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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
28 février 2013

Le targui des étoiles (Joe Krapov)

1
Ma cabane au Sahara
Est devenue aérostat
Nacelle de la montgolfière
Qu’est la Terre

Petit prince abandonné
Me voici à piloter
Sous le toit
De ma cabane au Sahara

Elle s’en va
Légère dans les étoiles
Le simoun
Gonfle ses jolies voiles

2
Ma cabane au Sahara
C'est mon Led Zeppelin à moi
La vie libre qui me plait
Balloté

Les richesses de la planète
Tout autour de moi volètent
Il suffit
Que je tende mon épuisette

Mais je rêve d'y emmener
Celle qui voudra me suivre
Viens avec moi si tu veux vivre
D’aventurières destinées

3
Jusqu’au bout de l’univers
On ira se mettre au vert
Sur le toit de ma cabane
Au Sahara

Sur les anneaux de Saturne
Nous f’rons danser nos cothurnes
Au grand bal
Des rigolos d’Aldébaran

Je te dirai
Le nom des nébuleuses
Je t'apprendrai
Des chants de Bételgeuse

4
Ma cabane au Sahara
Tant que tu y resteras
Ce sera le paradis
Ma chérie

A quoi bon chercher ailleurs
Je sais bien que le bonheur
Il est là
Dans ma cabane au Sahara.

  

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22 février 2013

ROUE DE FORTUNE par Joe Krapov

MIC 2013 02 18 tarot 2

Lorsque j’étais bateleur d’un orchestre de jazz, j’avais pas mal de temps pour moi entre deux concerts. Je savais que la roue de la fortune ne tournerait qu’un temps en ma faveur aussi avais-je repris des études de voyante extra-lucide par correspondance (CNED-toi, le ciel te CNEDera, dit le proverbe). Il y avait l’option astrologie, la filière marc de café et même une UFR boule de cristal et foulard gitan mais j’étais surtout taraudé par les cartes du jeu dit de Marseille.

Je tenais aussi à l’époque une espèce de journal intime sur des cahiers à petits carreaux dans lesquels je balançais toutes sortes de choses.

A la suite d’un rêve étrange fait récemment, je suis allé il y a peu dans mon grenier récupérer un de ces vieux cahiers. Le rêve que j’avais fait se déroulait sur un marché aux puces. J’y faisais l’acquisition d’un journal intime. Je le feuilletais : il y avait des dessins, des mots, des photos collées ou glissées entre les pages. Sur l’une d’entre elles, je me reconnaissais. En fait, ce document que j’achetais, c’est moi qui l’avais rédigé !

Ce vestige de l’âge du jazz que je suis allé rechercher pour le comparer à ce que j’avais vu en rêve, j’y ai trouvé des notes et des aphorismes dont je vous livre ici quelques extraits. Ce n’est pas qu’ils vaillent grand-chose mais…

 

MIC 2013 02 18 fitzgerald

Combien de miles le fou qui escalade la montagne peut-il parcourir avnt qu’il ne dévisse ?

La tiare déposée du pape et les chaussettes de l’ArchieChepp sont-elles sèches archi-sèches ?

Toujours énervé par sa femme , l’empereur Georges qui ne la comprend guère chouine.

Si tu as le tempo rance, fais preuve de tempérance. Méfie-toi de cette fragrance, ne t’en parfume pas trop. Si une femme sans parfum est une femme sans avenir un homme qui sue est un homme qui pue et ça, ça tue !

Qu’est la corde du pendu sinon un licol porteur ?

A s’agiter entre ses fûts et ses caisses pour ne pas être à contretemps, le batteur n’en a guère pour s’adonner à l’art Tatum du contrepet.

