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Le cahier de brouillon de Joe Krapov

18 mars 2012

Un (autre) timbré ?

Timbre Joe Krapov

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16 mars 2012

Une prétérition pour un rendu nul (Joe Krapov)

Plutôt que de vous livrer ceci...


Y avot ben des années que, ed Cambrai, tout ce qui n’étot pas euch cinéma et cheul comédie d’min couquer n’existot pus pour mi, quand un jour eud l’hiver, comme euj rintros à l’mason, eum mère, véyant qu’ j’avos fro, a’m’proposa eud prinde, contre em’n habitude, un tchio peu d’café. J’y dis non tout d’abord et pis, jé n’ sais nin pourquoi, jé m’ ravisos. Elle alla quer eune tartine avec du burre et du Maroilles eudzeur. Et ch’est là que, machinalemint, tout mat d’avoir traîné m’corée tout l’journée et in m’dijant qué d’main cha s’rot tout parèl, euj porto à m’bouc eune goutte eud jus d’ù qu ch’est qu’j’avos laissé ramollir un morceau dé m’tartine eud Maroilles. Mais à l’instant même d’ù qu’ min gorgeon d’chirloute mélingé à un morciau d’cheul tartine ed ’fromache i’ toucho min palais, euj berloquos su’m cayelle et pis j’sintis qu’i s’ passot quétcose d’extraordinaire in mi. Ej me sintos fin bien, là, tout seul ed’vint min berlafache, sins que j’sache trop pourquo.


120304 011... ou cela... 


« Tous les paradis sont à perdre,
Tous les paradis sont perdus.
- Marcel Proust ? Moi je lui dis « Merdre ! »
A décrété le père Ubu »


... j’ai préféré ne pas participer au Défi du samedi n° 185. Je n'avais pas envie de froisser les adorateurs et adoratrices du petit Marcel qui pourraient se trouver parmi vous.

- C'est raté, Joe Krapov !

- Comment ça ? Qu'est-ce qu'il fout là mon texte ? Pourquoi il est publié ?

- T'es tellement un homme d'habitude qu'hier soir à 20 h 48, pendant que tu nettoyais ta madeleine, le coup est parti tout seul : t'as posté !

- Ah ben ça, c'est trop fort ! Proust, alors !


10 mars 2012

LES CHAISES : PIECE EN UN ACTE POUR DEUX IONESCOGRIFFES par Joe Krapov

MIC 2012 03 05 chaises
Le premier type à la masse arrive. Il s'appelle Loreille, il est mince comme un clou. 
Le deuxième type à la masse le rejoint sur la scène, il s'appelle Lardu, il est beaucoup plus large d'épaules (et même de l'équateur). Lui est complètement marteau.

Ils déposent leurs masses, s'emparent des fauteuils et les disposent face au public. Puis ils se laissent tomber dedans de toute leur masse.

MIC 2012 03 05 masse

LOREILLE – Soit un monarquebuse dans un désarroyaume moyen-âgeuxnouillé où sévit un tyrannosauredure.

LARDU – Cet animalélevé se nourripaille de brebiscéphales et pour cela il rançocissonne les Robergers du coin sans que les autoritétanisées n'y roploplopposent grande résistance.

LOREILLE – Arrive le jour où l'Harpadragon devient plus intransexigeant et réclame de la progéninourriture. Les boules, tu vas voir ! Ca va devenir bêtàcornélien !

LARDU – Justement, en parlant de boules, on fait tourner celles du trémoloto pour savoir quel joujouvenceau ou quelle àdadamoiselle sera transformée en gigotetMillau et livrée aux appétyranniques du batramilicien outrecuidanseur.

LOREILLE – Patatras ! Le premier sacrifille sera celui de la princesse ! On l'apprête, on lui met une couronne de fleurs d'orangerdesvoitures, une robe de mavariée, on l'attache au rocher.

LARDU – Là-dessus arrive un chevafouàlier. Il s'appelle Georges de Lydda, il a un décimeterrifiant et avant de partir à l'assauterie il monnaie sa prestadigitation.

MIC 2012 03 05 st-georgesLOREILLE – Il met cette abscondition à son intermoulinàvention : quinze mille hommes seront adoubénis et Rubiconvertis à la religion que soutient Georges qui a à cœur de multiplier les croisés.

LARDU – Alorigami, il monte sur son chevaleureux caparacanasson, prend son élan et il file un coup de lancyolitique à l'Elliott nénesse du marésaccage. Surprise par cet assauvage, la bête cède puis bientôt trucidécède.

