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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
22 octobre 2021

Le parti pris du capodastre (DDS 686)

Le capodastre n’a rien à voir avec le caporal ni avec la science-fiction, les planètes, le ciel, enfin, l’astronomie.

Cependant, notons-le, qu’elle soit lactée ou pas, il aide à bien poser sa voie, pardon, sa voix.

Le capodastre n’est jamais qu’une espèce de pince à linge qui emprisonne à sa façon non pas quelque marcel ou autres pantalons, dessous affriolants pour qu’ils sèchent au vent, mais les six ou douze cordes d’une guitare ou les quatre d’un ukulélé afin que la chanson résonne dans le ton voulu.

Il permet de trouver d’aimable compromis lorsqu’un ténor léger fredonne en compagnie d’un coffreux baryton. Ne cherchez pas "coffreux", je viens de l’inventer.

Je trouve dommage au demeurant qu’il n’en existe pas pour les accordéons diatoniques, de capodastre ! Eux vous limitent et vous condamnent à do et sol, parfois du ré, à mi mineur et la mineur alors que moi, ma foi, rien ne me va si bien que le fa et le ré mineur.

Mais je sais bien qu’ici on quitte la musique pour parler de technique. Ce que c’est que d’avoir un oncle scientifique !

2021-10-22 - Nikon 2

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15 octobre 2021

TAR' TA GUEULE A LA RÉCRÉ ! (Défi du samedi n° 685)

Il nous propose une baston !
Un uppercut sous le menton !
Un coup d’genou dans les roustons !

Se faire piétiner les arpions ?
Se faire traiter d’avorton ?
Se prendre deux ou trois jetons ?
Choper des gnons ?

Qu’on nous distribue des mandales ?
Qu’on nous bloque les cervicales ?
Qu’on se prenne des baffes en rafale,
Des coups d’savates aux génitales,
Qu’on en avale ses amygdales ?

Est-on suffisamment d’attaque
Pour affronter une baraque,
Un chef de mercenaires cosaque
Ou un super-métèque d’Ithaque,
Plus ou moins braque,
Qui vous refile des coups de matraque
En plein dans le creux d’l’estomaque ?

Chercher l’altercation,
Rêver de collision,
De coups de lattes au croupion,
De bleus, de contusions,
De bris de dentition,
D’hémoglobine
Qui se débine,
De pulvérisation
Jusqu’à l’extrême onction,
J’suis désolé, Tonton,
Ça frise l’in-correction !

Mais je ne dis pas « Ouste ! ».
Si t’as besoin d’une rouste
On peut se castagner,
S’empoigner,
Se foutre une peignée
Sur mon bel échiquier.

Je te laisse les blancs,
En tout bien tout honneur.
Commence, Monseigneur !
Si tu cherches un champion,
Si tu veux être vainqueur
Avance un petit pion
Ou sors un cavalier !

Tu vas voir ! Ça va chier !

DDS 685 iznogood-Renegoscinny-echecs

8 octobre 2021

Camaïeu de biscayens à Cayenne (Défi du samedi n° 684)

C’est dans la gaîté
Des cours de récré
Qu’on rencontre Agate.

Elle est jolie, ronde,
Tout en transparence,
Vous tape dans l’oeil.

On rêve d’aller
Dans sa chambre jaune
Goûter ses mystères

(Son père, pâtissier,
Fabrique des glaces !).

DDS 6684 agates 2

Tiquette, deux billes !
La vie vous sépare,
Vous emmène dare-dare

Pour d’étranges noces
Mener chez le Tzar
De sombres intrigues,

Chez les Bohémiens
Aventures farouches,
Dans des châteaux noirs
Hanter des fauteuils,
Des vies ténébreuses,
Revenir de loin
Ou de l’opéra
Quelque peu fantôme.

DDS 6684 agates

Et puis tout s’arrête
De ces tournoiements
De différents temps.

