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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
texte d'atelier d'ecriture
15 septembre 2023

Pas tout à fait encore amnésique. 10, Gabiers, moussaillons, marins d'eau douce, salée ou dessalée

Qu’on habite ou pas au bord de la mer, tout commence avec « Maman, les petits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes ? Mais oui mon gros bêta : s'ils n'en n'avaient pas ils ne marcheraient pas ! ».

On vous fait très vite enchaîner avec « Ohé ohé matelot ! Matelot navigue sur les flots » et son terrifiant « on tira’z’a la courte paille pour savoir qui serait mangé (sur le gril ?) ». Celle-là, « Il était un petit navire », vous fait bien piger que vous êtes dans la même galère qu’Obélix et que si vous tombez petit dans la marmite des liaisons mal-t-à propos il n'y a pas de raison pour que vous soyez premier prix d'orthographe quelques années plus tard.

DDS 785 Haddock

On le comprend très vite que la mer est dangereuse et que le métier de marin n'est pas une sinécure. Il n'est que de voir Archibald Haddock lors de sa première apparition dans « Le crabe au pinces d'or : l'alcool a fait de lui un homme fini, un gabier de potence : il ne cesse et ne cessera jamais d’injurier à tout va tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. On apprendra plus tard qu'il tient ça de son ancêtre François de Hadoque et ce n’est un secret de polichinelle dans le tiroir pour personne : c'est juste un secret de la Licorne.

DDS 785 Le Vasseau fantôme 2

Les gabiers de l'Antiquité n'étaient pas mal non plus dans le genre grossiers personnages fort peu fréquentables. Les compagnons d'Ulysse sont plus du genre Wagner dirigé par Évguéni Prigogine dans le Vaisseau fantôme que Bateau ivre dirigé par Arthur (Rimbaud ou le fantôme justicier, je vous laisse le choix) : les guerriers de Sparte ou d'Athènes trempaient pas leur épée dans l'eau et avant l'Odyssée il y avait eu « l’Iliade, fais les valises, les partisans d'un Giro dur prétendent que la guerre de Troie à bien eu lieu ! ».

Mis à part l'univers rondouillard de Pépito et Ventempoupe de Bottaro, tout ce que la mer a porté comme navigateurs, explorateurs, Corsaires, pirates, flibustiers, négriers et amiraux de bateaux lavoir, de Cortez (the killer) à Long John Silver (and gold), est si peu admirable que quand la mer monte j'ai honte.

Oui, j'avoue, j'ai honte d'avoir mis dans ma guitare autant de ces chants de marins qu'on vénère en Bretagne au point de leur consacrer des festivals comme à Paimpol, Cancale ou Ploumanac'h.

Bien sûr qu'il y en a de très chouettes, des chansons, et de très jolies comme « Brave marin », « Loguivy de la mer » « Les Roses d'Ouessant » « Le Mariage secret de la mer et du vent ».

Bien sûr que j'adore « Mon petit garçon » « Le vieux », « Satanicles », « Quinze marins » et les autres pépites de Michel Tonnerre. Mais quand même, quel sexisme dans ce folklore maritime en chansons !

« Pour nous sont les garces des quais qui volent, qui mentent, qui font tuer » ! Les plus belles servantes emmènent Jean-François de Nantes, gabier de la Fringante dans leur soupente. Plus tard – je raccourcis très vite ;-) car il y a trop de couplets - il se lamentera à l'hôpital (de Nantua? ) où c’que c'est qu'on lui demandera : « Est-ce que ça vous chtouille ou est ce que ça vous grttouille ? ».

Quel programme dans « Le forban » : «  Je bois, je chante et je tue tour à tour », « Vivre d'orgies est ma seule espérance ».

Oui, je l'avoue, j’ai tellement honte de réclamer « Du rhum, des femmes et de la bière nom de Dieu » que je n'interprète même pas un des couplets de la chanson de Soldat Louis !  

DDS 785 Pogues

Je me souviens qu’un des premiers albums des Pogues s'intitule « Rhum, sodomy and the lash » ! Bonjour l'ambiance du genre « Vous avez eu mon pucelage et je n'ai pas eu votre argent » !

Chère Agrippine de Bretécher, ô gente dame, prenez peine et prenez vapeur : je vais lever le voile sur une culture masculine bien animale, sur des hommes qui vivent en mer et s’en viennent tirer des bordées et pisser comme je pleure dans le port d’Amsterdam avant de repartir à l'autre bout du monde faire la même chose.

Non finalement, je ne vais pas lever le voile sur ma honte : je vais surtout avouer qu’elle est avant toute chose celle d'un opportuniste ! Si je chante ces chansons, c’est parce que ces dames de par ici me les demandent : « Allez Joe, joue-nous l'Irlandais !» « Balance ton port, souffle la voile à l’harmonica, fais danser Fanny de Laninon que les joueurs de boules embrassent !".

Ce dont j'ai honte, comme Louis Aragon, c’est de n’y comprendre rien, aux termes de marine ! Qu'est-ce que c'est un gabier ? Un hunier ? Que signifie « prendre un ris » ? Une garcette, une grande vergue, une bitte d'amarrage, un nœud marin, un cacatois, tout cela est-il quelque chose de cochon ? C'est quoi un cabestan ? Et un câble qui se détend ? Quelle différence entre misaine et artimon ? Est-ce que bâbord est côté cour et tribord côté jardin ? Pourquoi y a-t-il une figure de proue et pas de figure de poupe ? Est-ce qu'on peut mettre un gabier à bord d’un sous-marin jaune qui devient vert lorsqu'il pénètre dans les eaux territoriales françaises ?

 

DDS 785 Barbe-rouge

Est-ce que je n'ai pas trop jeté l'encre encore une fois aujourd'hui ?

N'est-il pas temps de chanter la nouvelle chanson que j'ai ajoutée à mon répertoire pour l'occasion ? Ça va, rassurez-vous, celle-ci est tout à fait convenable !

P.S. J'aurais pu aussi bien travailler « Le Gabier noir » du même auteur, Michel Tonnerre. Ce sera pour une autre fois ! 

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8 septembre 2023

Faut du Genesis mais point Foxtrot n'en faut !

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Mademoiselle Renard a mis sa belle robe rouge mais personne ne l'invite à danser le fox-trot. Il faut dire que le bal a lieu sur une plage et qu'elle se tient debout dans le milieu des vagues.

Observée depuis le sable par six chasseurs à courre et à court d’arguments elle pourrait sembler Vénus sortant des flots ou un nouveau Jésus de sexe féminin faisant l'intéressant·e. Mais ce serait oublier qu'elle est venue, pareille à l’ours blanc étonné des banquises lointaines, sur une plaque de glace, que cela jette un froid et que les sept Pénitents blancs dont le premier porte une croix, tout encapuchonnés, dépourvus d’horizons, ignorent ce miracle musical d’un autre temps et la féminité assumée de Peter Gabriel, premier t****** du rock à l’aube des seventies.

