- Nous ne sommes pas n’importe quelle famille Dupond, cher monsieur Dupont ! Je descends du fameux archiduc Ludovic XXX Dupond, du Gard, dit «le Père trie-arches» qui conçut et fit construire le fameux aqueduc !
- Et moi, cher Monsieur Dupond, il y a dans mes ancêtres Patrick Dupont III dit «le Danseur» qui fit bâtir en Avignon le premier dance-floor en plein air et lança les premiers stages de danse d’endurance !
- Ô mes aïeux ! Parmi les miens il y eut Adeline Dupond d’or dite «la Poule de luxe» qui fut une des maîtresses d’Henri IV de Navarre !
- Que d’artistes aussi, si vous saviez, dans notre dynastie ! Guillaume III Dupont-Mirabeau dit «la Force du stand-by honnête» qui brilla sur la scène et dans son lit mais fut aussi un grand poète malgré son penchant pour les alcools forts.
- Chez nous il y a eu Pierrot XII Dupond, de Nemours, dit «le Clown blanc», dont la voisine battait le briquet !
- Oh le pauvre chien ! J’imagine qu’il n’y avait pas la SPA à l’époque ?
- Et aussi Alma Dupond, dite «l’Alma Donna», la première comique troupière qui égaya par ses tournées les régiments de zouaves et de spahis de nos colonies. Vous connaissez sûrement son plus grand succès : «La main du masseur». A la fin des concerts elle leur lançait sa petite culotte ! Succès garanti !
- En parlant de zouaves, il est temps de parler des militaires ! Oh comme il y en eut, dans notre famille ! Jean XXXVIII Dupont d’Arcole, dit «le Petit stade oral» et Philippe XV Dupont de la rivière KwaÏ dit «le Grand siffleur de bacchanales». Sans oublier Isidore Dupont-Euxin dit «La Cloche alerte» qui s’illustra par ses hauts faits sous Alexandre et sur Fanny.
- Il y en eut tout autant chez nous ! Henri XV Dupond de Tancarville, dit «le Boit comme un trou normand», Louis Dupond CC (deux « c ») dit «le Traverseur», etcetera, etcetera.
- Et des médecins ! Mon arrière-arrière-grand-mère est Ernestine XXXIII Dupont-Cif, dite «la Monacale». Elle fut la première femme-dentiste navigante. Elle posait des bridges sur le Mermoz. Elle était experte dans sa partie et n’a jamais fait aucun mort.
- Mon ancêtre Augustine XXXIII Dupond-Tamousson dite «Dieù Bien Fît»soigna toute l’Indochine française jusqu’en 1954.
- Je ne vous rappellerai pas l’existence des hommes de sainteté dans notre dynastie. Roger Dupont l’évêque, dit « le Coulant » ! Erwan premier Dupont l’abbé dit «le Johnny bigouden du cap Sizun» !
- Chez nous Amand Dupond IX dit «le Né trop tôt» faillit être élu pape en 852 avant Jésus-Christ ! C’est vous dire !
Ils arrêtent d’aligner leur pedigree.
- Et donc… Vous et moi, cher monsieur Dupond, nous allons faire équipe dans cette vénérable institution qu’est la police belge ? C’est fantastique, cette rencontre !
- Et cette ressemblance, surtout ! Dites-moi donc… sans indiscrétion… Quel est votre prénom, cher monsieur Dupont ?
- Je suis Jean 26238 Dupont dit « Ré bémol mineur ». Et vous, cher Monsieur Dupond ?
- Je suis Jean 34221 Dupond, dit « Ré même + ».
- Eh bien, mon cher Jean, je sens que nous allons constituer un duo exceptionnel !
- Je dirai même plus, répondit Ré même +. Un duo exceptionnel !
Monsieur Arthur Rimbaud B.P. 01 au vieux cimetière 08000 Charleville-Mézières
Mon cher Arthur
« J’avais rendez-vous, j’avais rendez-vous… Dis-moi… Après quoi on court ? »
Carrousel
Si comme le chantait jadis Nicoletta « ma vie est un manège » et que « ce manège tourne bien », c’est qu’il tourne en rond ! Pas question pour moi de jouer ces temps-ci les Mary Poppins et d’emmener galoper dans la nature les chevaux de bois du carrousel. Pas question de me trouver mêlé à quelque chasse à courre, j’ai trop peur de devenir le gibier dans ce monde où le trafiquant d’armes et le maffioso de tout poil mènent leur manège au grand jour, ont pignon sur rue.
