripoche !
Il jouera sur son violoncelle
Le « Concerto pour la main gauche »
Du dénommé Maurice Ravel
Ou de frondeuses tarentelles
Composées par Gérard Filoche :
Y’a pas plus chiant comme saltarelle ! 

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Si ta famille, par les bretelles,
T’envoie ramasser une gamelle
Sur le pavé de la place Hoche
Tu as gagné ! C’est dans la poche !
Tu ne paieras plus la gabelle
De cette sinistre bamboche :
Tu ne fais plus partie des proches !

Et l’année prochaine, à Noël
Moët et Chandon plein la valoche,
Caviar de Russie à la pelle,
Tu pourras te taper la cloche
Sans te farcir les sales caboches
De ces messieurs et demoiselles !


Tu pourras te faire un cinoche,
Mireille Darc dans « La grande sauterelle »,
Un film avec Juliette Binoche,
Un vieux polar avec Bébel
Ou rester devant ta téloche
En te gavant de caramel !

AEV 1617-02 62d7064d

Famille, je vous Gargamelle !
Vous ne méritez que taloches,
Horions et coups de manivelle !

Et je signe, sans anicroche :
Gavroche, rebelle de la Bastoche.

 

 

Les illustrations sont d'Albert Dubout et empruntées ici et là sur le web. Merci à l'artiste et aux généreux partageurs.

16 septembre 2016

TOUT CA, C'EST PEANUTS !

- Que de questions soulèvent vos textes, M. Krapov !
- La réponse est dans le vent ou dans les livres !
- Oui, mais lequel  ?
- Ces trois textes sont relatifs au même bouquin. Le personnage central s'y fait mousser.


Pluie de notes

Aujourd’hui, il pleut des notes.

Ce n’est pas qu’on soit fatigué des hallebardes, des cordes ou de la simple pluie bretonne. Ce n’est pas que l’institutrice restitue les copies de la composition d’histoire ou la dictée corrigée. C’est que le petit garçon au maillot rayé jaune et noir est encore en train de balancer des barcaroles over Beethoven sur son piano-jouet. Il joue cela magnifiquement.

Comment fait-il, du haut de ses sept ans, pour s’y retrouver parmi les bémols à la clé, les triolets, les doubles croches, les bécarres, les demi-soupirs, la clé de fa, la clé de sol ?

Comment fait-il pour rester concentré dans ce monde où tout le monde jacasse, crie, s’agite et où finalement, au bout de la portée restée ouverte, ses notes se fracassent ?

Même le chien du voisin qui n’est pourtant pas le dernier à l’écouter et à le soutenir en brandissant la pancarte « C’est, aujourd’hui 16 septembre, l’anniversaire de Beethoven » s’est protégé de cette cataracte, de cette chute de scansion, de cette pluie de notes avec un parapluie rouge.

Et le gamin continue de jouer, imperturbable, comme si lui aussi, tel son idole, était sourd à tous les aléas de son environnement.

J’envie sa foi en la musique, j’admire sa ténacité, je le remercie d’exister.


Lire

Je ne considère plus la littérature que pour m’en amuser. Hier, en partant à ma répétition de musique, j’ai aperçu, depuis la fenêtre du bus, au niveau de la place de la République, une publicité grand format pour une rencontre-dédicace d’Amélie Nothomb. Cette dame belge vient de réécrire Riquet à la Houppe. Est-ce réellement amusant ? Y aura-t-il du monde à lire cela, à vouloir se le faire dédicacer ? La vraie question est plutôt ailleurs que dans le livre : ai-je vraiment envie de voir et de photographier le chapeau le plus célèbre de Belgique ? Le « people » ne prend-il pas définitivement le pas sur l’écrivain ? Tout le monde désormais, y compris les hommes politiques et les gens de télévision écrit sur tout et n’importe quoi. Faut-il vraiment lire ses contemporains ?