(On a beau changer d'outil et passer de Word en ligne à Dictation.io pour dicter ses textes on est toujours chez ces idiots de logiciels anglo-saxons à ciseaux puritains qui remplacent le mot « travelos » par six astérisques !).

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Je ne vais pas délirer plus sur la pochette de l'album « Foxtrot » du groupe de musique « progressive » Genesis. Je viens de vérifier que je ne possède plus ce disque vinyle. J'ai délégué à mon épouse il y a quelques temps le soin de le revendre dans une braderie de Rennes.

C’est sur ce disque-là qu’on entend la version studio de « Supper’s ready », une suite de 7 passages musicaux liés d'un seul tenant. Cela dure 23 minutes et je l’écoutais souvent dans la version de l'album live « Seconds out » sans rien comprendre des paroles mais en adorant la musique.

large_Hackett_Steve_05-12-80Si j'étais ici pour vous raconter ma vie je vous confierais que j'ai été initié à cette musique-là par Marie-Paule D. qui en était fan·e et qui habitait « par-derrière chez nous », au numéro 11 de la rue Achille Olivier à L. Mais je sais très bien que ça vous fera des bosses d'apprendre que j'étais, le 5 décembre 1980, à Paris, dans le public du Théâtre Mogador qui écoutait et applaudissait le guitariste Steve Hackett qui officiait au sein de Genesis avec Tony Banks, Phil Collins et Mike Rutherford à l’époque de « Foxtrot » : 1972.

Eh non, je ne suis toujours pas un perdreau de l’année ! Je fais des efforts, pourtant !

On trouve tellement d'information factuelles de ce type sur Internet qu'on ne peut plus rien dire du flottement onirique de cette musique, de ce groupe-là et du jeune homme que j’étais alors.

De toute façon le monde a bien changé : ces musiciens à barbe et cheveux longs sont maintenant de gros messieurs chauves portant lunettes. Leur poésie n’est plus en cour et leur musique non plus. Les battements simplistes du rap ont remplacé les compositions savantes et le délire abscons des paroles n'est pas plus encaissable aujourd'hui qu’à l’époque.

Marie-Paule D. a disparu dans les limbes du côté de Mâcon. Je possède encore des cassettes contenant l’enregistrement antédiluvien de nos séances musicales communes. Elle jouait du Georges Moustaki, du Maxime Le Forestier et du Graeme Allwright sur sa guitare sèche et comme nom d’artiste elle avait choisi « Boulibif blues » !

Longue vie à elle !

Ce que je regrette le plus dans cette histoire c'est le sort que l'on a fait subir à Mademoiselle Renard par la suite, même et surtout de nos jours.D’accord, il faut de l'anthropomorphisme mais point trop n'en faut quand même ! Et du merchandising. Le commentaire, emprunté à Alphonse Allais, qui l’appliquait à Baudelaire, est le même !

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1 septembre 2023

Pas encore tout à fait amnésique. 9, Jouer à chat perché

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Chat alors ! J’ai laissé passer la mi-août sans clamer avec Ray Ventura qu’à cette époque de l’année « c’est tellement plus romantique » !

Avant de déménager vers notre résidence d’automne ou notre palais d’hiver - en fait je ne bouge pas, je ronronne chez moi après mes folles nuits sur le toit - je passerai en revue cette semaine la gent féline, les Raminagrobis de tout poil qui encombrent ma mémoire quasi inutilement puisque, à part mon épouse, je n’ai pas d’animal chez moi. « Je n’ai jamais eu de chat, ou alors y’a longtemps ou y sentait pas bon » (Jacques Brel). C’est parti pour une partie de mistigri !

Puisque nous sommes dans la chanson commençons par là : le père Lustucru, qui est pourtant bonne pâte, n’a toujours pas retrouvé le chat de la mère Michel. C’est dommage parce que c’est peut-être dans la queue de ce chat-là qu’était caché l’esprit cher au médium dans la chanson des Frères Jacques. Henri Salvador, déguisé en matou, n’a toujours pas capturé Minnie la petite souris. Aristide Bruant cherche toujours fortune autour du « Chat noir », cabaret dans lequel j’ai trouvé beaucoup de mes amis. Georges Brassens regrette toujours cette « Putain de toi » qui a posé sur lui sa patte de velours et la jeune bergère Margoton qui dégrafait son corsage pour donner la gougoutte à son chat. Steve Waring, « l’inchantable », n’a pas pu se débarrasser de son matou qui revient dans ses pattes le lendemain matin, même quand on l’expédie en fusée trouver une place idoine à ce fêlé d’Elon.

 

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A côté de celui-là, bien qu’il soit plus célèbre encore, le chat qui disparaît en laissant son sourire en place à Chester, au Cheshire et surtout dans le pays des merveilles d’Alice de Lewis Carroll est d’une discrétion et d’une distinction rares. Il en est d’autres qui la ramènent un peu plus comme le Chat botté ou celui qui est perché sur les contes de Marcel Aymé. Je ne vous embêterai pas avec Parpagnacco, le chat de Venise dû à la plume de Louis Guilloux car personne ne le connaît à part mon vénérable beau-père et moi-même. Il doit bien traîner chez Madame Colette ou M . Léautaud des textes sur leurs nombreux chats.

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Anthropomorphe ou pas, le chat a pris sa place près du radiateur chez le cancre du fond qui préfère aux livres les bandes dessinées. Hercule s’entend tellement comme chat et chien avec son ennemi Pif qu’il arbore en permanence un sparadrap sur son museau jamais placide. Le siamois du capitaine Haddock donne au chien blanc Milou, dans les Sept boules de cristal, l’occasion de créer un mémorable ballet graphique dont Nestor, le majordome, est la malheureuse victime. Le chat de Gaston Lagaffe mène avec la mouette rieuse une autre danse affolante dans les locaux du journal Spirou. Pour des raisons purement idéologiques je connais moins Pat Hibulaire qui officie chez M. Disney. Autour de moi on aime beaucoup « Le Chat du rabbin » mais j’apprécie assez peu le dessin de Johan Sfar et le graphisme des bédés d’après l'an 2000. Félix le chat n’est jamais passé par chez moi, de même que Titi et Sylvestre (Grosminet ?), Garfield, Tom et Jerry mais je les connais et j’ai eu droit aux joyeux délires partouzards du dénommé Fritz the cat de Robert Crumb, surtout au cinéma. On est loin ici, j’imagine, de « L’Espion aux pattes de velours » et des « Aristochats » de l’oncle Walt. Et des vidéos de chatons envoyées sur internet. J'ai aimé aussi les calembours de Siné à propos de l'animal moustachu.