D’ailleurs mon destin est semblable au tien ! Malgré ton désir de fuite tu t’es finalement retrouvé planté à Charleville-Mais-Hier où tu fais désormais office de chapiteau de cirque, où tu trônes en effigie sur la caisse du carrousel local. De mon côté, en tant que musicien épisodique, pas question de décoller, côté tournées ! A part celles qu’on s’envoie aux bars, bien sûr ! Les dates de concerts ne se bousculent pas au portillon du train fantôme. J’irai juste faire un tour à Tours en juin et sinon je suis condamné à enfourcher un renne à Rennes. A preuve l’excellent gag de l’autre jour.
- Assieds-toi, j’ai reçu un coup de fil pour toi, me dit Marina B., ma préposée au téléphone fixe quand je suis le mardi au club d’échecs ou à l’atelier d’écriture. Une chorale de quinze personnes s’est montée à la Maison de quartier de Villejean. Elle s’appelle la Ritournelle et elle cherche… un guitariste !
Bon, d’accord ! Il faut savoir que j’ai déjà fait le clown là-bas de 1998 à 2008 à faire chanter « La java bleue » et « la Valse brune » à des dames aux cheveux argentés ! Recommencer ? Alors que je me suis remis à jouer aux échecs le mardi après-midi et que ces dames de « La Ritournelle » ont choisi cet horaire-là pour chanter. Choix cornélien ! Sur quel dada vais-je monter ? Dois-je refaire ce que j’ai déjà fait ?
C’est que tu ne connais pas mon bon cœur, mon cher Arthur ! Il sait quand il le veut faire se faire plus sirupeux qu’une musique de limonaire ! Qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour aller fredonner « Les Roses blanches » « Mon amant de Saint-Jean » ou « Le Tango corse » ! Mais bon, tel qu’il est, il me plaît ! Moi en général, les gens de mon voisinage, « tels qu’ils sont ils me plont », comme disent Annie Cordy et Renaud Séchan quand ils chantent ensemble.
Donc le mardi suivant je préviens mes potes d’échiquier que je ne pousserai pas le bois avec eux cet après-midi-là. C’est drôle, là où on joue, ça s’appelle « le Diapason » ! La musique me poursuit partout ! Et je me retrouve comme prévu avec des retraitées en goguette dans la salle Mandoline - ça ne s’invente pas non plus ! -. Après un rapide tour de table et une présentation du musicien à deux balles et de sa guitare à douze cordes on entame la répétition dans un désordre digne de la Yougoslavie autogestionnaire de jadis. Chacune y va de sa suggestion et la cheffe du groupe, c’est-à-dire la personne la plus malléable de la bande, accepte de commencer par « la chanson sur la Vilaine qui est si drôle ».
Chouette, me dis-je in petto. Man, tu vas mettre une nouvelle chanson drôle dans ta guitare !
- Vous la connaissez ? me demande-t-elle en me mettant sous le nez une chanson timbrée qui se chante sur l’air de « En passant par la Lorraine ».
- Si je la connais ? Et comment ! C’est moi qui l’ai écrite !
Et voilà comment on se retrouve embauché pour une autre répète le 13 mars et un concert-karaoké à la maison de retraite voisine le 14 !
- C’est pour quand, l’Olympia ? - Tais-toi et rame, Joe Krapov ! - Mais ce n’est pas un bateau, c’est un avion dans lequel je suis monté !
A part-ça j’ai continué à lire ici et là des bouquins qui parlent de toi.
Rien à redire sur le "Rimbaud le fils" de Pierre Michon. Il est bien écrit, comme du Proust, avec l’avantage que si les phrases sont longues, le bouquin et les chapitres sont courts ! Au bout du conte on n’apprend pas grand-chose de plus.