Ce rêve que j’ai fait et son prolongement réel retrouvé dans mes archives m’ont donné une drôle d’idée. N’aurais-je pas finalement, à force d’étudier alors, hérité de capacités médiumniques ? Ne possèderais-je pas le pouvoir d’influer par les rêves sur la réalité ? Si j’allais par exemple, en rêve, sur le même marché aux puces, tomber en arrêt devant un livre sans titre qui deviendrait, une fois publié un best-seller qui me rendrait riche au point que je doive m’exiler en Irlande ou en Belgique pour ne pas payer trop d’impôts à l’administration de mon pays natal ?

Au sortir de ce deuxième rêve, je monterais dans mon grenier et j’en redescendrais avec un des manuscrits qui y dorment. Si le livre dont tout le monde a besoin était là, il me faudrait trouver aussi la force d’aller faire la pute chez un éditeur. Il me faudrait également prendre un pseudonyme pour ne pas avoir honte d’être un aussi mauvais citoyen. Je crois que je choisirais quelque chose comme Rodrick Nosferas. Est-ce que ça vaudrait le coup de n'être plus soi-même, de devenir un "je" qui serait un autre comme disait Rimbaud ?

Allez, au diable la magie ! Jetons au loin ces cartes de sorcière et ces souvenirs de l’époque où j’étais bateleur. Je n’ai pas envie de rencontrer des journalistes qui ne comprendront rien à ma démarche artistique. Je n'ai pas envie d’apprendre le belge pour économiser du fric. Je préfère continuer à demeurer sur le quai Saint-Cyr à Rennes où la véritable paix niche et où, par-dessus mes disques de jazz, je puis m’adonner à ma passion de toujours : la batellerie*. Tant pis si ce manque d’ambition fait jazzer dans le Landerneau littéraire d'après-demain !

* La batellerie est l’art du bateleur : cela consiste à rêver de voyages bizarres en regardant des bateaux à l’arrêt.

 

MIC 2013 02 100110_042

 

19 février 2013

Un ami d’autrefois (Joe Krapov)

Très longtemps la musique a été mon issue de secours. Oh bien sûr, il n’y avait pas le feu à l’hôtel, non. Juste le besoin, comme pour tout adolescent, de s’ouvrir au monde. Et c’est justement à ce moment-là que j’ai découvert « Kevin Ayers and the Whole world », un voisin d’Angleterre avec une voix grave et des musiques sucrées.

Le premier album de lui que j’ai écouté est en fait le deuxième de ses opera (je savais le latin à l’époque : un opus, des opera !). Il s’intitule « Shooting at the moon ». C’est peut-être important pour la suite. Il contient le rigolo « May i ? » aux paroles chantées en français :


« J’étais perdu dans la rue
Fatigué et mal au cul
J’ai vu un petit café avec une fille dedans
Et je lui disai [sic] (c’est ainsi, je savais toujours le latin !) :
Puis-je
M’asseoir auprès de toi, te regarder ?
J’aimerais bien la compagnie de ton sourire ».

 

DDS 234 kevin-ayers-joy-of-a-toy retouchée

Kevin Ayers a été le premier bassiste du groupe Soft Machine. Le premier de ses albums solo a pour nom « Joy of a toy ». Maintenant que je suis devenu un peu le « toy of a Joye » (LOL ! LOL Coxhill, même !) ce titre me fait bien rire, tout comme certaines de ses chansons : « Oleh Oleh Bandu Bandong » « Stop this train» et les très jolies « The lady Rachel » et « Girl on a swing ».

Si l’escalier de secours de MAP peut être utilisé en tant que piédestal, on y positionnera bien volontiers l’imperturbable guitariste Mike Oldfield qui, avant de pondre son célèbre « Tubular bells », fit ses débuts au sein du Whole world. On entend sur le troisième album de Kevin, « Whatevershebringswesing » un très beau solo de guitare sur le titre homonyme. D’autres n’ont pas démérité par la suite : Steve Hillage et Ollie Halsall n'étaient pas rien non plus !