DDS 783 ronald-searle-cat-and-booksRetrouve-t-on un peu de dignité avec le « Duo des chats » de Rossini ? De quoi parle « La Chatte sur un toit brûlant » ? Qui connaît les jolis chats de Ronald Searle qui me séduisirent à Paris lorsque je vins m’y poser à l’âge de vingt ans ? Le groupe de rock-twist des années 60 « Les Chats sauvages » a-t-il laissé un titre impérissable avant de nous faire cadeau de Dick Rivers ? Qui se souvient encore, à Rennes, du café « Le Chat qui pêche » qui se trouvait place Saint-Germain ? Pour toutes ces questions, je donne ma langue au chat ! Mais dans la lignée des chapitres précédents de cette série d’été, on se rappelle très bien la Pomponnette de « La Femme du boulanger » de Pagnol.

Pour terminer, je souscrirai volontiers à l’idée de Jacques Sternberg selon laquelle toute la société a été organisée pour assurer le bonheur des chats qui deviennent ainsi, sans que les humains s’en doutent, les vrais maîtres du monde. Mais moi, je m’en fiche de cette vision-là : tant que ça ne déménage plus que ça dans ma mémoire, tant que mon unique neurone tient la route quand je monte « marouler » (1) sur le toit, tant que je ne « décaroche » (2) pas, comme disait ma grand-mère, je suis le plus heureux des hommes qui jouent le rôle bonnard de l’imbécile de service.

 

(1) en ch’ti (ou en picard) : faire la java, la cour, l’amour en émettant d’inqualifiables miaulements pour les chats grimpés sur un toit

(2) : perdre la tête, devenir fou, tenir des propos incohérents, radoter

24 août 2023

Pas encore tout a fait amnésique. 8, Je viens du Sud

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Au Sud de la Loire, est-ce déjà l’Afrique ? Ou bien les gens là-bas ne sont-ils tous que des fadas ?

Notre bistrot-mémoire de la semaine sera consacré aux habitants de ces régions où l’eau est si rare que c’est criminel de boucher les sources et que c’est un délit de jouer comme sur cette photo à l’arroseur arrosé (un film des Frères Lumière, natifs de Besançon donc hors sujet !). Amusons-nous avec les gens venus du Sud !

A tout seigneur tout honneur, je viens de rendre hommage sur le site Filigrane à Marcel Pagnol dont j’ai redécouvert « L’Eau des collines » grâce à Jacques Ferrandez, bédéaste bath. Je connaissais les deux films de Claude Berri et surtout la trilogie « Marius » « Fanny » « César » avec son « Tu me fends le coeur ! » de la célèbre partie de cartes. Je peux ajouter les célèbres "moutonsses" de Louis Jouvet dans « Topaze » mais je ne sais pas trop ce que c’est que le « Schpountz » ni qui est « Merlusse ».

Un autre zélateur de la Provence, Monsieur Alphonse Daudet, est né à Nîmes. On connaît bien les lettres de son moulin, sa chèvre de Monsieur Seguin, son curé de Cucugnan, bien plus que le hussard sur le toit – quelle idée de monter là-haut par 38° ! - de M. Giono dont je n’ai rien lu. Je zapperai également M. René Char de L’Isle-sur-la-Sorgue dont les oeuvres poétiques ne figurent pas sur ma table de chevet.

Mais je n’oublierai pas en chemin Alibert et Darcelys, leur Petit cabanon et leur Partie de pétanque ni Fernandel avec son répertoire plus parisien et plus coquin : Félicie aussi, L’Ami Bidasse, La Caissière du grand café, Barnabé, Ignace, La Bouillabaisse.

Parmi les figures marseillaises plus récentes que Marius et Olive et que la sardine qui bouche l’entrée du port et fait jaser sur la Cane Cane Canebière, il y a bien sûr Robert Guédiguian et sa bande, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan (Marius et Jeannette) et aussi Emmanuel Mouret (Caprice, L’Art d’aimer, Changement d’adresse) qui prolonge au cinéma l’art de Marivaux et la veine d’Eric Rohmer.

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Décalons-nous un peu à l’Ouest. Arrêtons-nous à Sète et avouons que nous connaissons plus de chansons de Georges Brassens que de poèmes de Paul Valéry. Rappelons-nous le séjour que nous y fîmes, la visite du cimetière marin, de Bouzigues et le vent qui aurait emporté le chapeau de Mireille (Mathieu?) le dernier jour. Tramontane et Mistral ne tournent pas la tête aux gens au nord de la Loire : ici les vents n’ont pas de nom.

A Narbonne est né le fou chantant, Charles Trénet. « Douce France », « Boum », « L’Âme des poètes », « Le Jardin extraordinaire », « Le soleil qui a rendez-vous avec la lune » et la bonne qui se donne du plaisir avec une passoire. Encore un joli fada, dites donc !

Castelnaudary nous a donné Pierre Perret qui ne nous fait plus vraiment rire avec ses dernières provocations mais dont nous avons aimé « Lily », « Le Café du canal », « Blanche », « Le Facteur », « Quand le soleil entre dans ma maison » et « Donnez-nous des jardins ». Toutes ses gauloiseries, « Estelle », « C’est le printemps » ou « Le Zizi » furent bien nécessaires et appréciées à l’époque opaque où elles sortirent mais sont redevenues taboues aujourd’hui où le monde l’est (à bout, le monde est à bout).

Chez les Piscénois, à Pézenas nous avons hérité de Boby Lapointe, sa Maman des poissons, ses avanies, ses framboises, ses virées en Aragon et en Castille avec un sentimental bourreau, son père et ses verres, sa méli-mélodie. Un personnage unique en son genre, admirable en tout.

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A Lagrasse est né Charles Cros, auteur du "Hareng saur" et des délicieux poèmes du "Collier de griffes" et du "Coffret de santal" ainsi que du « Sidonie a plus d’un amant » de Brigitte Bardot.

Montpellier nous a donné Léo Malet, le créateur de Nestor Burma. Toulouse a vu naître et chanter Claude Nougaro ("Je suis sous sous sous sous ton balcon", « Cécile ma fille », « Ô Toulouse », « Le Coq et la pendule », « Le Jazz et la java », « Armstrong »)

Montcuq fut le dernier refuge de Nino Ferrer et de sa Mirza. Il y habitait la maison près de la fontaine, dans le Sud de la ville et oublia toujours – quel cornichon ! - son parapluie quand il partait en pique-nique.

Bergerac nous a donné Cyrano mais la célébrité de ce Savinien lunatique est surtout due à la plume d’Edmond Rostand, autre Marseillais notoire.

L’Auvergne nous a donné Fernand Raynaud sans lequel la blogosphère belge ne serait pas ce qu’elle est !

Le Limousin nous a fait cadeau de Raymond Poulidor, la Vendée de Yannick Jaulin et Saint-Etienne a sorti de son chaudron magique un Bernard Lavilliers aux mains d’or.

Tchic a tchic a tchic aïe aïe aïe ! J’ai failli oublier le pays basque et Luis Mariano, sa Belle de Cadix, son Mexico et son Rossignol de ses amours !

De même que Tino Rossi (Catarinetta bella tchi tchi !), i Muvrini et « L’Affaire corse », une enquête de Jack Palmer par René Pétillon. 