J’ai laissé tomber les « Quatre saisons à l’hôtel de l’Univers » de Philippe Videlier. Très bien écrit, passionnant même mais c'est en fait un livre-roman-étude historique sur la ville d’Aden. On y narre, au début, quelques horreurs sur ton compte. Que tu envoyas proprement promener ta compagne-concubine-servante abyssine Mariam et surtout que tu empoisonnas un temps les chiens du voisinage qui venaient uriner sur tes sacs de café !
Désolé, mais pour moi tu n’avais pas mérité que l’on te mît au mitard pour cela ! Le café ça doit se boire très fort et ne pas être du pipi de chat. Encore moins de chien. Dans mon Pas-de-Calais natal on appelait la lavasse « chirloute » et le café de ma grand-mère dans lequel la cuillère se tenait droite toute seule tant il était costaud était baptisé « Tortosa ». Si le premier terme est avéré, je n’ai pas trouvé trace du second sur Internet.
Et donc, pour en revenir aux chiens, ce n’était que légitime défense ! Parce qu’il y en a certains, des clebs, dans le genre empoisonneurs d’existence, ils se posent un peu là, non ? Je vais encore me faire des copines avec cette phrase, tiens ! Le fan-club de Jackie Russell , par exemple !
Et enfin, à propos de Charleville et Monthermé, sache que j’ai un mal fou à trouver du temps pour enregistrer « Un clair de lune à Maubeuge » en vue de coller ce morceau sur mes photos de « ma croisière sur la Meuse » ! Peut-être vais-je confier cette ritournelle à la Ritournelle – quand ces dames auront fini de me réclamer du Michel Sardou, du Chimène Badi et du Florent Pagny - ! Ah la la ! Savoir aimer, c’est dur ! Mais je prêche un convaincu !
En attendant comme elles m’ont un peu massacré « Je ne regrette rien », je n’ai plus aucun scrupule à faire un mauvais sort à « Mon manège à moi » pour aligner mes photos de carrousels !
Dors en paix, camarade Arthur, empereur posthume du pays de Poésie ! Sans le savoir, tu as décroché le pompon et tu continues à jamais, à cause de fous dans mon genre, à faire des tours gratuits dans la nuit pleine de ducasses de l’Internet en folie !
Chaque fois qu’elle revient à Rennes-en-Délires, la toujours pétulante Isaure Chassériau va saluer rue de Dinan son oncle Camille Cinq-Sens. L’oncle Camille tient, en face de l’église du vieux Saint-Etienne transformée en théâtre, un bistrot à l’ancienne baptisé « Au Vieux Saint-Etienne ».
Autrefois, en des temps hélas révolus, on pouvait lire sur la vitrine quelque chose comme « Ici on peut apporter son manger » mais les temps sont devenus durs et depuis que l’oncle a épousé la belle Agata aux talents culinaires si incontestables qu’ils sont mesurables à l’embonpoint du patron, le bistrot fait restaurant et on ne peut plus apporter que son franc-parler, son goût de la rigolade et ses cris du cœur.
Le cœur n’apparaît pas que dans les cartes des joueurs de belote qui viennent là taper le carton l’après-midi. Lorsque la nuit est tombée ou le matin, avant que le café n’ouvre, quand les volets sont fermés, on en voit quatre qui sont percés en haut des panneaux de bois.
Même si la rue semble déserte il vient beaucoup de monde dans ce café : le public et les artistes du théâtre situé en face, les gens du quartier, les Rennais qui font leur marché sur la place des Lices le samedi. Car la rue de Dinan prend naissance au bas de celle-ci, dans le prolongement de la rue de Juillet. Le mardi après-midi, maintenant, il y a Joe Krapov et ses potes qui viennent pousser du bois sur leurs jeux d’échecs Kasparov sans lettres ni chiffres sur le côté ! On ne sait pas comment ils font mais ils ont beau être huit inscrits ils sont toujours en nombre impair pour jouer et le dernier arrivé est obligé dekib(b)itzer. Ce jour-là, ça carbure en silence, chez Camille. Et pas qu’un peu.