Le sable a coulé
Entre vos doigts fins
En n’y laissant rien
De bien constructif.

Alors qu’on respire
Le parfum malsain
D’une dame en noir
Qui vient vous saisir
Avec le mot « fin »,

Comme au vieux traîneau
Du citoyen Kane
On pense soudain
A ce souvenir
D’une enfance enfuie
Et on se demande :

- Et toi, pauvre Agate,
Dans toutes ces bisbilles
Comment as-tu roulé ta bille ?

DDS 684 Joseph-rouletabille-reporter-3027

1 octobre 2021

Lot de proverbes zoulous doublés de pangrammes perecquiens (Défi du samedi n° 683)

Le proverbe touareg made in Breizh ne suffit plus à ce fou de Joe Krapov qui exige maintenant qu’on y fixe un pangramme !

Qui retentit dans la savane sans ménager ni bafouer passé et futur ? L’écho !

Une joie éléphantesque formidable : la glace à la vanille. Mais personne ne songe jamais à lui en offrir.

Si l’hippopotame enkysté dans la vase vous mange des yeux, c’est pour mieux vous becqueter. Fuyez, jolies proies et autres wapitis !

Plus le rhinocéros va de l’avant, plus il se figure que jamais il ne verra de la vie autre chose que le bout de sa corne.

La girafe a beau se trouver muette, chacun doit admettre qu’au jeu du paraître elle est élégante.

Chaque animal se débrouille pour éviter la figure et le rire jaune de la hyène. On se décarcasse comme on peut.

Palabrer sous le baobab n’empêche pas que le lion dévore la gazelle mais cela fait jaser, en wolof, le bavard.

Quand le disque du soleil est rayé d’un nuage le zèbre chagriné met fin à sa java et retrouve son problème : ses rayures sont elles blanches ou noires ?

2021-08-12 - 285 71

La panthère jamais ne songe que beaucoup de femmes des pays lointains veulent lui faire la peau.

La résistance du dromadaire est proverbiale, certes, mais figurez-vous qu’on est mieux calé, là-haut, juché entre les deux bosses d’un chameau.

Quand le temps est changeant le caméléon en son for intérieur traite le météorologue de jobard vicieux.

Chaque fois que tu es face à un tigre de papier, vérifie bien que tu n’es pas toi-même une tranche de jambon blanc... en papier !

Que la chandelle brûle le papillon par les deux bouts, soit ! Le muséologue fait mieux de s’acheter un joli filet, une valise et des épingles.

Le docteur Schweitzer joue du Bach à Lambarené. On a la salle Gaveau qu’on peut ! Le concert finit à minuit. 

Ces charlots de complotistes blancs affirment que l’alligator a caïman disparu du Sahara. Faux ! J’en ai vus dans mon dernier mirage.

Marcel Proust vaque la nuit et débine le jour les belles figures de la haute.

Dans la jungle, beaucoup de monde valide le fait que «C’est du chiqué, Marcel Proust !».

Marcel Proust ? Dandy ? Ephèbe ? Giton ? Faux-jeton qui vit en reclus !

Ni vieux zébu ni jeune yack ne se défient chaque samedi pour glorifier Marcel Proust. Etonnant, non ?

La sœur du chef du Mozambique ne galéje qu’avant la pluie. Autant dire qu’elle ne plaisante jamais.

Chaque proverbe bantou contient son lot de magie, de joie et de finesse.


Ce zoulou gonflé de Joe Krapov - qui s’imbibe rarement de vieux whisky - vous souhaite une bonne semaine !

24 septembre 2021

Mon goal y habite ! (Défi du samedi n° 682)

L’endroit le plus difficile à trouver dans une yourte, c’est le petit coin.

A part ça, si on a un vélo d’appartement, on peut y pédaler aussi facilement que dans la smoule.