Je sais que François Mauriac est associé à Bordeaux mais je m’en fiche ! Sa littérature n’est pas ma tasse de thé et Thérèse Desqueyroux, si elle ne me sert pas des grands crus qui font des petites cuites ou même le petit Bordeaux clairet de la supérette voisine, elle ne m’intéresse pas !

Je ne franchirai pas les Pyrénées d’où j’aurais pu ramener Salvador Dali et Carlos Nunez. Je ferai l’impasse sur l’Italie qui mérite un chapitre à part ! Des Grecs et des Pieds-noirs, je sauve pour terminer Angélique Ionatos et Georges Moustaki, Guy Bedos, Jean-Pierre Bacri, Georges Wolinski et surtout Enrico Macias qui a si bien chanté… les gens du Nord … de la Loire !

19 août 2023

RECETTE DE LA VÉRITABLE PAGNOLADE PROVENÇALE

INGRÉDIENTS :

- Une marmite de ragoût de mouton qui est tombée du 1er étage de chez L’Amélie ;

- Un percepteur néo-rural avant l’heure : en prévision de la crise sanitaire liée au (à la?) Covid-19 et à la fièvre de télétravail qui va s’emparer du monde entier, il a décidé de retaper le mas familial en ruines et de s’y installer avec femme et enfant pour devenir cuniculiculteur et en même temps vivre de sa production agricole en circuit court . Il faut le choisir de préférence un peu bossu mais sans faire référence à Henri de Lagardère ou à son descendant Arnaud. Quoique… ;

- Une sourcière bien aimée. C’est la fille du percepteur baba-cool. Écologiste dans l’âme, elle sait s’occuper des caprins sans que la bête de M. Seguin ne la rende chèvre, elle connaît tout le territoire de la garrigue, notamment les endroits où l’eau jaillit de la montagne. Grâce à sa discrétion elle surprend des conversations compromettantes du style pot-aux-roses même s’il s’agit avant tout d’une histoire d’oeillets ;

- Une tenue de chasseur de luxe de nature à faire oublier les tartarinades du bachi-bouzouk de Tarascon. Mais l’habit ne fait pas le moine comme diraient entre deux messes le curé de Cucugnan et le Révérend père Gaucher ;

- Un garçon de ferme célibataire qui rêve de devenir riche grâce à une reconversion dans l’horticulture. Un nommé Ugolin fera très bien l’affaire, surtout s’il entre bien dans la tenue de chasseur de luxe ;

- Un sac de ciment à prise rapide. Il servira à boucher, en cachette d’à peu près tout le monde, les sources sises sur le terrain appartenant au percepteur. Cette histoire d’élevage de lapin et d’intrusion illégale sur une propriété privée nous rappelle l’invasion de la villa de Christian Clapier en Corse ;

- Et justement il faut ajouter un parrain. Il est vieux, il est riche, roué, madré, manipulateur. C’est lui qui porte le chapeau mais il ne se salit pas les mains. Il laisse les basses œuvres à l’Ugolin ;

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- Une photo de Claudia Cardinale qui trempe ses jolies mains dans une fontaine pour une publicité contre la canicule « Hydratez-vous ! ». Cet ingrédient est facultatif mais, comme la cerise sur le gâteau fait saliver les dames, il fera peut-être baver les messieurs ;

- Une mule, même pas du pape, ou un mulet mais pas le poisson. Quatre pattes, grandes oreilles, sachant porter de lourdes charges. Un âne comme celui d’« Antoinette dans les Cévennes » peut éventuellement faire l’affaire mais depuis que l’animal a ouvert un cabinet de psychnalyste, il ne s’intéresse plus aux auteurs et autrices de fictions. La bête que vous achèterez n’aura du reste qu’un tout petit rôle dans la réalisation de la Pagnolade : exactement comme l’Arlésienne de Bizet, on lui demandera simplement de ne pas être là le jour où l’on aura besoin d’elle ;

- De l’anisette. Encore de l’anisette. Toujours de l’anisette ;

- Des habitants du village qui causent à n’en plus finir autour de l’anisette ;

- Un flashback un peu coûteux composé d’un bataillon de soldats français en Afrique et d’un facteur qui perd une lettre d’une importance capitale en déclarant « Un coup de dés jamais n’abolit le hasard ». En suite de quoi le porteur de djellabah, Mohammed Ben Mallarmé, s’en va faire sa partie de 421 avec ses coreligionnaires au bistrot du bled mais pas autour de l’anisette : quand on fait aussi mal un travail d’Arabe mais qu’on est un bon musulman indépendantiste on s’abstient de boire de l’alcool ;

- Une corde solide avec un noeud coulant ;

- Un pastis… Non, un pastiche de Georges Brassens : « La pendaison, papa, ça ne se commande pas » ;

- Une vieille femme aveugle qui joue le rôle du choeur antique et du Deus ex machina ;

- Un instituteur peu ordonné qui cherche par tous les moyens à se débarrasser de son couteau suisse. Mais qu’est-ce qu’ils ont contre les Helvètes, les Provençaux? Plutôt que de faire confiance aux banques des bords du lac Léman ils gardent leurs économies sous leur oreiller et ils se méfient des livres de Jean-Jacques Rousseau et des autres ;

- Une jeune fille qui va au bal, qui faute, tombe enceinte et n’arrive pas à prévenir le père du petit, parti faire le soldat en Afrique, de sa mésaventure à elle et de sa paternité à venir à lui. Même si les Alpes-Maritimes sont proches du lieu de l’action, la recette de la Pagnolade ignore cet ingrédient devenu capital chez tous les amoureux de la nouvelle cuisine feuilletonnière : le 06 ! ;

- Une Suzanne au bain ou plutôt « dans l’eau de la claire fontaine » Ce sera la sourcière bien-aimée ;

- Un voyeur : le rôle et la langue d’Ugolin sont tellement chargés qu’on pense au loup de Tex Avery, l’animal à poil noir, pas le poisson ;

- Un bâton d’explosif ;

- Surtout, très important, beaucoup de cet accent qu’on attrape en naissant du côté de Marseille.

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PRÉPARATION :

- Commencez par faire macérer tous ces ingrédients dans un paysage magnifique embaumant le thym, la lavande, le romarin et la farigoulette ;

- Assaisonnez avec du ciel bleu, des caractères emportés, enflammés, enthousiastes ou à l’inverse renfrognés, butés et taciturnes ;

- Faites cuire à part au soleil de l’Afrique le bataillon de soldats et le facteur négligent ;

- Gardez au frigidaire la vieille aveugle. Ne lui demandez surtout pas de vérifier si la lumière reste réellement allumée ou si elle s’éteint quand on ferme la porte du réfrigérateur.

- Sur un lit de rivière asséchée faites revenir la question du réchauffement climatique, des méga-bassines, du circuit court, du travail des femmes et de la bêtise des hommes ;

- Ajoutez l’explosif. Après la déflagration éteignez le Jean de Florette (le percepteur en burn-out) et transvasez tous les ingrédients dans une marmite plus vieille de cinq ans pour que la Pagnolade soit encore meilleure. La marmite du ragoût de mouton de l’Amélie peut très bien faire l’affaire.