Plutôt que de m’absorber à l’occasion – entre deux pluies de notes, entre deux affalements ! – dans la relecture des romans policiers de Raymond Chandler, ne ferais-je pas mieux de me plonger dans ces auteurs dont je connais les noms et les titres de leurs œuvres depuis toujours et que je n’ai jamais lus ? « La dame de pique » de Pouchkine, « Guerre et paix » et « Anna Karénine » de Léon Tolstoï, « Le Don paisible » de Mikhail Cholokhov, « Le docteur Jivago » de Boris Pasternak, « Crime et Châtiment » de Fedor Dostoïevski, « Les frères Karamazov », du même.

Au lieu de faire cela, il ne me vient qu’une idée stupide : proposer aux ami(e)s de l’Atelier d’écriture de réinventer l’histoire des Frères Karamazov. Si vous ne la connaissez pas, improvisez ! Pour les autres, faites une fiche de lecture, sur ce livre-là ou sur un autre que vous n’avez pas pu terminer !

Et d’ailleurs… Elle meurt, à la fin du livre, madame Bovary ? Mangée par le phoque de la roulotte de Rennes. Quoi ? Vous ne connaissez pas la roulotte du phoque ? C’est là le seul intérêt que Gustave Flaubert et Maxime Du Camp ont trouvé à notre riante cité lors de leur voyage « Par les champs et les grèves ».


Crêpe

Spike est un chien du désert. Cela fait des années qu’il vit ici, échoué sur le sable, coiffé de son chapeau miteux, entouré de cactus et de buissons baladeurs. De quoi vit-il ? Comment survit-il ? Pourquoi est-il et reste-t-il là ? Ce sont là des questions qu’il ne faut pas poser. Les réponses seraient toutes plus absurdes les unes que les autres et vous êtes terriblement cartésien(ne) je le vois bien. Je vais quand même répondre à celle-ci : Que mange-t-il ? ». la réponse est : « des crêpes ! ».

A-t-il été scout Baden Powellien ou Hamster Jovialien avec son frère Snoopy, celui qui emmène en camp d’été à Woodstock des piafs du genre baba-cool ?

Sans doute que oui ? Il sait allumer un feu de bois. Possède-t-il une cuisine intégrée ? En plein désert ? Vous voulez rire ! C’est déjà du bol qu’il en ait un, de bol, et un pilon ou une cuillère pour mélanger la pâte.

Il possède aussi une poêle à frire et ne manque jamais de faire sauter la crêpe au moment de la faire dorer sur sa deuxième face.

J’entends d’ici votre question : la crêpe ne tombe-t-elle pas alors par terre ? La réponse est négative : la crêpe va s’accrocher aux épines du cactus qui est le seul compagnon de Spike. Et le chien-philosophe ne manque jamais de conclure que tout est dans le coup de main. Enfin, presque tout.

J’adore Spike !

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15 septembre 2016

C'EST PEANUTS !

Affalé

Dans la famille, dans chaque famille, il y a toujours un affalé. Il est vautré dans le fauteuil, allongé sur le canapé, les bras mous, les paupières tombantes, le temps de cerveau plutôt éteint, surtout s’il regarde TF1. Mais ça marche aussi avec des documentaires sur Arte.

Chez nous il y a eu l’oncle Désiré qui traînait en pyjama une bonne partie de la matinée. Il avait d’ailleurs toujours fait ça. Quand il était jeune, ses copains venaient le chercher le dimanche à midi. Il dormait encore et ne se levait pas pour les voir. Charmante famille !

Pour devenir affalé, pas besoin de suivre des cours. Il suffit que la télé soit la télé et que le siège soit confortable. Chez nous, quand j’étais adulescent, on a possédé pendant un certain temps un objet hyper-vintage : un fauteuil à billes ! J’ai regardé, affalé dedans, en noir et blanc, tard le soir, le ciné-club de Claude-Jean Philippe qui vient de nous quitter pour le paradis des cinéphiles.

Quand j’ai quitté la maison pour aller vivre ma vie de jeune adulte à Paris on n’avait pas de magnétoscope. Aussi n’ai-je jamais enregistré de documentaire animalier… pour mon chien !

D’ailleurs, comme le chante très bien Jacques Brel, « J’ai jamais eu de chien » ni d’autre animal domestique chez moi. Ce qui ne m’interdit pas de vivre, sans fauteuil à billes et sans télévision, mais très heureusement, avec une femme bélier !