LOREILLE – Georges libère la princesse mais comme elle n'est pas du tout son genre, il repart vers de nouvelles avenforfaitures. Il sera arrêté plus tard, finira carbocanonisé et rejoindra la liste des nombreux zigomartyrs dont les noms sont inscrits dans le calendrier.

LARDU – Voilà, c'est fini.

LOREILLE - On traduit les mots-valises pour le public ?

LARDU – Ah non ! Je suis trop à la masse ! De toute façon, ces mots-là font partie des paroles qu'on ne devrait servir qu'une fois !

LOREILLE – Ah bon ? Pourquoi ?

LARDU – Tu sais ce qu'ils en feront les petits Bretons de tes traductions ? Il les Breizhoùblieront tout aussitôt !

LOREILLE – Bon, alors, du coup, qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

LARDU – On lève le siège ! (Il se lève, prend le fauteuil, le retourne et le pose sur sa tête. Puis il prend sa masse. Loreille fait la même chose.).

LOREILLE – Où on va, maintenant ?

LARDU – On va au restaurant de l'oncle Camille. J'ai faim. Au menu aujourd'hui il y a Chateaubriand aux pommes frites.

LOREILLE – Miam !

(Ils sortent)


RIDEAU

 MIC 2012 03 05 masse

N.B. Ceci constitue le chapitre 6 (Mots-valises) de "99 dragons : exercices de style"

9 mars 2012

Saint Georges et le dragon (Joe Krapov et Mademoiselle Zell)

Ce n'est sans doute pas une pépite mais cet objet-là, complètement hors normes, complètement unique, est si rare qu'il n'en existe qu'un seul exemplaire. Qui plus est, si vous ne l'enregistrez pas sur votre disque dur, il s'autodétruira dans trente jours !

Quant à savoir pourquoi il m'est si cher, pourquoi il n'a pas de prix à mes yeux, eh bien, sachez-le, c'est très... privé ! Disons que c'est aussi une histoire de roi et de princesse !

Pour télécharger et lire ce "zibouque", cliquez sur l'image ci-dessous

120301 009

 http://dl.free.fr/nSZBRxxXm

2 mars 2012

99 Dragons : exercices de style (Joe Krapov)

ACTE 1 SCENE 1

La scène représente une auberge à Silène en Libye en 300 après Jésus-Christ. Pierre, Bertrand et Jehan sont assis et consomment à une table tandis que l’aubergiste essuie les verres au fond du café en sifflant un air d’Edith Piaf. Entre Boucicaut, en larmes, coiffé d’un képi de légionnaire et sentant bon le sable chaud.

 

Bertrand – Hola, tavernier ! Mettez donc une cervoise de plus pour notre ami Boucicaut !

Boucicaut – Eh bien ça y est mes amis ! Nous voilà débarrassés du dragon ! Mais quand même ! Quand j’y repense ! (Il s’assied et se met à sangloter)

Pierre – Eh quoi, Boucicaut… Tu sembles bien regretter quelque chose !

Jehan – Peut-être bien qu’il est déçu par la tête du vainqueur du monstre. Ou surtout par le fait qu’il s’agit d’un étranger !

Bertrand – C’est vrai, ça la fiche mal qu’on n’ait pas été foutus, à nous tous, de conjurer le sort qui nous avait été jeté.

Boucicaut – Quand même … Bou ouh ouh !

DDS 183 Saint-Georges 3Jehan – J’aurais bien voulu t’y voir, toi, face à cette bestiole infernale ! Tous ceux qui s’en sont approchés pour l’affronter sont tombés inanimés, intoxiqués à cause de son haleine pestilentielle. Des monstres qui crachent des flammes, qui ont des griffes pointues, douze têtes qui repoussent une fois qu’on les a coupées, ça, moi, Môssieu, je te les estourbis en cinq secs quand tu veux. Mais qu’est-ce que tu veux faire contre un dragon qui empeste le Munster avancé et le fromage corse des maquis reculés ?

Pierre – C’est vrai que terrasser le dragon et dragouiller en terrasse, ce n’est pas la même chose ! N’empêche, l’étranger, lui, il a réussi !

Bertrand – Moi je dis qu’il a triché pour pouvoir épouser la fille du roi !

Boucicaut – Quand même ! Quand je repense à elle ! Bouh ouh ouh !

Jehan – Triché ? Comment ça !