- Laissez reposer une nuit ;

- Posez la vieille aveugle au sommet de la Pagnolade ;

- Servez sans faire de chichis avec des bruits de cigale, des parfums de nostalgie passéiste, de belle histoire d’amour et de littérature classique qui n’a pas oublié qu’on a disserté, le mois dernier, des jeux de l’amour et du hasard.

SOURCES

« Il faut toujours citer ses sources » comme disait ma professeur Manon Lescaut de l’Université de Cambrai-sur-Bêtise avant de devenir moins célèbre que sa petite-fille Julie. Cette recette d’histoire « à la mode de Marcel Pagnol » a été recueillie dans l’adaptation en bandes dessinées de M. Jacques Ferrandez dont nous avons fort apprécié le talent et le savoir-faire. Merci à lui.

 Ecrit pour le jeu n° 85 de Filigrane (La Licorne) d'après cette consigne 

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18 août 2023

Pas encore tout a fait amnésique. 7, Abbayes, cathédrales, chapelles, églises, mosquées, synagogues et temples.

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Longtemps je me suis abstenu d'entrer dans ces édifices religieux que l'on trouve un peu partout en France et en Europe. Il y a, paraît-il, deux églises à Colombey et bien d'autres lieux de culte ailleurs mais ailleurs, je n'y vais pas !

Je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais si mon grand-père maternel a été enfant de choeur et si je possède une photographie de mon père et de son frère en premiers communiants, pour ma part je n'ai reçu aucune éducation religieuse.

Je suis ce qu'on pourrait appeler un "self-made croyant" !

J'ai passé dix ans à Paris sans mettre les pieds une seule fois à Notre-Dame ; je ne sais donc pas derrière quel pilier Paul Claudel a éprouvé une crise de foi ou eu révélation d'un partage d'apéro à midi au café "Le Soulier de satin". Je suis allé trois fois à Venise mais je n'ai pas pénétré dans la basilique Saint-Marc. Je le regrette bien car les sols de mosaïque sont, paraît-il, magnifiques. Moi aussi, comme Damien Saez, j'ai été jeune et con !

Depuis quelques années pourtant j'ai évolué et je rattrape mon retard. Je me suis aperçu qu'on ne se précipitait pas sur les athées pour les brûler tout vifs au sommet d'un bûcher quand ils entrent dans la cathédrale de Rouen et qu'il suffisait d'ôter son chapeau lors du passage sous le porche des lieux de culte pour être confondu avec un pratiquant - ou pas -. De toute façon il n'y a pratiquement plus personne pour faire la police dans ces grandes bâtisses souvent sombres.

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J'ai commencé par flasher pas mal de temps sur l'architecture insolite de l'abbaye de Solesmes, plantée sur les bords de la rivière Sarthe dans un silence quasi religieux et un cadre bucolique autant que paradisiaque. On a dû mal à imaginer, en contemplant cet édifice, que des voyous comme Joe Krapov et Vegas-sur-Sarthe ont traîné leurs guêtres par là !

L'année où nous avons agrémenté notre visite annuelle dans le Nord d'un séjour "campingueux" à Jumièges nous avons visité l'abbaye mais un vandale appelé Temps qui passe avait tout délabré. Il n'y avait plus là que ruines, désolation et un jeu d'échecs géant.

Je me souviens de la chapelle de Vraž près de Pisek en Bohème, encore en Tchécoslovaquie en 1980. Elle contenait un piano sur lequel mon frère, qui avait alors la dégaine de Jésus-Christ en jeans, a joué quelques morceaux de notre répertoire de rock progres-pous-sif.

Je me souviens des églises en mauvais état de Coutances mais bien plus de la brasserie de la place de la Mairie et du beau jardin public de cette ville normande.

2023-04-21 - Nikon 190

Cette année nous avons rendu visite à l'ange au sourire de la cathédrale de Reims et nous avons adoré le musée du Cloître de Notre-Dame-en-Vaux de Châlons-en-Champagne. Les chanoines de l'endroit avaient détruit le cloître vers 1760 pour y construire des nouveaux logements. Les colonnes sculptées qu'ils ont jugées peu dignes d'intérêt ont été enfouies à proximité. Elles ont été déterrées récemment, en 1963, et joliment muséifiées à notre intention. Quelle surprise, dites donc : un bon nombre de ces statues représentaient des personnages féminins !

Sans pousser jusqu'aux excès de l'Iran et de l'Afghanistan, force est de constater que les religions ont un problème avec les femmes. Si quelqu'un du reste pouvait m'expliquer en quoi des messieurs restés célibataires ont à se mêler d’histoires de sexe, qu'il se garde bien de le faire ! J'ai décidé récemment, pareil en cela à Jeanne d'Arc, de ne plus écouter que mes voix intérieures et de laisser les fous à leurs folies. "Je ne discute pas avec les cons, disait Audiard, ça les instruit !".

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Si je reviens, pour essayer de faire court, à la photo d'église en ruines qui doit nous inspirer de l’écriture cette semaine, je dois avouer que j'entre dans les édifices religieux, bien souvent, pour pratiquer mes dévotions au Dieu Soleil ! Râ ! Apollon ! Here comes the sun ! Quand ses rayons traversent les vitraux colorés et déposent sur les bancs de bois brut et la pierre des allées des pellicules de lumière enchanteresse, je biche ! Je communie ! J'oublie que le monde est peuplé d'un nombre incroyable d'incroyants qui le 15 août, jour férié, jour de l'Assomption de la Vierge Marie, déambulent en foule dès le petit matin dans la rue du général De Gaulle à SGXV *1, mangent des glaces, promènent leur ennui vacancier, lorgnent sur les menus des restaurants tous ouverts, farfouillent dans les produits passe-partout et "made in China" des boutiques de fringues identiques à celles de chez eux et délaissent les petites rues parallèles si typiques de l'éternel vendéen, si belles avec leurs maisons blanches à toit de tuile orange.

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Oui, elle va bien vers sa chute, son déclin, sa fin, la "civilisation judéo-chrétienne". La végétation envahissante, le lierre, la mousse sur les pierres, les vitraux cassés ou disparus, c'est pour bientôt. Une religion chasse l'autre. Le nouvel idéal sacro-saint a pour nom "Société de consommation". Sa sainte Trinité s'appelle "Bidoche, Bière et Trucs inutiles". A cette religion-là et à toutes les autres, à leur décrépitude en cours ou à venir, je lève mon verre de limonade ! *2

 

*1 SGXV = Saint-Gilles-Croix-de-Vie (Vendée)

*2 Je n'en bois qu'en été, de préférence sur une terrasse au soleil. Elle me fait le même effet que le champagne à Noël. Il y a du reste dans ces deux boissons les seules bulles papales que je puisse tolérer !