2021 09 24 DDS 682 yourte collage

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17 septembre 2021

Mais comment c’est (dé)rangé, ici ? (DDS 681)

Ça n’est pas de leur faute mais les hypermnésiques possèdent une mémoire XXL. Ce dont ils sont coupables cependant c’est d’avoir un système de classement très souvent bien pourri.

Ils sont bien les seuls à s’y retrouver dans leur fichu bazar, même s’ils sont les seuls à (s’)y chercher !

Dès lors, quand il s’agit d’effectuer une présentation claire de l’arbre généalogique, bonjour la panique ! Généa, oui, logique, non ! C’est ainsi qu’aujourd’hui, de mon grand sac à malice du pays des merveilles, j’ai choisi de sortir mes oncles et cousins Ducancer. C’est vous dire à quel point mon généalogique est un (dés)astrologique !

Présentons d’abord à vos regards étonnés l’oncle Bernard (Dimey) et l’oncle Henri (Salvador). Rien d’incohérent à cela vu leur fraternité (d’esprit). Ils ont composé ensemble « Syracuse ». Le premier est un poète sublime autant que marginal, l’autre nous a fait rire avec tout un tas de clowneries, de « Minnie petite souris » à « Zorro est arrivé », vous complèterez la liste vous-même !

Dans la même veine mi-poétique mi-déconneuse on a l’oncle Francis (Blanche) avec son «Général à vendre», son «Complexe de la truite», son «Débit de l’eau, débit de lait», ses impôts payés en pièces de dix centimes et son recueil de poèmes «Mon oursin et moi» dont je vous recommande vivement la lecture.

Parmi les pousseurs de chansonnettes on a aussi Tonton Pierrot (Perret), très porté sur le zizi et les cuisses de mouche, qui casse la vaisselle, ouvre la cage aux oiseaux mais loue avec tendresse «Lily», «Blanche» ou «Mon p’tit loup» et réclame des jardins pour les mômes.

J’ai des cousins dessinateurs, Marcel (Gotlib) et Georges (Wolinski). Le premier dessine des petits Mickeys, des gais-lurons, des souris, des coccinelles, des dossiers dingos et il range tout ça, lui aussi, dans un grand (ru)bric-à-brac XXL comme celui dont je parlais au début. Le cousin Georges ne pense qu’à ça mais il ne faut surtout pas dire que tous les hommes de la famille sont comme lui parce que… c’est la vérité ! Et dans la famille Duscorpion encore plus !

DDS 681 Montres mollesOn a un oncle Salvador (Dali) qui peint des montres molles et des apparitions de Lénine sur un piano mais lui est un peu fou (du chocolat Lanvin !). Je l’aime bien quand même.

Tonton Raymond (Depardon) fait de la photo et Tonton Claude (Chabrol) du cinéma.

Mais à part l’oncle Frédéric (Dard) et notre arrière-grand-père Jean (de La Fontaine) il y a peu de rigolos parmi les gens de la famille Ducancer qui ont fait profession d’écrire.

Quoique… Le grand-oncle Jean-Jacques (Rousseau) a écrit un traité d’éducation alors qu’il a abandonné ses enfants ! C’est drôle non ? Il a pondu le plus beau titre cancérien de la littérature française : « Les Rêveries du promeneur solitaire » et lancé avec ses « Confessions » la mode de l’autofiction nombriliste, ce dont on ne le remercie pas au vu de la prolifération actuelle d’écrits de ce type !

Notre grand-tante George en a fait des tonnes et des retournées. Elle a fumé le cigare, s’est habillée en homme, a désespéré Musset, appris la tristesse à Chopin, eu des tas d’amants mais est finalement restée pour l’éternité la bonne dame de Nohant, attachée à la famille, aux enfants, aux bons repas, à la maison, à la fantaisie : quelle idée de se faire appeler George alors qu’Aurore est un si beau prénom !

Je ne sais trop que penser de l’oncle Antoine (de Saint-Exupéry) : ce philosophe n’était-il pas un brin planeur ? Ni de Tonton Jean (Cocteau), enfant terrible et touche-à-tout dont je n’ai jamais rien lu.