Enfin nous arrivons au chef-d’œuvre de l’homme, là où l’escalier mène au ciel (comme les monte-en-l’air, j’ai tendance à emprunter les issues de secours à l’envers !). Le 4e album est sorti en 1973 et s’intitule « Bananamour » !

 

DDS 234 Kevin Ayers bananamour grand

 

Rien que la photo à l’intérieur de la pochette vaut le déplacement et certaines des paroles de ces hymnes m’accompagnent toujours : extrayons par exemple ceci de « Shouting in a bucket blues » :

"Lovers come and lovers go
but friends are hard to find
Yes I can count all mine
on one finger"

« Les amours vont, les amours viennent
Mais pour trouver l’ami on a bien plus de peine
Moi je peux compter les miens
Sur un seul doigt de ma main »

et cela de "Interview" : 


DDS234

"I have been called a down
Yes you may write that down
And for a little money
I am extremely funny.

You ask me how I do my act
This is my reply
I climb up on a ladder
And announce that I will fly."

"On dit de moi qu’je suis un clown
C’est vrai qu’pour épater Poupoune
Et gagner des comm’s sympathiques
Je suis extrêmement comique

Vous m’demandez de vous dire quelle
Est ma r’cette pour faire rigoler ?
C’est simple : je grimpe sur une échelle
Et j’annonce que j’vais m’envoler !"

La traduction est un peu stupé-samedidé-fiante mais l’image est bien vue. Moi aussi chaque semaine je monte sur l’échelle et… j’en redescends tout de suite à cause de mon acrophobie !
Si « je m’voyais déjà en haut de l’affiche : en dix fois plus gros que n’importe qui mon nom s’étalerait », ben c’est raté ! C'est moi qui m'étale ! Escabeauté le désir de gloriole !

Pour terminer, et pour revenir à « tirer dans la lune » révélons la véritable nature de cet escalier de secours : c’est en fait un observatoire pour admirer, depuis la région de Nancy, « la lune des Caraïbes qui brille toute la nuit » !

Merci à toi, Kevin Ayers, qui nous as soutenus et nous accompagnes encore pendant que l’hôtel brûle. Yes, we have no mañanas mais… Vive la banane !

 

15 février 2013

Invitation au voyage (Joe Krapov)

 

 

DDS 233 Invitation au voyage emplie

 

12 février 2013

LE LIVRE SANS TITRE par Joe Krapov

Le béton qui coule dans nos veines nous rend durs comme des robots. Nous courons dans les rues de la cité maudite et notre cavale qui dure depuis six mille nuits ne nous laisse que rarement tout seuls avec notre silence. Malgré tous ses progrès le monde est toujours à feu et à sang quelque part, à croire que nous subissons, dans la forêt des égarés, le châtiment des hommes-tonnerres.

Mais chaque vendredi soir je quitte la fourmilière. C’est l’heure de la révolte, la guerre des boutons : j’éteins tous les écrans, je ferme la radio.

 

MIC 2013 02 11 Livre sans titre

Sur la couverture du livre, la photo de l’auteur, Rodrick Nosferas, me hèle tranquillement et m’invite à pratiquer le retour à l’état sauvage de l’enfance.

Bien calé dans le canapé j’ouvre le livre magique dans lequel Rodrick fait sa loi. La prunelle de mes yeux s’écarquille à ce décollage immédiat : dès que j’ai lu quelques lignes je sais que j’ai ce soir le monde dans la main. Très vite, à suivre l’aventurier, l’innocent de Palerme que j’étais pénètre dans les mystères de la forêt. Les arbres de l’imaginaire laissent tomber des lianes magiques. J’en oublie « Les mille et une nuits » et une peur express monte en moi : arriverons-nous avant la tempête à sortir de la forêt de bouleaux, à regagner le fleuve ? L’ombre de la mort plane et mille dangers nous séparent encore de la demeure d’Anka. Chez elle on est vraiment dans le cœur des deux mondes et les papillons de la Léna nous invitent à l’embrasement.