10 août 2023

Pas encore tout à fait amnésique. 6, Faire le Jacques

DDS 780 Jackie la photo de départ

On a beau raconter sa vie sur Internet, les un·e·s et les autres, on se connaît très mal finalement. Ainsi ce chien qui est une chienne, quel est son nom exact ? Peut-être Jackie (Russell) ? Peut-être pas !

J’aurais pu me contenter de chanter la chanson homonyme de Jacques Brel, d’abord parce que j’ai noté jadis ses accords pour ma guitare et ensuite parce que j’ai eu l’idée de l’interpréter à la douze cordes et à l’harmonica à la façon de Neil Young. Or je repars ce vendredi camper pour une petite semaine et je n’ai plus que ce mardi pour l’enregistrer.

Mais comme l’heure n’est peut-être plus à « faire le Jacques », je m’en vais jouer à nouveau pour vous au jeu du Bistrot mémoire. Je me souviens en effet d’avoir vu il y a quelques années, au festival Quartiers en scène à Rennes, un excellent spectacle dans lequel les interprètes avaient choisi de ne chanter que des chansons écrites par des prénommés Jacques ! Intéressant concept, amusant programme. Déclinons-le, recomposons-le ! 

On pourrait commencer avec les tubes des années 60 et 70 des deux Jacques associés, Lanzmann et Dutronc : « Et moi et moi », « Les Cactus », « L’Opportuniste », « J’aime les filles », « Sur une nappe de restaurant », « La Fille du père Noël », « Il est cinq heures Paris s’éveille », « J’ai tout vu, tout lu, tout bu », « Fais pas ci, fais pas ça », « Le Petit jardin » etc. D’autres chansons de Dutronc sans Lanzmann : « Gentleman cambrioleur », « Merde in France »… 

Jack l'éventreur

On pourrait enchaîner avec quelques tubes de Jacques Higelin : « Champagne », « Tombé du ciel », « Poil dans la main », « Je suis mort, qui qui dit mieux ? », « La Croisade des enfants », « Pars », « Encore une journée de foutue »…

On ajouterait Jacques Prévert : « Barbara », « En sortant de l’école », « La Pêche à la baleine », « Chanson pour les enfants l’hiver »…

J’aimerais y mettre aussi, dans cette compilation, l’orchestre de Jacques Hélian mais comme je suis plus adepte de Ray Ventura aucun titre ne me revient en mémoire, sauf, vaguement, une histoire de petit train…

On pourrait faire un sketch de Philibert à l’entracte : ils étaient écrits et interprétés par Jacques Bodoin : « La Table de multiplication », « La Leçon d’anglais » (aïe go tou the bla-keu-bo-ar-de), « La Panse de brebis farcie » ou une imitation du chien Pollux auquel il prêtait sa voix dans « Le Manège enchanté ».

De Jacques Douai je n’ai dans ma guitare que « File la laine » sans doute parce que je ne suis pas assez rouet pour me frotter sans me piquer à la quenouille.

BossuetPour Jacques Brel, c’est compliqué. J’ai une telle admiration pour cet auteur-interprète que cela m’a longtemps semblé un crime qu’on reprenne son répertoire. « Amsterdam » par David Bowie, ça n’a quand même pas très grande allure ! J’ai quand même accepté d’interpréter « Il peut pleuvoir » dans un spectacle de chansons « météorologiques » et aussi « Vesoul », « Rosa » et « La Chanson de Jackie ».

Je ferai l’impasse sur Jacques Lantier puisqu’il n’est qu’interprète de ce répertoire ancien où j’ai moi-même beaucoup pioché. Et encore plus sur Jack Lang dont la tournée d’adieux à l’Institut du monde arabe traîne tellement en longueur qu’elle vire au pathétique.

AlixJe me souviens bien sûr de Jacques Grello, chansonnier qui offrit une guitare à Georges Brassens et de sa chouette chanson « Il fait bon » interprétée par… les Frères Jacques !

Bien évidemment, ceux-là, je les inscris d’office même si eux aussi ne sont que des interprètes. On cite, on re-cite, on récite « La Queue du chat », « La Confiture », « La Chanson sans calcium », « La Marie-Joseph », « Le Complexe de la truite », « Fredo », « Les Tics », « Monsieur Lepetit le chasseur », « C’est ça l’rugby », « Général à vendre », « Don Léon », « Le Cirque », « La Lune est morte », « Le Général Castagnetas », « La Violoncelliste »…

On pourrait évoquer aussi Jacques Demy et chanter « Nous sommes deux soeurs jumelles » des « Demoiselles de Rochefort ». N’oublions pas Jacques Martin avec sa « Pêche aux moules » et son « Je frappe au n° 1 » !

Je vous fais grâce de Jackie Sardou et de sa progéniture lacustre du Connemara ! Dans le genre capillotracté on peut se lancer dans « Les Dalton » de Joe Dassin. D’après René Goscinny les cousins s’appelaient Joe, Jack, William et Averell mais quels étaient les prénoms des vrais frères ?

Faut-il compter Jean-Jacques Goldman parmi les Jacques et Jacquouille parmi les fripouilles ? Est-ce la faute à Rousseau s’ils tombent au ruisseau ?

Laissez-passer accordé à « Hit the road, Jack » de Ray Charles et à « La Légende » de Jacques Faizant. Aussi à la musique de « Vol au-dessus d’un nid de coucou » (avec Jack Nicholson !) car elle est de Jack Nietzsche, producteur de l’album « Harvest » de Neil Young mais pas de « Ainsi parlait Zarathoustra » qui est de Richard Strauss sans entrer dans la catégorie « valse de Vienne » ! A celle des films de Jacques Tati également !

A ma connaissance Jacques Anquetil, Jacques Rivette, Jacques Doniol-Valcroze, Jack Kerouac, Jacques Ralite, Jacques Attali, Jacques Audiberti, Jacques Villeret, Jacques Charrier, Jacques Chaban-Delmas, Jacques Canetti, Jacques Perrin, Jacques Perret, Giacomo Casanova, Jacques Audiberti, Jacques Charon, Jacques Chirac, Jack Daniels, Jacques Audiard, Jacques Lacan, Jacques Mesrine, Jacques Siclier, Jacques Ferrandez, Jacques Tardi, Jacques Séguéla, Jacques Chancel, Jacques Célère, Jacques Cident et « Jack court sur le haricot magique » n’ont pas écrit de tube inoubliable. 

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Ce n’est pas le cas non plus de Jack Baron et l’éternité, Jacky Twitter, non, Jacky Ickx, Jacques Laffite, Jacques Borel, Jacques Flash l’homme invisible de « Vaillant » et Pif-gadget », Jacques 1er d’Angleterre, Jackie Kennedy, Jack Vance, Jacques Vendroux, Jacques Balutin, Jacques Rouland, Jacques le fataliste qui prenait le métro à Reuilly-Diderot, Saint-Jacques de Compostelle qui ne faisait le plein que dans des stations Shell, tous les Jacolandins – Saint-Jacques de la Lande est à deux pas de Rennes – qui viennent jouer au blackjack ou au jacquet dans la rue du Champ-Jacquet pour décrocher le jackpot. Il n’y a pas à dire, quand Jacques cumule, Jacques cumule !