Et c’est parmi ces scribouilleurs qu’on trouve le mouton noir de la famille, celui qui fait des phrases interminables, qui passe sa vie au lit et ne fait rien qu’à dégoiser sur le joli monde des salons parisiens, prétend à tout bout de champ que c’était mieux avant à l’époque du temps qu’on a perdu à faire des caprices de gamin qui ne comprend rien au monde et que, tel Caliméro, « c’est pas juste tout ça ! » même s’il a eu la chance de vivre sans travailler, de décrocher le Goncourt et d’être lu en mode quasi-obligé  par des tas de lecteurs masochistes qui encaissent sans moufter son phénoménal complexe d’Œdipe : « J’étais bien plus heureux, avant, quand j’habitais dans ma maman » décliné en 2300 pages pleines de coq-à-l’âne et vides de découpage en chapitres ! Oui, bien sûr, l’oncle Marcel (Proust), la caricature ultime de la famille, l’allergique, le rêveur naïf et bête, le concierge reclus, le cœur d’artichaut maladif, l’idiot des villages normands, celui qui fait jeter l’opprobre (et même l’eau sale) sur toute la famille Ducancer, le coupeur de poils de cul en huit, le tapé XXL par excellence.

N’es-tu pas de mon avis, cher Onc’ Walrus ?

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10 septembre 2021

Une Singerie (Défi du samedi n° 680)

DDS 680 Tu joues au whist E

L'Estivalienne posa la question au gars de droite qu'elle connaissait de longue date :

- Tu joues au whist, E.T. ?

- Pas du tout, répondit la créature de la planète Spielberg. On admire la collection de dames de coeur d'oncle Walrus !

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1 septembre 2021

A la recherche du temps pas trop mal perdu. 1, Les vide-poches (Défi du samedi n°699)

Malgré l’absence de signalement adéquat, j’ai fini par les retrouver, les photos des vide-poches.

DDS 679 Vide-poches 1On a beau exercer la profession de bibliothécaire, on ne peut tout de même pas, une fois sorti du boulot, continuer à faire du catalogage, de l’étiquetage, du rondage, du marquage et du repérage de tous ses documents personnels : il faut bien respirer un peu, s’occuper de sa petite famille, cuisiner, faire faire les devoirs, emmener les queniaux à la bibliothèque, souffler en jouant aux échecs le mercredi et le samedi avec le docteur Gobé, André Simon , Daniel Tailpied, Luc Rivard et ce vieux descendant d’Ecossais rafistolé de tous les côtés mais aussi prompt à vous raconter des grivoiseries qu’à se laisser planter un échec et mat rapide, le sieur MacLeod, descendant d’un ministre de Louis XV ; il faut remettre remettre le couvert échiquéen le dimanche dans le championnat interdépartemental en affrontant les clubs du Mans, de Champagné, La Suze ou Château-du-Loir et aussi croiser le fer amoureux avec l’escrimeuse et experte en tir au pistolet qui me servait alors d’épouse-en-attente-d’un-retour-en-Bretagne.

Mais vous en avez marre des longues phrases proustiennes et vous n’avez pas compris le mot «queniaux» : c’est ainsi qu’on désigne les enfants en parler sarthois. Pensez à bien rouler les "r", ce faisant.

Parce que c’était en 1997, les vide-poches, et c’était à Sablé-sur Sarthe, une charmante cité que nous nous apprêtions à quitter alors pour la bonne ville de Rennes. Si vous avez besoin d’un repère temporel plus pop-culturel, souvenez-vous que c’est à cette époque-là que la Mercédès de Lady Di a joué au zouave dans le tunnel du pont de l’Alma.