Parfois l’après-midi, aux heures creuses, Camille vient s’asseoir avec ses vieux potes Jacques-Henri Casanova et Jean-Emile Rabatjoie. Ils ont tous les trois des ciseaux et découpent des vieux numéros de Télérama « le journal qui ne jure plus que par Harvey Weinstein pour pouvoir parler de sexe à tous les étages et même sur la couverture». De ces découpages collectifs, Jean-Emile réalisera ensuite des collages surréalistes qui n’ont rien à envier à ceux de Jacques Prévert qui est leur maître à panser les plaies de l’existence. Encore que ces trois-là n’ont rien de grand blessés : ils se marrent tout le temps. Et pas qu’un peu !
Sauf aujourd’hui où, après avoir embrassé Isaure, Camille est obligé de répondre à la question « Et à part ça, la santé ? ».
- Ah ! Ne m’en parle pas ! Les médecins me font chier ! Et pas qu’un peu ! Tu veux que je te raconte la dernière ?
- Peut-être pas, Camille, intervient tante Agathe, on va bientôt passer à table !
- Si, si ! Raconte, Camille ! protestent Petitprince et Lemouton, les techniciens régie de l’église-théâtre d’en face. Tu es inénarrable quand tu narres !
- Rigolez, rigolez, les jeunes ! Un jour ça vous arrivera aussi, même si vous n’êtes pas malades ! Et d’ailleurs, pour répondre à Isaure, je suis en parfaite santé ! Simplement, comme tout le monde, j’ai l’ADECI au cul !
- C’est quoi ? Un genre d’hémorroïdes ?
- Pire que ça ! Une secte de dingues du principe de précaution ! Dès que tu as cinquante piges ils te sautent dessus ! Ils t’emmerdent tous les deux ans en t’envoyant un courrier pour que tu participes à leur jeu-concours de merde !
- Sois moins grossier, mon oncle ! Tu sembles bien énervé aujourd’hui ! Et pas qu’un peu !
- Il y a de quoi ! Non seulement je perds toujours à leur jeu à la con mais en plus cette année j’ai été disqualifié ! Et c’était même pas de ma faute !
- Tu ne m’as toujours pas dit ce que c’était que ton… « indécis » ?
- ADECI ! abrège Agata. C’est pour pister le cancer du colon !
- Et ça marche aussi pour le lieutenant et le sergent-chef ! plaisante Lemouton.
- C’est simple, explique Camille. Enfin non, c’est hyper compliqué. Il faut tu ailles aux toilettes et que tu colles une espèce d’origami sur la lunette. Ensuite tu fais ta grosse commission mais tu ne dois pas mélanger ton pipi et ton caca ni déchirer le papier ni faire tomber ta crotte dans le trou. Quand tu as terminé tu prends la pince à tiercé qui est dans le tube du kit.
- ???
- Tu prélèves dans ton étron, à trois endroits différents, à l’aide de la tige verte, de quoi recouvrir la partie striée. Puis tu remets la tige dans le tube que tu secoues énergiquement.
- Aller aux toilettes pour se secouer la tige, ça n’a rien de l’amour sorcier, en même temps ! commente Agata qui, de temps en temps, – elle est native de Bogota - a des saillies involontaires du fait de sa maîtrise plus ou moins colorée de notre langue. Après reste plus qu’à coller les étiquettes et renvoyer.
- Sans oublier de décoller l’origami et de le vider sans s’en mettre plein les doigts !
- On dirait un rituel de l’église scatologique, ton truc, ajoute Petitprince. C’est qu’un mauvais moment à passer, pourquoi ça te rend vert ?
- Avant ils t’envoyaient le matos pour jouer. Maintenant tu dois aller le chercher chez ton médecin maltraitant. Et regarde le résultat !
L’oncle se retourne et prend parmi les cartes postales accrochées derrière son bar un courrier d’un laboratoire de biologie.
- J’ai été éliminé à cause d’un problème de gestion de stock ! Les touillettes du toubib étaient périmées ! Et pas qu’un peu !
Tout le monde, à l’exception du taulier, est hilare dans le bistrot.
- Alors t’as dû recommencer ?