J’ai oublié ce que chantait Jakie Quartz mais je sais encore que le bassiste du groupe Hot Tuna était Jack Cassady. Par contre nous devons à Jacques Offenbach un certain nombre d’airs fabuleux et réjouissants tirés de ses opérettes comme « Votre habit  a craqué dans le dos » « Je suis Brésilien » «  Il nous faut de l’amour » « La Marche des rois »… Il y a aussi Giacomo Puccini mais lui, c’est moins ma tasse de chianti ! Trop bourgeois bohème !

Frère Jacques, Soeur Jak, dormez vous ? D’habitude je ne sais pas comment arrêter ces trop longues énumérations qui naissent dans mon bistrot mémoire mais aujourd’hui, grâce à ce jeu enfantin que tout le monde connaît, c’est plutôt facile :

- Jacques a dit « Posez les crayons ! »

Et il a ajouté :

- Sortez les micros !

4 août 2023

Pas encore tout à fait amnésique. 5, Le Jeu de l'amour et de la musique

DDS 779 harmonica de verre 133523263

Lorsque j’ai vu cette photo pour la première fois samedi dernier je me suis demandé ce que c’était que ce cylindre détonant, déconnant et conique et ce qu’il fichait là en présence d’un clavecin bien oblitéré de jolie peinture.

J’ai d’abord pensé à un canon, certes pas de Navarone ni même en provenance de la canonnière du Yang-Tsé, pas non plus celui du croiseur Aurore sur lequel ont été photographiés mes grands-parents à l’époque où ils jouaient dans « L’Etroit Moscoutaire », car trop petit et trop brillant.

C’est donc plutôt un étui. Un étui pour une momie ? Le sarcophage de Ramsès II enfant ?

Comme les traces de mon propre passé sont plus intéressantes à numériser, en ces temps de vacances où l’on peut oeuvrer pour soi, que celles de toute l’Égypte ancienne, j’ai laissé tomber la devinette et je ne suis revenu que ce jeudi soir faire appel à M. Google-Images qui m’a donné la solution. Il s’agit d’un harmonica de verre.

Soufflé, le Krapov ! Ça, un ruine-babines ? Que vais-je pouvoir en dire ? J’ai déjà écrit un billet sur ma collection d’harmonicas avec citations d’Albert Raisner, Antoine, Bob Dylan, et Neil Young. Faudrait voir à varier les plaisirs ! 

Et puis je me suis souvenu que figurait, dans les cassettes audio que je viens de monter au grenier, un enregistrement d’un concert sur France-Musique consacré à la musique écrite par Mozart pour cet instrument.

La question restait posée : que pouvais-je inventer de drôle à partir de cela ? A part enfiler des tongs, poser une échelle par-dessus les marches qui mènent à ma caverne d’Ali Baba, me donner la consigne de passer un barreau sur deux et de redescendre avec le carton plein plutôt qu’avec la seule cassette, gag qui n’aurait fait rire que deux personnes dont une même pas présente sur le Défi, je ne voyais pas.

Comme je ne suis pas ici pour raconter ma vie et souligner les côtés dérisoires mais si chargés d’affection de la vie d’avant, je n’allais tout de même pas vous narrer que c’est mon aimable grand-mère qui se chargeait d’aller, en mon absence – j’étais étudiant, alors, et le suis toujours ! - ouvrir le poste de radio et enclencher le magnétophone dans le cabinet de toilette du premier étage qui nous servait de laboratoire photographique.

Devais-je philosopher sur les envahissantes évolutions technologiques qui permettent désormais non seulement de programmer de telles actions mais encore de récupérer en baladodiffusion (peau de caste ?) voire de télécharger en même pas deux minutes de tels trésors auditifs qu’on n’aura de toute façon jamais le temps de réécouter ?

DDS 779 Desproges

Mais quoi ! De toute façon, à continuer d’écouter les gens « qui causent dans le poste » le leitmotiv commun (ou communautaire?) semble être devenu le titre du livre de Pierre Desproges « Vivons heureux en attendant la mort !». Voilà qui ouvre de plus belles perspectives encore aux immortel·le·s !

Alors oui, écoutons, continuons d’écouter la radio ! Pendant ces vacances-ci, j’aurai eu droit aux « Rendez-vous avec X », à la Grande traversée « John Fitzgerald Kennedy vs Lee Harvey Oswald », à celle sur Marilyn Monroe, à la revisite de Paul Mc Cartney and the Wings par Michka Assayas et, suite à la découverte de Clémentine Mélois, « livres, conférences et humour aux 33e degré et 36e dessous», je vais peut-être extirper de mes archives des enregistrements des « Papous dans la tête », émission à laquelle la gente dame a participé sans marquer trop ma mémoire – je me souviens plus d’Eva Almassy, d’Hervé Le Tellier, d’Henri Cueco et d’Hélène Delavault -.

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Mais j’arrive au début d’une page deux et je veux faire court. Je reviens donc à l’harmonica de verre et je profite de cette image de musée pour plonger encore plus dans le temps passé. Le hasard des ateliers d’écriture a fait que j’ai participé en juillet à celui de Dame Licorne, « Filigrane » qui vient de redémarrer. Il fallait écrire sur « Le jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux.

Évidemment, après avoir pondu mon texte, j’ai relu cette pièce et hier soir j’ai regardé le dévédé de sa représentation à Antibes en 2019, dans une mise en scène de Catherine Hiegel avec Clotilde Hesme (la Roxane de « HPI ») et Laure Calamy (« Antoinette dans les Cévennes »).

Un pur régal. Pour exécuter cette partition ancienne de manière si pure, si parfaite et si drôle il fallait bien user du plus précieux des instruments qui fût allé se nicher jamais dans le coeur des actrices : l’harmonica de verre. 

28 juillet 2023

Pas encore tout à fait amnésique. 4, Bilan carbone et poudre blanche

DDS 778 bonhomme de neige familial

Dans l’histoire de l’humanité, parmi les huit milliards d’êtres humains que porte cette planète, nous n’avons pas plus d’importance, les un·e·s et les autres, que le bonhomme de neige qui figure sur cette vieille photo en noir et blanc.

Mais à écouter les bavards impénitents des radios et télés, les Savonarole modernes, les contempteurs , les accusatrices, les imprécateurs, nous sommes quand même les responsables et coupables du réchauffement climatique. Surtout si nous sommes nés avant 1980 !

Alors oui, il est temps de passer aux aveux : j’ai, moi aussi, un bilan carbone !

Je ne suis pas là pour raconter ma vie mais le travail de numérisation de photos et de diapositives auquel je me livre depuis que je dispose de plus de temps libre m’en apporte la preuve ultime : j’ai voyagé.

« J’ai voyagé de Brest à Besançon, Depuis La Rochelle jusqu’en Avignon, De Nantes jusqu’à Monaco, En passant par Metz et Saint-Malo » chantait déjà Graeme Allwright alors que Greta Thunberg était tout sauf née et que le seul type intéressé par les soulèvements de la terre s’appelait Haroun Tazieff. Il était volcanologue.