DDS 679 Vide-poches 2Les trois photos sur papier étaient dans une pochette marquée «Pot de départ au château». Oui, la bibliothèque dans laquelle je travaillais était logée dans le château de Sablé qui avait appartenu jadis à Monsieur le marquis Jean-Baptiste Colbert de Torcy, secrétaire d'Etat puis ministre de Louis XIV. Elle doit toujours se trouver là d’ailleurs. Ce n’était pas, à vrai dire, une bibliothèque mais un centre technique de la Bibliothèque nationale de France. Il avait été installé dans ces lieux en 1981 et s’appelait le Centre de conservation du livre imprimé et manuscrit (CCLIM). Je me souviens encore avoir pondu un jour cette krapoverie-ci : «Le CCLIM ne paie pas !».

Je suis arrivé là en janvier 1985. Je suis donc resté douze ans Sabolien ! Rétrospectivement, c’est peut-être un exploit !

Les diapositives se trouvaient dans une boîte dénommée «D 97/11 Festival interceltique de Lorient", mises à la suite de photographies du groupe musical «Mes souliers sont rouges». J’ai donc ajouté sur l’étiquette et dans le listing de mes collections d’images «+ Exposition de vide-poches». Il y met parfois du temps mais le bibliothécaire retrouve toujours tout !

Les deux dernières années à Sablé, j’ai passé la surmultipliée. Je suis devenu, de façon tout-à-fait officieuse et parfois à moitié scandaleuse, animateur-agitateur culturel. J’ai publié des choses diverses, poésies, écrits satiriques, exposé des photographies, entraîné des collègues dans des animations autour du «Temps des livres» puis me suis acoquiné avec un comédien local, Lionel Épaillard, pour organiser des soirées de lecture publique baptisées Hydraulire. Tous les ans je sortais ma guitare le 21 juin pour interpréter sur la place Dom Guéranger des chefs d’œuvres de l’antiquité tels que «Le Lycée Papillon» de Georgius dont j’avais modifié les paroles ainsi :

«C’est en Normandie que coule la Moselle
Capitale Béziers et chef-lieu Toulon
On y fait l’caviar et la mortadelle
Et le député c’est François Fillon»

DDS 679 Vide-poches 3L’exposition de vide-poches relève du même esprit de partage avec tous de ces richesses anciennes que nous voyions passer journellement au travail en vue de les photographier et de les restaurer. Ces objets pratiques ont été la dernière surprenante découverte faite au château, faisant suite aux œuvres du chanoine Schmid, à la collection Smith-Lesouëf, au fonds indochinois et aux brochures Lb39 datant de la Révolution française. Et c’est sans parler de Charles Cros qui vint ici faire des expériences de photographie en couleur et de mes pittoresques et fabuleux collègues, aussi bien les locaux que les immigrés, que je salue au passage.

Je me souviens que ces objets domestiques kitschissimes nous avaient été envoyés par le département des Estampes non pour un traitement quelconque - microfilmage, désacidification et reliure étaient les trois mamelles de ma mère nourricière, la B.N.F qu’à l’occasion j’appelais aussi «l’Abbé Héneffe» - mais juste pour stockage sur la plateforme au-dessus de l’entrée de service, là où avait dû se situer jadis l’usine de chicorée des frères Williot qui nous avait précédés ici de 1920 à 1968.

A l’occasion de la journée portes ouvertes, j’en avais exposé une sélection dans le salon Louis XIII, sous le plafond à caissons, par-dessus le parquet à la Versailles, face au portrait du duc d’Albert de Luynes, ancêtre du duc de Chaulnes qui patati et patata… Comment avez-vous deviné que j’étais aussi responsable des visites du château ? N’oubliez pas le guide, s’il vous plaît !

Voyez comme le monde est fait : cela va faire 25 ans que j’ai quitté la B.N.F. et je reste toujours aussi épaté voire intrigué par l’étrangeté des trésors qu’elle possède. L’instauration du dépôt légal par François 1er en 1539 lui fait obligation de conserver un exemplaire de tout ce qui est imprimé sur le territoire français depuis cette date, y compris ces objets aux couleurs fluorescentes dont le tampon, sur leur verso voire carément sur le visage de ces dames, indique la date de 1929.