Peanuts 02 A R

Pluie de notes

Aujourd’hui, il pleut des notes.

Ce n’est pas qu’on soit fatigué des hallebardes, des cordes ou de la simple pluie bretonne. Ce n’est pas que l’institutrice restitue les copies de la composition d’histoire ou la dictée corrigée. C’est que le petit garçon au maillot rayé jaune et noir est encore en train de balancer des barcaroles over Beethoven sur son piano-jouet. Il joue cela magnifiquement.

Comment fait-il, du haut de ses sept ans, pour s’y retrouver parmi les bémols à la clé, les triolets, les doubles croches, les bécarres, les demi-soupirs, la clé de fa, la clé de sol ?

Comment fait-il pour rester concentré dans ce monde où tout le monde jacasse, crie, s’agite et où finalement, au bout de la portée restée ouverte, ses notes se fracassent ?

Même le chien du voisin qui n’est pourtant pas le dernier à l’écouter et à le soutenir en brandissant la pancarte « C’est, aujourd’hui 16 septembre, l’anniversaire de Beethoven » s’est protégé de cette cataracte, de cette chute de scansion, de cette pluie de notes avec un parapluie rouge.

Et Schroeder – c’est le nom du gamin – continue de jouer, imperturbable, comme si lui aussi, tel son idole, était sourd à tous les aléas de son environnement.

J’envie sa foi en la musique, j’admire sa ténacité, je le remercie d’exister.

Peanuts 01 A Schroeder R


Lire

Je ne considère plus la littérature que pour m’en amuser. Hier, en partant à ma répétition de musique, j’ai aperçu, depuis la fenêtre du bus, au niveau de la place de la République, une publicité grand format pour une rencontre-dédicace d’Amélie Nothomb. Cette dame belge vient de réécrire Riquet à la Houppe. Est-ce réellement amusant ? Y aura-t-il du monde à lire cela, à vouloir se le faire dédicacer ? La vraie question est plutôt ailleurs que dans le livre : ai-je vraiment envie de voir et de photographier le chapeau le plus célèbre de Belgique ? Le « people » ne prend-il pas définitivement le pas sur l’écrivain ? Tout le monde désormais, y compris les hommes politiques et les gens de télévision écrit sur tout et n’importe quoi. Faut-il vraiment lire ses contemporains ?

Plutôt que de m’absorber à l’occasion – entre deux pluies de notes, entre deux affalements ! – dans la relecture des romans policiers de Raymond Chandler, ne ferais-je pas mieux de me plonger dans ces auteurs dont je connais les noms et les titres de leurs œuvres depuis toujours et que je n’ai jamais lus ? « La dame de pique » de Pouchkine, « Guerre et paix » et « Anna Karénine » de Léon Tolstoï, « Le Don paisible » de Mikhail Cholokhov, « Le docteur Jivago » de Boris Pasternak, « Crime et Châtiment » de Fedor Dostoïevski, « Les frères Karamazov », du même.

Au lieu de faire cela, il ne me vient qu’une idée stupide : proposer aux ami(e)s de l’Atelier d’écriture de réinventer l’histoire des Frères Karamazov. Si vous ne la connaissez pas, improvisez ! Pour les autres, faites une fiche de lecture, sur ce livre-là ou sur un autre que vous n’avez pas pu terminer !

Et d’ailleurs… Elle meurt, à la fin du livre, madame Bovary ? Mangée par le phoque de la roulotte de Rennes. Quoi ? Vous ne connaissez pas la roulotte du phoque ? C’est là le seul intérêt que Gustave Flaubert et Maxime Du Camp ont trouvé à notre riante cité lors de leur voyage « Par les champs et les grèves ».

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Crêpe

Spike est un chien du désert. Cela fait des années qu’il vit ici, échoué sur le sable, coiffé de son chapeau miteux, entouré de cactus et de buissons baladeurs. De quoi vit-il ? Comment survit-il ? Pourquoi est-il et reste-t-il là ? Ce sont là des questions qu’il ne faut pas poser. Les réponses seraient toutes plus absurdes les unes que les autres et vous êtes terriblement cartésien(ne) je le vois bien. Je vais quand même répondre à celle-ci : Que mange-t-il ? ». la réponse est : « des crêpes ! ».