Bertrand – Oui, il a triché, le Georges de Lydda dirladada ! D’abord son épée n’était pas de taille réglementaire ! Et puis ce signe, là, qu’il a fait. Si ce n’est pas de la magie noire, qu’est-ce que c’est ?

Jehan – C’est un signe de croix, idiot ! Et tu as intérêt à t’y habituer maintenant parce que tu vas le voir faire. Plus souvent ! pas qu’un peu !

Pierre – Magie noire, magie blanche…En tout cas, l’étranger, il nous en a débarrassés, de l’oppresseur.  On allait se retrouver sur la paille à lui  refourguer toutes nos brebis, nos agneaux, nos bestiaux et voilà qu’il exigeait nos enfants. Heureusement le sort est tombé sur la fille du roi.

Bertrand – En même temps, nos mouflets, pour la vie qu’on leur fait ! Autant qu’ils finissent là, au chaud !

Boucicaut – Bouh ! Ouh ! Ouh !

Pierre – Holà, tavernier ! Donne-lui tout de même à boire ! Et amène-nous la piste de 421 et les dés. On joue quelques sols, messeigneurs ?

Jehan – Ah non, Pierre ! C’est interdit, ça désormais !

Pierre – Comment ça, c’est interdit ?

Bertrand – Oublierais-tu que nous avons tous été baptisés avant le combat ? Nous nous sommes convertis à la religion des Chrétiens. Et celle-ci interdit les jeux d’argent.

DDS183giogiodechirico-saint-georgesPierre – On va quand même pas miser des haricots ? Maman m’a toujours interdit de jouer avec la nourriture. Il nous emmerde, ce Georges ! Ah ben zut alors mais  tu me la copieras, celle-là ! Les étrangers, quand ils sont plus de trois, déjà, ça me donne des boutons mais alors celui-là, à lui tout seul, bonjour les dégâts ! Tout ça pour que Dgeorges épouse la princesse au petit pois dans la tête, c’est trop fort.

Jehan – Il ne l’épousera pas.

Pierre – Ah bon ? Il va juste lui faire son affaire et se tirer ? Et le roi a accepté ça ?


Bertrand – Il est déjà reparti, le Georges. Il veut mourir au combat, tout seul face à l’artillerie, j’ai pas trop compris. Il veut se faire « canoniser », qu’il disait !

Boucicaut, redoublant de larmes - Cette pauvre Blanchette !

 (On entend au dehors les cloches qui sonnent.)

 Pierre – Qu’est-ce que c’est que ce boucan-là ?

Jehan – Ce sont les cloches. Il faut qu’on arrête tout et qu’on aille à la messe.

Pierre – A la quoi ?

Bertrand – A la messe. Viens, tu verras ! C’est un truc en latin, y’a un gazier qui cause, on y comprend rien, on chante, on se lève, on se rassied, c’est très reposant au total !

Pierre – Et… on est obligés d’y aller ?

Jehan – Eh ben ouais ! On a promis ! Maintenant qu’on est baptisés, faut tout faire comme eux !

(Ils se lèvent tous sauf Boucicaut toujours noyé dans son chagrin.)

Bertrand – Tu viens, Boucicaut ?

Boucicaut – Cette pauvre Blanchette ! Si seulement ce con était venu deux jours plus tôt, elle serait encore en vie !

(Et il reste effondré sur le guéridon de la taverne à pleurnicher de plus belle.)

Pierre : Qu’est-ce qu’il a avec sa Blanchette ? C’est sa fille ? Le dragon la lui a bouffée ? Ou alors sa femme ? Mais je ne savais pas qu’il était marié !

Jehan – C’est sa chèvre !

(Ils sortent.)

 

SCENE 2

 

Roger (c’est le comédien qui interpréte Boucicaut. Il relève la tête et s’adresse à Thierry, le metteur en scène qui est assis dans la salle) – Je ne comprends vraiment rien de rien à ton concept de mise en scène ! Pourquoi est-ce que je porte un képi, d’abord ? Ca se déroule en 300 après Jésus-Christ !

Thierry – Roger, tu es un légionnaire romain qui a déserté !

Roger – En emportant le képi ?

Thierry – Le personnage est un grand sentimental, au cas où tu n’aurais pas remarqué !

Roger – Mais c’est complètement anachronique ! Les Romains portaient des casques à l’époque ! Et ce décor de machines à coudre et de phonographes, typiquement années 1950, qu’est-ce que ça vient faire là ?

Thierry – Roger ? Tu te rappelles le titre de la pièce ?

Roger – « 99 dragons, exercices de style ». Ca a à voir ?