C’est fou ! Vous imaginez un de ces trucs-là accroché au mur, chez vous ?

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Peut-être y en avait-il dans les chambres de l’hôtel Alsace Lorraine que tenaient Odilon et Céleste Albaret au 14 de la rue des Canettes à Paris 6e après avoir cessé leur service auprès du très maniaque Marcel Proust ? Allez savoir !

N.B. Les trois photos sur papier qui illustrent le texte sont certainement l'oeuvre de Philippe Masseau.

27 août 2021

Mauvaise conscience-fiction ? (Défi du samedi n° 678)

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Ça n’existe pas, Superman ! Ou alors, ça ne vaut pas tripette !

Vous avez beau arborer son super-étendard, sa tenue moule-couilles et sa jolie cape rouge, vous n’avez aucun super-pouvoir, les mômes !

Du super-pouvoir, personne n’en a à part Supercon !

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Cette tenue ridicule, c’est le même genre de super-uniforme bien repérable - bleu horizon, c’est ça, avec un pantalon rouge garance ? - que portaient nos arrière-grands-pères pour partir, la fleur au fusil, reprendre l’Alsace et la Lorraine aux Allemands au motif que des Serbes plus ou moins acerbes avaient zigouillé un archiduc austro-hongrois – hongrois rêver ! - et asséché les chaussettes de l’archiduchesse. Sarajevo pas grand-chose mais sarajefous la merde quand même ! C’était le 28 juin 1914.* Quatre ans de bourbier et 18,6 millions de morts inutiles s’ensuivirent.

Bon d’accord, Superman n’était pas né alors tandis que Supercon est là depuis le début de «l’humanité».

En Afghanistan, ces jours-ci, Supercon a battu Superman à plate couture. Les enturbannés mélophobes ont coupé le sifflet à Supergendarme du monde. Remballe ton rock’n’roll, man !

Plus ça va et plus on se dit que le monde est mal barré – on a dit ça aussi du Titanic – et qu’il n’avait peut-être pas tort dans le fond, le fameux Marcel Proust, de rester chez lui à écrire des conneries dans le fond de son lit.

Pendant qu’on fait ça, au moins, on n’emmerde pas ses voisin·e·s ! **


* Je ne sais vraiment pas pourquoi je n’ai aucun mal à retenir cette date !

** Oui, je sais, on emmerde ses lecteurs ! Mais il n'est pas encore interdit de refermer un livre auquel on ne prend pas de plaisir. Pas encore !

20 août 2021

Les Étranges rêves de Marcel P. Chapitre 10, Centon vénitien

VeniseA Venise, ville exquise, j’arrivai pour le carnaval, accompagné de mon ami Reynaldo H., de MAMAN et du livre de John Ruskin, «Pierres de Venise» dont j’espérais bien qu’il me servirait de guide touristique dans la cité des doges puisque Gaston Gallimard n’avait pas encore lancé les beaux objets bibliophiliques de sa collection «Découverte».

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître puisque c’était en 1900, une année un peu folle où Bruxelles Bruxellait, où Venise Venisait et où le carnaval promettait d’être plus joyeux encore qu’à l’habitude car le tournant du siècle ne s’était pas accompagné de la fin du monde prédite par un grand couturier de Paris qui donc continuait de Pariser tandis que dans son coin Buda pestait… presque autant que moi.

vittore-carpaccio-arrivee-des-ambassadeurs-venise- T’as voulu voir Venise et on a vu Venise ! me reprocha MAMAN toute l’année qui suivit ce voyage mais c’était bien à tort qu’elle s’en prenait à moi qui ne m’intéressais alors qu’à ce joli manteau sur le tableau de Carpaccio à la galerie de l’Accademia et qui n’avais même pas voulu l’accompagner à ce bal masqué sur la place Saint-Marc d’où elle et Reynaldo avaient ramené la petite fille, adorable au demeurant, dont ils avaient hérité là-bas.