Il se trouve que je suis passé par Longchaumois, Tignes et La Bourboule et j’en viens à me demander si ces vacances d’hiver que nous prenions au siècle dernier n’étaient pas, outre une réponse à une incitation sociétale à la consommation de séjours dans des contrées montagneuses autant qu’enneigées, une recherche inconsciente de cette magie blanche de 1963 ou de cette aventure liée au premier voyage effectué en dehors de la famille : la classe de neige du collège Franklin de Lille.

Classe de neige du lycée Franklin (Philippe

Quoi qu’il en soit et quoi qu’il m’en coûte je vais recourir à mon aide-mémoire préféré pour ce "plaider coupable", pour cette autocritique rigolarde d’aérodromophobique n’ayant jamais pris l’avion. Dans ma liste de négatifs noir et blanc et couleurs et de boîtes de diapositives, voici, mesdames et messieurs les juré·e·s, les années et les endroits où je suis allé, en voiture ou en train, pratiquer le ski de descente, le ski de fond, la raquette, la raclette – autant celle qui consiste à déglacer le pare-brise que le plat régional savoyard renommé - et le gadin dans la poudreuse :

1966 Tignes Les Brévières (Savoie)
1967 Entremont (Haute-Savoie)
1977 Bogros par Messeix (Puy-de-Dôme) avec ski sur le plateau de Charlannes au-dessus de La Bourboule)
1978 idem
1979 idem
1980 idem
1981 idem
1981 Le Grand Bornand (Haute-Savoie)
1982 Bogros par Messeix (Puy-de-Dôme)
1984 Longchaumois (Jura)
1985 Longchaumois (Jura)
1987 Les Rousses (Jura)
1989 Lans-en-Vercors (Isère)
1991 Compains (Puy-de-Dôme)
1992 La Garandie (Puy-de-Dôme)
1994 Longchaumois (Jura)
1995 Serre-Eyraud (Hautes-Alpes)
2000 Prémanon (Jura)
2001 Les Rousses (Jura)
2002 Puget par Saint-Eustache près du lac d’Annecy (Haute-Savoie)

En attendant mon prochain procès relatif à mes oedipiens « déplacements pour voir la mer » vous pouvez désormais, mesdames et messieurs les juré·e·s, vous retirer pour délibérer sur mon pendable cas. Le temps que vous preniez une décision, juste ou pas, j’aurai, comme les trois enfants et le bonhomme de neige de la photo, disparu ou fondu !

Que je sois coupable où non, qu’on m’envoie « ballader » ou qu’on m’envoie me faire pendre, ça n’est pas ça qui vous dira où elles sont passées, les neiges d’antan ! 

20 juillet 2023

Pas tout à fait encore amnésique. 3, Granit rose

DDS 777 Aquarelle de Bugueles

Buguélès !

Ce n’est pas là le nom d’une ville espagnole ni celui du groupe qui interpréta jadis le tube « Video killed the radio star » dont j’avais acheté le 45 tours : eux, c’étaient les Buggles.

C’est juste un nom sur une carte de Bretagne, un souvenir de l’époque toujours bénie où je vivais – j’y vis encore – au paradis.

Ce fut en fait, pendant longtemps, une aquarelle mystérieuse, réalisée, à l’époque où j’en peignais, - 1992 ! - d’après une photographie prise lors d’une randonnée en pays de Trégor.

Vu que je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais que, en gros, c’est ce que tout le monde fait sur le web, posons en préambule que cela fait quarante ans cette année que nous rendons visite, une ou deux fois par an, à notre amie Anita qui réside à Lannion et que nous allons marcher avec elle sur le sentier des douaniers – où l’on n’en rencontre guère – et admirer la mer qui vient se jeter ou se fracasser parfois, sur la côte de granit rose.

Je ne sais pas combien de fois nous avons fait, par tous les temps excepté celui de neige, le tour de l’Île Renote ou celui de l’Île grande ! Ce ne sont en fait que des presqu’îles où l’on croise quelquefois, sur l’étroit chemin de la dernière, le PPDA qui fait son jogging, information inintéressante au possible, j’en conviens, mais ça nous est arrivé au moins une fois.

DDS 777 210516 Nikon 093Quelle fortune n’avons nous pas laissée à la librairie Gwalarn de Lannion et au Restaurant des Rochers à Ploumanac’h ? Combien de photos ai-je prises du phare de Mean Ruz, du château de Costaeres où fut écrit le roman « Quo vadis » par l’auteur Henryk Sienkiewicz que je n’ai toujours pas lu ? Combien de fois ai-je photographié l’oratoire de Saint-Guirec où le pauvre religieux se fait piquer le nez plutôt que la ruche par de sadiques épingleuses qui rêvent de trouver mari ? Quelle idée idiote, ces jeux de l’amour et du hasard, quand on sait ce qu’un mari vaut !

Je partage avec le bien-aimé oncle Walrus le privilège d’avoir posé mes fesses sur la plage de Trestel à Trévou-Tréguignec. J’y ai joué du ukulélé rose et du jeu d’échecs électronique chinois sous le regard ébahi ou indifférent des baigneuses et des longe-côteuses qui s’échauffent au soleil en écoutant les ordres du bruyant Valentin, maître-nageur animateur de la séance d’aquagym tonique. Les mamy-boomeuses découvrent là ce qui leur a manqué tout au long des "Trente glorieuses" pour que leur bonheur de snober Greta Thunberg et Adele Van Reeth soit parfait : les aboiements d’un adjudant-chef ! 

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C’est pourquoi je n’ai pas été étonné de voir proposée à notre écriture cette photographie de la guérite de Penvénan à Port-Blanc où le roi des gastronomes belges a certainement dégoté un restaurant de luxe qui n’a rien d’une gargote !

Et c’est là où la boucle se boucle. C’est en posant la voiture à Penvénan qu’on a fini par retrouver la maison de Buguélès qui avait fait l’objet de mon aquarelle.

Entre temps, exactement comme le disait Madame Raymonde à La Flèche la semaine dernière, on s’est pris trente ans dans la gueule ! Je n’ai même pas pu rephotographier la maison, toute masquée qu’elle est maintenant par la végétation qui a poussé devant.

C’est ça le problème, avec les religions : même au paradis, les choses changent tout le temps. C’est pourquoi il faut fabriquer nous-mêmes notre bonheur avec notre regard, nos sensations et les fabuleux trésors du Trégor et d’ailleurs qu’ont conservés notre mémoire et notre propension à accumuler des images et des noms dans notre poussiéreux grenier.

C’est sans doute là une philosophie un peu trop concon pour les concompliqué·e·s de France-Culture mais, comme disaient Bourvil et Laetitia Bonaparte : « Je suis content, je suis content, ça marche ! » et « Pourvou qué ça doure ! ». 

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Le cahier de brouillon de Joe Krapov
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