C’est à ce moment-là que mon épouse crie « A table ! ». Je délaisse le clone de Lara Croft à chevelure poil-de-carotte chez qui Rodrick – a-t-il du cœur, cet homme-là ! – m’a amené puis je vais retrouver le silence de Nélio, ma douce cuisinière et la réalité des corps qui se sustentent alors que l’esprit flotte.

Lorsqu’après le repas je retourne à mon livre l’intrigue est devenue toute autre. Je suis maintenant dans le journal de Fanny. L’encrier maudit de Rodrick est tellement divergent que son livre contient tous les livres qui n’ont jamais été écrits. Fanny est fantastique. Elle dit en incipit de son carnet de bord de grégaire bavarde : « Ma sœur vit sur la cheminée depuis qu’un mauvais génie l’a transformée en cigogne. Cela n’aurait rien de gênant si nous habitions en Alsace mais ma sœur et moi habitons Plounéour-Menez, en Bretagne, dans les Monts d’Arrée. Cela fait jaser dans le bourg et du bruit jusque dans Landerneau. »

Ce conte à dormir debout me tient éveillé jusqu’à ce que Nélio, maintenant allongée dans notre lit, me propose de goûter à d’autres joies.

Le samedi matin le livre de Rodrick s’est fait recueil de poèmes. Il a pour titre « La chanson des enfants perdus » et cela me va bien au teint.

Dimanche il me fera entendre la voix des rois en me content les légendes de la dynastie des Tout An Café 0405. Ce livre formidable, je ne le lâche plus. Il est l’héritage ou la crypte des âmes que Rodrick Nosferas a dû racheter à Gogol, voler à Jack London ou subtiliser à Shakespeare, allez savoir. Il ne semble exister qu’un seul portrait de cet auteur mythique et le livre que j’ai entre les mains, acheté à un bouquiniste à Lyon, est peut-être un exemplaire unique. Il n’a pas d’achevé d’imprimer et ne figure pas au catalogue BN-OPALE de la Bibliothèque Nationale.

Une seule chose est sûre pour moi : chaque lundi matin c’est l’opération gerfaut (comme un vol de… hors du charnier natal !). C’est à nouveau le passage en outre-monde, ce retour vers les liens maudits à surveiller, la soumission aux listes de tâches bureaucratiques et idiotes que la petite terreur de Glimmerdal, mon chef de service, me fait parvenir par courriel alors qu’il est en réunion ou chez lui. Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes. Un jour, là où j’irai, j’effacerai tous ces gens avec un revolver, sauf Nélio évidemment. Ce sera Waterloo Nécropolis adieu, dernière station avant le désert. Je ne ferai plus rien alors que lire tout mon soûl comme quand j’étais enfant.

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8 février 2013

Le rapport du détective (Joe Krapov)

Si la photo est ratée
C’est la faute à Erato :

Zeus est protégé par elle
Et j’n’ai pas l’bon appareil ;

J’ai juste une antiquité
Un Olympus tout mité !

Transformiste de génie
Il s’est fait mite au logis ;

 

DDS 232 pluie

 

Pour séduire une pucelle
Le voilà pluie d’étincelles.

Au juge des délits flagrants
Ca n’paraîtra pas probant :

Avec mon vieux sténopé,
Sûr, ma photo est loupée !

Pour coincer cet adultère
Il n’y a pas de mystère ;

C’qu’il nous faudrait, dame Héra,
Ben, c’est une caméra !

 

DDS 232 détective

7 février 2013

FETE DE LA JIM, QU'ILS DISAIENT par Joe Krapov


MIC 2013 02 traces

Pendant l’insomnie de quatre heures du matin elle s’est levée et a trouvé la chatte noire éveillée elle aussi, perchée sur l’appui de fenêtre à regarder tomber la neige. Elle a saisi son appareil photo numérique et a immortalisé la scène. Elle n’aurait pas dû, à table, reprendre du bœuf rôti aux pommes de terre mais ses hôtes espagnols étaient si charmants, elle avait tant rougi d’être complimentée par des chefs de cuisine qu’elle avait laissé sa gourmandise prendre le dessus.