- Oui mais cette fois je n’avais plus les étiquettes autocollantes du courrier d’invitation. J’ai dû réécrire tous les renseignements à la main sur leur fiche à la con et même sur le tube. Est-ce que je le connais, moi l’organisme de rattachement du médecin traitant ? J’ai laissé la case vide. Si ça se trouve ils vont me disqualifier encore une fois à cause de ça. Le pire c’est que j’ai retrouvé la feuille avec les codes à barre après avoir renvoyé le tout.
- Des codes à bar pour un patron de bistrot, c’est indiqué, non ? en remet une couche Lemouton.
- Je ne sais vraiment pas pourquoi j’y joue encore à leur jeu, je ne gagne jamais ! Ca fait dix ans qu’ils me répondent «résultats négatif» d'un air désolé !
- Oncle Camille, réfléchis ! Il vaut mieux qu’ils ne trouvent rien, tu ne crois pas ? Avoir un cancer, ce n’est pas très drôle !
- En attendant c’est chiant, leur truc. Et pas qu’un peu !
- En même temps, comme on dit maintenant, tu m’as bien cassé mon coup ! ajoute Isaure. Je vous avais amené des cadeaux à la tante et à toi, mais je ne vais pas pouvoir vous les offrir.
- C’est gentil, chère Isaure, remercie Agata. Je suis prendeuse quand même. Ne tiens pas compte des bêtises de ton oncle. On les a déjà oubliées.
Isaure sort alors deux paquets de son grand sac à main rose. Le premier, plus petit, est pour l’oncle. Camille déchire le papier cadeau et découvre le DVD de la saison 3 de « La minute vieille ».
- Trop bien ! apprécie-t-il. Trop bien vu, ça va me plaire ! C’est la seule émission que je trouve regardable sur Arte !
Lorsque Agata déchire le sien tout le monde éclate de rire et pas qu’un peu dans le bistrot : ce sont des crottes en chocolat !
Qui dira les ébats Du zébu Sur les bords du Zambèze ?
Qu’il danse la samba, Ayant bu, Ou bien la javanaise,
Le mambo, la cumbia, Le gumbé (très pointu !) La polka lorientaise,
Qu’il essaie la rumba, Fort imbu, Il n’est jamais à l’aise.
Et pourtant, ce gars-là, Comme il bosse Pour devenir le roi De la soirée de gala Du dancing Macumba !
Ecoute-moi, zébu ! Petit conseil d’ami Pour concours d’élégance Transmis depuis la France :
Mets de l’eau dans ton vin ! Prends un air moins bovin ! Pour devenir the boss Des dance-floors poitevins Mets ta bosse au rebut, Bouge un peu plus ton cul !
Et puis, par Belzébuth, Pour une allure altière, Pense donc à mettre un fute Par-dessus tes glaouis Et à laisser tes cornes Au vestiaire : C’est gratuit !
Y danse-t-i la lambada Au son d’un vieux gramophone ? Y fait-y le saltimbanque Sur des rythmes de syncope Balancés au saxophone ? Y suit-y cure de jouvence En écoutant du vieux rock Avec des noctambules nazes Qui cherchent un poil d’extase ?
Y mange-t-i l’yéti ?
C‘est y un jobastre qui Hante les wagons-restaurants ? Un goinfre qui se nourrit De witloofs au kangourou, De sauterelles xylophages Et de nouilles au lipizzan (Mon royaume pour un cheval ! Mon droit d’aînesse pour des lasagnes !) En buvant du xérès d’antan ?
Ouksétikilé l’yéti ?
C’est y un thuriféraire De très sainte-Ubiquité Caché de manière fortiche Dans le un vertical d’un poème acrostiche ?
Le vois-tu au téléscope Ou dans ton kaléidoscope ? Y’est-y gravé sur l’obélisque ? Y’est-y tatoué sur l’odalisque ? Caché dans les rhododendrons ? Planqué derrière un paravent Pour préparer des maléfices ?
Y s’chass’-t-i l’yéti ?
Yaka prendre quinze fusils Ou bien quatre-vingts chasseurs Ne pas craindre dans la nuit De pister cette fripouille Dans les montagnes des Pouilles D’être taxé d’ostracisme Envers les Himalayens…
- Tartarins, mes camarades ! Cessez vos rodomontades ! Ecoutez l’iconoclaste Prompt aux procrastinations !