Au bal masqué ohé ohé, il s’était déroulé un incident regrettable, une farandole tragique. L’Arlequin qui menait la sarabande avait enlevé, par jeu, à une famille française leur petite fille déguisée de la même façon que lui et l’avait intégrée à la chaîne humaine des danseurs allumés qui tournaient autour du campanile puis partaient vers la tour de l’horloge et c’était tout juste s’ils n’entraient pas dans la basilique pour profaner de leur transe vivaldienne le sol de mosaïque – heureusement, le bâtiment religieux avait été fermé – mais au moment où la musique s’est arrêtée Arlequin dans sa boutique chanstiquée a rendu la petite fille… à MAMAN !


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- Laisse les gondoles à Venise ! La prochaine fois on ira voir le printemps sur la Tamise ou te chercher une promise à Vesoul ou Vierzon… ou Aurillac !

Ce fut là le leitmotiv de toute l’année 1900 car MAMAN m’en voulait énormément de cette mésaventure : on n’avait jamais retrouvé les parents de la gamine qui disait se prénommer Céleste «mais je sais pas mon nom de famille sauf que papa s’appelle Ginette et qu’on habite à Aurillac» et les carabinieri qui étaient tout sauf polyglottes haussaient les épaules, écartaient les bras et les laissaient retomber pour bien signifier qu’ils ne pouvaient rien faire de plus et que le mieux était de voir avec le consulat de France : «Franchement, depuis 1515 et même avant, vous ne faites rien qu’à nous embêter, vous, les Francese, que si ça continue vous allez nous rendre Venise invivable à force d’y venir si nombreux vous livrer à vos fredaines homosexuelles comme ce Georgio Sand et cet Alfred de Musset qui ont fait tant de scandale à l’hôtel Danieli…» mais on n’a pas entendu la suite de la diatribe parce que MAMAN excédée a fichu un coup de parapluie sur la tête du brigadier Tarchinini, ce qui n’avait en rien amélioré le climat – climax ? - de la discussion qui avait fini au poste et tout s’était terminé par un retour à quatre à Paris puisque on ne pouvait pas, décemment, laisser à la rue, dans une ville étrangère, notre jeune compatriote au si mignon minois.

***

- Tu me fais tourner la tête ! Mon manège à moi, c’est toi ! Je suis toujours à la fête quand je te prends dans mes bras ! ». Voilà comment je lui déclarais mon amour à Céleste ! Pendant cette année de ma vie au cours de laquelle j’ai fêté mes vingt-neuf ans, j’ai eu une petite sœur de neuf ans, une petite fille, une petite mère et c’est sans doute de cette gamine anodine qui apporta tant de bonheur dans mon existence que MAMAN est tombée gravement, maladivement et méchamment jalouse.

- Je suis malade ! Complètement malade de ce que nous coûte cette peste ! se plaignait-elle à tout bout de champ. Déjà ce voyage d’une semaine à Aurillac où elle dit qu’elle habite mais où personne ne l’a jamais vue et où elle-même ne reconnaît rien et maintenant ces bouquins de la Comtesse de Ségur, ces robes, ces tabliers de bonniche qu’on lui achète pour qu’elle aide en cuisine et serve à table mais va te faire lanlère, avec la gangrène socialiste qui s’annonce bientôt on ne pourra même plus faire travailler des enfants de cinq ans dans les mines ! Pourquoi pas leur offrir des congés payés tant qu’on y est ?

***

Aujourd’hui MAMAN est morte. MAMAN est morte de rire ! Nous somme le 24 janvier 1901. Elle a dit à papa qu’elle avait eu l’idée du siècle et qu’elle s’absenterait quelques jours en février mais que Céleste et Félicie aussi s’occuperaient de la maison en son absence. Papa a à peine levé les yeux de son journal et fait « Moui, si tu veux ». Moi je n’ai rien vu venir.