A-t-il été scout Baden Powellien ou Hamster Jovialien avec son frère Snoopy, celui qui emmène en camp d’été à Woodstock des piafs du genre baba-cool ?

Sans doute que oui ? Il sait allumer un feu de bois. Possède-t-il une cuisine intégrée ? En plein désert ? Vous voulez rire ! C’est déjà du bol qu’il en ait un, de bol, et un pilon ou une cuillère pour mélanger la pâte.

Il possède aussi une poêle à frire et ne manque jamais de faire sauter la crêpe au moment de la faire dorer sur sa deuxième face.

J’entends d’ici votre question : la crêpe ne tombe-t-elle pas alors par terre ? La réponse est négative : la crêpe va s’accrocher aux épines du cactus qui est le seul compagnon de Spike. Et le chien-philosophe ne manque jamais de conclure que tout est dans le coup de main. Enfin, presque tout.

J’adore Spike !

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Quelle connerie, la guerre !

Les canons grondent au loin. Les vitres du Café de France tremblent encore. Et dans ce décor banal à pleurer Marie C essuie les verres au fond du café. En finira-t-on jamais avec cette guerre de tranchées ou plus personne n’avance, plus personne ne gagne du terrain ? Quelle gloire tirer de cette génération foutue, de ce cimetière de tombes à ciel ouvert ?

Ce soir le café est désert. Les avions sont rentrés à la base tout à l’heure mais les gars doivent être trop épuisés pour venir jusqu’ici. Il tombe une pluie drue à transpercer les os.

Mari C., s’il faut faire son portrait, est une petite jeune femme rondelette, brune, dont la principale caractéristique physique et la myopie. Ses lunette à verres épais lui mangent le visage et lui donnent l’air d’une petite taupe. Bien que la mode des garçonnes n’ait pas encore été lancée en cette année 1917 elle a les cheveux relativement courts. De son caractère on dira qu’il est plein de bon sens, naïf, gentil mais sans doute aussi soupe au lait. Elle s’énerve souvent des comportements aberrants de Patricia de Pétronille, son aristocratique mais déchue voisine.

Plus personne ne viendra ce soir, songe-t-elle en rangeant le dernier verre propre et sec sur l’étagère. Elle s’apprête à aller poser les volets, fermer le café et monter à l’étage où l’attend un vieux livre quand quelqu’un pousse la porte, laissant entrer violemment vent et pluie dans le bistrot.

C’est un aviateur américain. Elle le reconnaît à son écharpe jaune, à son gros nez, à son casque et ses lunettes de vol qu’il garde en permanence quand il vient ici. A son mutisme, aussi, dû sans doute au fait qu’il ne connaît pas un mot de français, excepté « limonade ». Encore cela se prononce-t-il de façon presque identique en anglais : « Please, baby, lemonade » dit une chanson de l’époque.

Marie C. l’appelle « L’amnésique ». Un jour du mois précédent elle lui a demandé son nom. Il a répondu : J’ai oublié ! Je bois pour oublier, la guerre, la stupidité de tout ça. Et ça marche ! J’oublie tout !».

Ce soir, c’est visible, il est encore plus déprimé, plus seul, plus cafardeux que les autres soirs. Et vrai, quel sens cela peut-il avoir de monter dans un « Sopwith Camel », de partir en chasse dans les cieux afin de rivaliser avec le terrible « Baron rouge » ? Si même un jour, par chance, il abattait le pilote allemand, cela changerait-il au rapport de force entre les puissances belligérantes ?

N’a-t-il pas, de l’autre côté de l’océan, une fiancée, des amis, des parents auxquels il manque terriblement ? Des êtres qui vivent dans l’angoisse en lisant les nouvelle du conflit mondial dans le journal ?