Ce yéti n’est rien qu’un mythe Inventé après une cuite Par un Bhoutan-train ironique Pour le plus grand bonheur de nos zygomatiques
Rien ne glossaire de courir Dans la neige, d’y souffrir, D’y bleuir et d’y mourir ! Il vaut mieux choisir d’en rire !
Après un début Ponziani bien timide on aboutit à une position quasi égale et bien fermée des deux côtés. J'ai terminé ma partie et suivi celle-ci au moment où tout explose grâce à une attaque des tours noires sur la colonne h. Les blancs auraient pu mieux résister mais avec des si on mettrait Lutèce en amphores !
En atteste ce poème retrouvé récemment et publié dans le numéro 1 de janvier 2018 de la revue "Rions un peu avec Rimbaud !" (Rennes : Editions du Petit port et de la Haute-Folie) :
"Paul est toujours entre deux vins, Entre Xérès et Saint-Pourçain, Offrant les délicieux bouquets que voici, De fruits, de fleurs, de feuilles, de branches, Entre Nuits-Saint-Georges et pitanche, Affrontant son dragon et sa grise souris.
Nous allons de Paris à Londres via Bruxelles Pleins d’effervescence et gaîté Entre Corbières et Châteaugay.
Notre verbe est subtil et de grand richesse Intense, aromatique, avec beaucoup de corps Entre Pécharmant et Cahors.
Rude, mais généreux, Bien qu’encore un peu vert et promettant beaucoup, Notre aspect d’hommes jeunes et quelque peu artistes Plaît ou déplaît surtout Entre Petit Chablis et Cabernet d’Anjou.
Bien sûr que nos plaisanteries Manquent quelque peu de finesse ! C’est que c’est difficile d’être bien rond et souple D’avoir un parfum floral prononcé Entre Romanée-Saint-Vivant et Valençay.
Mais notre couple est bien équilibré Et présente beaucoup de caractère - D’autres diraient plutôt «spécial» - Entre Côte-Rotie et Jurançon l’Etoile.
Seulement quand le vin a été tiré Et la balle aussi, Quand il a fallu boire le calice jusqu’à la lie Entre Clos-Vougeot et Reuilly Les juges ont considéré - Pauvre Lélian Entre Hermitage et Frontignan ! – Qu’il mériterait d’être laissé En cave pendant au moins trois ans.
C’est vrai tout ce qu’on a pu dire De moi : Que j’étais sensuel et charmeur Avec un goût de terroir très prononcé Entre Chambertin-Clos-de-Bèze et Touraine-Noble-Joué.
Sans doute que le charme me viendra en vieillissant Entre Pouilly-Fuissé et vieux Châteaumeillan.
J’aurai un délicieux arrière-goût de fumée Je deviendrai quelqu’un de grande classe, Très recherché Entre Chablis Grand Cru et Bâtard-Montrachet !
Joliment charpenté et souple, Vigoureux et bien membré, Entre Moulin à vent et bon Clos-des-Lambrays.
***
Paul est toujours entre deux vins, Entre Xérès et Saint-Pourçain.
Un soupçon d’acidité s’est glissé dans nos verres.
Ô pourriture noble ! Ô destin du vignoble !
Tout s’est terminé dans un trouble intense Entre Gigondas et Baux-de-Provence" !
P.S. 1 On trouve ici (Rimbaud invisible sur deux photos, par David Ducoffre) un lien plus fort encore (?) entre Rimbaud et le Xérès : « Non, Rimbaud n’a pas dégusté, « sous les vérandas de l’Hôtel Suel », de « cette glace pilée, mélangée de Xérès, d’alcool, de citron et de cannelle, qui constitue le Sherry gobler [sic pour « cobbler »] et qui est la boisson préférée de l’Européen dans toute la zone torride » selon les dires d’Edmond Courtois dans ses souvenirs de voyage au Tonkin parus en 1890 ».
P.S. 2 Les illustrations de ce billet sont tirées de "Parler en vin" de Ronald Searle.