***

Que c’est triste Venise au temps des amours mortes ! De quelles trahisons ne sont-elles pas capables puis coupables, les femmes et les mères ? Rétrospectivement je crois que j’ai eu raison, lorsque j’avais vingt ans, de lui casser son beau vase de Sèvres le jour où elle m’a acheté des gants gris à la place des gants beurre frais que je lui avais demandés et où, après avoir pleuré et encaissé sa très déplaisante réflexion, j’étais quand même allé voir cette actrice de théâtre très ouverte dans l’espoir qu’elle me dépucèle et où j’étais tombé sur des huissiers en train d’emporter les meubles de son appartement, excusez-moi si je ne suis pas très clair mais je le sais aussi bien que vous qu’un jour mon amour des longues phrases me perdra et d’ailleurs, c’est fait, je suis perdu, trahi, blessé jusques au fond du cœur d’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle : MAMAN est retournée à «Veueueunise», comme elle dit maintenant avec ironie, en emmenant Céleste avec le costume d’Arlequin qu’elle portait quand on l’a trouvée-recueillie-adoptée.

***

ob_d04a15_par-tullio-pericoli- Derrière chez moi, savez-vous quoi qu’y gn’a ? chantait le campanile sur un air de tarentelle. Il y a la place Saint-Marc, le corso, le carnaval, la farandole et… Arlequin qui, toujours aussi con voire peut-être encore plus que l’année précédente, emmène la petite Céleste dans la ronde folle tandis que MAMAN, contente de son coup, s’éclipse comme la Lune, hilare, soulagée et ayant même peut-être la conscience tranquille en pensant que la famille de Céleste sera peut-être revenue ici elle aussi dans l’espoir de retrouver sa progéniture ou dans l’idée d’un pèlerinage annuel pour faire son deuil mais peut-on effacer tous ces temps de bonheurs perdus ? L’écriture permet-elle de les retrouver vraiment ? MAMAN s’en fout, MAMAN revient retrouver son FIFILS à elle toute seule mais quelque chose est cassé chez FIFILS qui n’aime plus sa vilaine MAMAN.

***

Ce 20 mars 1913 à quinze heures, dès que Marcel P. se réveille et sort de ce cauchemar-là, une fois ingurgités son café noyé de lait chaud et son croissant, il décroche le téléphone et, comme il l’avait noté sur un des cartons à fumigation ce matin en se couchant, il appelle Odilon A., son chauffeur attitré à la compagnie de taxis Gessette-Koulé, pour le cuisiner. Le jeune homme lui a annoncé récemment son indisponibilité à venir pour cause de mariage : il s’en retourne dans la province pour épouser une jeune fille qu’il a connue en Lozère. Marcel a besoin de détails car il souhaite lui envoyer, le jour des noces, un télégramme de félicitations.

- Allô, écoute ! Pardon, écoutez ! Odilon, c’est Monsieur P. Est-ce que vous pouvez me dire où aura lieu la cérémonie de votre mariage le 27 mars prochain ?

- Bien sûr Monsieur Marcel ! Pas de problème ! C’est à Auxillac !

- Aurillac ?

- Non, Auxillac avec un x. C’est en Lozère. Aurillac c’est dans le Cantal.

- Et, dites-moi, Odilon… Serait-ce indiscret de vous demander le prénom de l’heureuse élue.

- Je n’ai pas de secrets pour vous, Monsieur P. Elle s’appelle Céleste. Céleste Gineste.

Bon sang, mais c’est bien sûr ! Marcel se souvient, d’un coup, de la phrase qui le faisait tant rire il y a douze ans : « Mon papa s’appelle Ginette ».

- Monsieur P. ? Vous êtes encore là ?

Odilon entend le déclic de l’appareil qu’on raccroche et il a l’impression bizarre que… le téléphone pleure !

Mais c’est peut-être de bonheur ?
 

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