Quand elle s’est recouchée, elle a baissé le bras de son mari, allongé sur le dos, qui ronflait comme un tracteur 4020 de chez John Deere. Elle s’est glissée dans les draps encore tièdes, elle a pensé « C’est John Dear qu’a mis l’vin dans la bouteille et moi je n’en ai pas bu, j’ai préféré la flotte avec l’Alka-Seltzer» puis, sentant qu’elle divaguait, elle s’est rendormie d’un seul coup.

Au réveil, il n’était plus là. Elle s’est habillée, a descendu l’escalier, a trouvé son bol et ses couverts dans l’évier. Pourquoi donc est-il parti travailler si tôt alors qu’il fait encore un noir de nuit d’hiver dehors? Elle est allée dans l’entrée, a ouvert la porte à la chatte qui n’a pas voulu sortir, sans doute effrayée par ces traces de géant laissées dans la neige fraîche. Elle a repris l’APN et les a photographiées. On ne voit pas, sur la photo, que les deux grands pieds sont allés jusqu’à la voiture, que celle-ci n’est plus là et que le véhicule a laissé derrière lui deux traces parallèles qui s’en vont vers la ville.

Et puis elle s’est souvenue, ils en ont parlé hier soir : c’est la JIM aujourd’hui. Un grand froid l’a saisie à cette idée. Le sport est bien affaire de frissons mais elle n’aime pas beaucoup cette compétition stupide à laquelle il participe chaque année. Ce n’est pas qu’elle soit dangereuse pour lui, c’est qu’elle est périlleuse pour elle, cette discipline.

Comment peut-il aimer s’exposer ainsi, rivaliser d’élégance, jouer les éphèbes et surtout offrir au jugement d’un jury de dames amusées, donc à d’autres qu’elle, ce qui fait leur force, ce qui permet leur harmonie, cette partie de son corps qui n’a rien d’athlétique mais qui, sous couvert de cacher l’homme, en démontre au contraire toute la personnalité ?

- Mais toi, avec ton blog, lui a-t-il rétorqué, ne fais-tu pas la même chose ? Tu dévoiles l’intimité de nos repas, tu montres nos voyages, tu photographies la maison, tu étales tes états d’âmes. Lorsqu’ils sont heureux, c’est-à-dire le plus souvent, je vois cela comme un partage de petits bonheurs, un cadeau de la vie envoyé au hasard chez qui en a besoin, s’en amusera, s’attendrira ou rêvera sur nous. Eh bien moi, c’est pareil. Simplement c’est juste une fois par an. Prends plutôt ça comme un gag ! C'est drôle, non ?".

Et le plus drôle effectivement c'est que chaque année il gagne car il a la plus belle du canton. N’empêche, ce jour-là, elle a envie de rouspéter. Cette perspective d’un nouveau titre, avec le diplôme encadré, la photo de l’homme en petite tenue, pratiquement à poil, tout cela la défrise, pire, ça l'HOR-RI-PI-LEUX : son mari est allé faire la fête sans elle à la Journée Internationale de la Moustache. Grrr !

 

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1 février 2013

VOLEURS D’ENFANCE ! (Joe Krapov)