Quand elle arrive près de lui avec le plateau portant le verre de limonade, le militaire a un geste inattendu. Il avance la main vers elle en la faisant glisser sur la table, les paumes sur la nape, comme s’il attendait qu’elle pose la sienne dessus en une apaisante caresse. Mais Marie est emportée par la routine. Gardant le plateau dans la main gauche, elle a saisi le verre dans la main droite et , comme elle est vraiment myope, elle a posé la limonade sur le dos de la main de l’amnésique.

-Désolée, Monsieur ! Je ne voulais pas poser ce verre de limonade sur votre main.

L’aviateur a un sourire gêné. La serveuse a oublié de mettre une paille dans le verre.

Marie retourne s’installer derrière le comptoir. Elle n’a pas rêvé. Elle est myope mais pas complètement miraude. Ce n’était pas une main d’homme, c’était une patte de chien. Et ce quelle prenait pour un gros nez, c’est une truffe au bout d’un museau poilu.

Les mutations génétiques ont commencé.

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8 septembre 2016

99 Dragons : exercices de style. 36, Télégraphique

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- Madame la dragonne Z ?

- Oui ?
- Télégramme !

Ma chérie, STOP Ai trouvé pays cocagne STOP Paysans faciles racketter STOP Viande ovine 1er choix STOP Maréchaussée inexistante STOP Rejoins-moi avec mômes STOP Trop de la balle ! STOP
Signé : Dragon Z

télégraphiste 975_0010

- Monsieur Sanzot, producteur d’ovins ?
- Moi-même.
- Télégramme de la Confédération paysanne !

Négociations fructueuses. STOP Evénements récents déclarés catastrophe naturelle. STOP Réparations suivent. STOP Monarque suggéré nous adresser « Assurances Considération distinguée » avec dossier étendue sinistre. STOP Confraternellement vôtre. STOP

Facteur-2

- M. Judas Ganelon ?
- Ca dépend des jours. C’est pour quoi ?
- Télégramme envoyé par « Comploteurs cagoulés réunis ».
- Ce n’est pas une contrepèterie, au moins ?

Cher M. Judas Ganelon. STOP Avons suivi vos conseils. STOP Nous sommes fait porter pâles. STOP Roi désemparé, esseulé. STOP A fait appel puissance étrangère. STOP Quel nul ! STOP Attendons échec intervention Saint-Georges comme convenu. STOP Ensuite, procédons putsch ! STOP A nous le pouvoir ! STOP
P. S. Trente deniers pour votre société de conseil suivent. STOP Ne rentraient pas dans le télégramme. STOP 

télégramme de bonheur 303_002

 

- Mme la sœur Anne ?
- Ah non, moi c’est Sœur Sourire. Sœur Anne fait ses dévotions là-haut tout en haut de la tour.
- Il n’y a pas d’ascenseur ?
- Pas encore inventé, mon pote ! C’est à remettre en mains propres ou il faut te montrer patte blanche. Je sais, ça revient au même. Je peux prendre le colis pour elle et le lui remettre, si tu veux, mon mignon ?
- C’est juste un télégramme.
- Alors monte ! L’escalier est dans la concierge.

Anne, ma sœur Anne. STOP

Je vais enfin voir le loup. STOP Si tu savais ! STOP Papa contrit mais d’accord. STOP D’après rumeur publique, mon promis crache des flammes et a une grosse queue. STOP Chic ! Chic ! Chic ! STOP Bises de ta soeurette. STOP

carson

- M. Saint-Georges ?
- Oui ?
- Télégramme du pénitencier.

Cher Lucky Luke. STOP Dalton encore évadés. STOP Merci nous les ramener. STOP Signé : Le directeur.

- Ouf ! ca n’est pas pour moi ! Je vais pouvoir continuer tranquillement mes sudokus de niveau 12

sudoku

P.S.


Télégramme pour Miss MAP et oncle Walrus :

Un dragon supplémentaire ! STOP Encore bonne chose faite ! STOP Merci à vous accepter sur Défi depuis lustres délires krapoviens. STOP Et permettre accomplissement grand œuvre hagiographique et Quenaldien. STOP Amitiés et remerciements renouvelés. 

Signé : Joe Krapov le neveu fou

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