Thierry – Ca a à voir ! Les exercices de style, c’est un livre de Raymond Queneau, un auteur qui a eu son heure de gloire au siècle dernier. Comme toi . Sauf que lui il est mort et que toi tu joues les prolongations ! L’auteur de cette pièce-ci a entrepris d’écrire 99 versions de la légende de Saint-Georges tuant le dragon en reprenant la formule de Queneau, une même histoire racontée de 99 manières différentes.

Roger – Mais alors… Pourquoi les personnages portent-ils les prénoms des compagnons de Thierry la Fronde ?

Thierry – Bon, tu nous fais perdre du temps. Va rejoindre les autres et appelle Judas pour la scène 2

 Roger sort

 Thierry, à part – Lui, quand il a commencé à jouer au théâtre, les décors étaient de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell ! Et je commence à comprendre pourquoi il n’a jamais été ne serait-ce que nominé au Molière des lumières !

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1 mars 2012

MON AMANT DE SAINTE-GENEVIEVE par Joe Krapov

Avant de partir à son rendez-vous, Henri est passé dans l'atelier où son épouse Camille met la main à sa dernière sculpture : une caricature en pied d'une femme écrivain quelque peu extravagante.

- Merde, monsieur Labrouste !
- Merci, ma chérie. Ca n'est jamais gagné d'avance et c'est toujours très éprouvant de passer une telle épreuve après tout ce travail accompli.
Il l'embrasse et sort.

***

- La poutrelle de fer monte à l'assaut du ciel et symbolise l'aspiration humaine à s'élever par la connaissance, par le regard qu'on pose autour de soi pour s'inspirer de ceux qui nous ont précédés. C'est pourquoi les livres sont disposés tout autour de la salle. A l'exception des lampes, d'un joli vert opaline, vous avez remarqué ?...

MIC 2012 02 27 Salle_de_lecture_Bibliotheque_Sainte-Genevieve_n01

Est-ce bien la peine, Henri, se demande-t-il, de faire du gringue à ces deux dames à l'air revêche ? Tu sens bien que depuis le début de ta prestation quelque chose cloche et pas seulement leurs chapeaux ! Elles ont l'air de tiquer sur quelque chose, mais quoi ? Peut-être la décision définitive du choix de l'architecte sera-t-elle prise par les deux représentants de sexe masculin de ce jury très sérieux. Le petit rondouillard a l'air d'être le Président de l'Université, celui qui tient les finances dans la bande.

-... les tables sont présentées nues. On peut y asseoir seize étudiants de chaque côté. Un esprit de saine émulation devrait naître de ces côtoiements de futurs savants de toutes disciplines. La lumière entre dans la salle par des verrières latérales en forme de demi-lunes. Maintenant je vais vous présenter le plan en coupe de la salle des catalogues que j'ai installé dans une crypte au sous-sol de cette bibliothèque.
- Pas la peine, monsieur Labrouste. Votre conception du bâtiment ne conviendra pas à nos étudiants.
- Pourtant, le plan de circulation, le bureau des bibliothécaires...
- C'est très bien, nous n'en disconvenons pas mais ce que vous nous présentez là n'est pas un learning center.
- Un... quoi ?
- Un learning center. C'est un concept un peu nouveau. Il n'y a pas d'équivalent en français mais c'est ce type de lieu que nous cherchons à mettre en place. Non pas une bibliothèque mais un lieu de vie. L'équipement doit être fonctionnel et stimulant, évolutif et de qualité. Il y a un travail à mener sur les 3 C : Competence, Commitment and Confidence. L'essentiel du projet tient dans la diversité des missions que l'on se donne (orientation, échanges internationaux, insertion professionnelle, pédagogie, détente, petite restauration, etc.).
- La documentation est électronique, immatérielle, les cours sont donnés en non-présentiel. Le papier disparaît. Vous connaissez les tablettes ?
- Celles sur lesquelles on a découvert l'écriture cunéiforme ?
- Non, les tablettes numériques, les liseuses. Des bornes wifi suffisent désormais, des salles d'immersion pour recevoir les cours dispensés à distance.
- Le learning center doit permettre aux étudiants de se restaurer, de se reposer, de se défouler or il n'y a aucun couloir à glissades dans votre projet. Pas de distributeur de barres chocolatées ou de croissants au beurre. Rien n'est prévu pour l'achat de boissons gazeuses ou de café.
- Mais... les taches sur les manuscrits précieux..., bredouille l'architecte désarçonné.