- Vu que je suis né la même année que François Fillon, le plus rigolo des clowns blancs de la Sarthe, j’ai grandi dans les années 60. Le jour où on n’allait pas à l’école était le jeudi. La veille au soir mes condisciples s’étaient fait peur en regardant « Belphégor » à la télé. Les postes diffusaient en noir et blanc. Il n’y avait peut-être bien qu’une seule chaîne. Le soir gros Nounours souhaitait bonne nuit à Nicolas et Pimprenelle. Quand il n’y avait pas assez de programmes, on voyait le petit train Interlude avec ses rébus. Le dimanche après-midi Steve MacQueen interprétait Josh Randall dans « Au nom de la loi ». Sur le coup de 19 heures 30 il y avait Thierry La Fronde avec ses compagnons dont je sais les prénoms par cœur : Jehan, Pierre, Judas, Bertrand, Martin, Boucicault et Isabelle. A la maison on lisait « Vaillant le journal de Pif » mais les enfants du boulanger étaient eux abonnés au « Journal de Mickey ». D’autres feuilletaient « Tintin » ou « Spirou ». Les voitures en plastique étaient de marque Norev, celles en métal étaient des Dinky toys. J’ai eu un circuit de voitures de courses Jouef (je l’ai toujours). D’autres, plus fortunés, jouaient les Michel Vaillant sur Circuit 24 ou sur Scalextric. J’ai mangé des pommes, des poires et tressé les premiers scoubidous avec Sacha Distel. J’ai connu l’explosion des yéyés : Johnny Hallyday, Sheila, Sylvie Vartan, Françoise Hardy mais j’aimais plutôt les marrants : Jacques Dutronc, Antoine, les Charlots, Michel Polnareff et j’ai même été fan de Claude François. J’ai honte quand j’y pense… et puis j’oublie. Au cinéma mes parents nous emmenaient voir les films avec Jerry Lewis et Dean Martin. Sinon c’était Darry Cowl, Bourvil, De Funès, Belmondo dans « Les Tribulations d’un Chinois en Chine »et puis la grande claque de Mary Poppins. J’ai eu une collection de porte-clés quand cela a été la mode. J’ai vu sortir en librairie les premiers albums d’Astérix et lu chez le fils du coiffeur les aventures de Tintin. La trouille avec Rascar Capac ! On avait le choix aussi entre Michel, Langelot, Alice, les Trois Mousquetaires, le Club des cinq, les Six compagnons et le Clan des sept ! A la radio on écoutait « La famille Duraton », « L’homme à la voiture rouge » « Quitte ou double ». Fernand Raynaud appelait le 22 à Asnières. Raymond Devos démontait la mer à Caen et Jacques Baudoin donnait des leçons d’anglais à Philibert. Henri Tisot imitait le général de Gaulle et Anquetil et Poulidor animaient le Tour de France. Puis sont arrivés James Bond, les Beatles, Bob Morane, Le Prisonnier et mai 68. Bref j’ai grandi dans les années 60, Joe Krapov.


- Tout ça ne me dit pas grand-chose, P’pa ! Pourquoi me parles-tu de cette époque révolue ?

- Parce que j’ai de plus en plus l’impression, vu le mal que j’ai maintenant à aller gagner ma vie dans ce monde de malhonnêtes, que ce sera mieux hier. Et depuis que mon hébergeur a fait disparaître dans les limbes les commentaires de mon blog, je sens que tout un pan de mon passé n’existe plus que dans ma seule mémoire plus très vive. En gros, j’ai envie de crier comme Harpagon : Au voleur ! Au voleur ! A l’assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a coupé la gorge : on m’a dérobé mon passé. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête ! On m’a volé mon enfance, Joe Krapov !


- Une chose est sûre, P’pa ! Ce n’est pas moi qui ai fait le coup ! Moi je suis né en 1989, j’ai joué à Zelda sur une Game boy, j’ai commencé l’informatique sur un Amstrad CPC 464... Bref, j’ai grandi dans les années 90 ! Et ce que je peux te dire aussi c’est que ta surconsigne du jour, si tu ne l’as pas volée à Kyan Khojandi, je veux bien être pape !


- Volée, volée ! Tout de suite les grands mots ! Disons que c’est un hommage ou à la limite un plagiat !


- Ok alors chantons : Vamos à la plagiat oh oh oh oh oh Vamos à la plagiat…

  

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