Il lui semble que ce nouveau discours dans une autre langue que la sienne est en train de détruire tout ce qu'il s'apprêtait à faire !

- Aucune télé ! Pas même un baby foot ! Pas de stands d'information ni de salle pour des animations ponctuelles. Pas de fumoir !
- Mais... fumer est interdit dans les lieux publics !
- Comme il n'y a plus de livres, il n'y a plus de risques d'incendies ! On peut bien laisser les étudiants fumer ! ca ne gêne personne qu'eux-mêmes.
- Mais... le personnel...
- Il y a peu de personnel dans un learning center. Comme il n'y a plus de collections, il n'y a plus rien à voler. Plus d'encyclopédies à découper !
- Mais alors, vous, mesdames, qu'allez-vous devenir dans ce contexte ? N'êtes-vous pas en train de scier la branche sur laquelle vous êtes assises ?
- Nous, on fera comme aujourd'hui. On leur dira où sont les toilettes et on leur expliquera que le l'Ascension ou le 1er mai sont des jours fériés et donc, non, le learning center n'est pas ouvert ce jour-là.
- Encore que la notion de fête religieuse, elle non plus, d'ici peu, n'aura plus beaucoup de sens !
- Par contre, la localisation des toilettes, il faut toujours y revenir. C'est un fondemental. Pardon, un fondamental.
- Vous pouvez remballer vos documents, monsieur Labrouste. Nous allons recevoir le candidat suivant.
- Attendez, mesdames, messieurs, je viens de comprendre. J'ai autre chose à vous proposer...
- Quoi donc ?

***

- Alors, chéri, ta journée s'est bien passée ?, demande Camille
- Holala ! Si tu savais comme c'était mal parti, mon amour ! Heureusement, grâce à toi, j'ai eu l'idée du siècle !
- Allons bon ! Raconte-moi cela !
- C'est terrible, Camille comme le temps détruit tout ce qui est fait. Nos savoirs, nos conceptions, nos perceptions, nos mœurs. J'ai dû tout jeter aux orties et tout changer ! Le savais-tu, toi qu'une bibliothèque, maintenant, cela doit être comme un complexe cinématographique du genre du Gaumont où l'on te vend des pop-corns, des sodas, des esquimaux, des cochonneries, tout ce que tu veux et même, accessoirement, des billets de cinéma ?
- Tu sais moi, plus rien ne m'étonne aujourd'hui !
- On appelle ça un learning center. Eh bien je viens d'en créer un ex nihilo ! En une après-midi. Il m'a suffi de sortir toutes mes tables, mes chaises et mes livres de ma bibliothèque !
- Par quoi les as-tu remplacés ?
- Par rien ! J'en ai fait un hall de gare vide avec des poufs à billes partout et 4 cabines téléphoniques anglaises.
- Des cabines téléphoniques ? A l'heure du portable ?
- Elles sont vides mes cabines. Elles servent aux quelques derniers étudiants pudiques ou aux espions chinois qui téléchargent comme des bêtes sur les campus français. Ils viendront s'y enfermer avec leur portable quand ils voudront éviter qu'on entende leur conversation. Mais le mieux, c'est la crypte, le sous-sol !
- Tu n'y mets plus les catalogues ?
- Non ! J'y mets des lits d'hôpital et des lits clos bretons à deux ou quatre places. Et le clou de la fête, celui qui va te faire profiter de l'aubaine : je t'achète ton Amélie. Ta dernière sculpture, celle avec le chapeau.
- Que vas-tu en faire, d'Amélie Nothomb !
- Une dame pipi virtuelle, juste à l'entrée des toilettes ! Alors ça, ça leur a plu aux deux types ! Que je supprime le dernier poste de personnel dans ce learning center ! Tu aurais vu la stupeur et les tremblements des deux autres nanas !
- C'est dommage quand même, je l'aimais bien cette image de bibliothèque !
- Allez chérie, apprends à dire « learning center ». Les bibliothèques, c'est comme dans la chanson « Mon amant de Sainte-Geneviève » : c'est du passé, n'en parlons plus !

MIC 2012 02 27 nothomb

(photo AFP)

24 février 2012

Nul ne part à l’assaut du ciel s’il risque des fesses mouillées (Joe Krapov)

DDS 182 balançoire enneigée sous verreUn blanc caftan de neige a couvert le jardin,

Brisant dans son élan l’énergie écolière :

Pas de car, pas d’école et la maman, geôlière,

Doit supporter les cris de son petit gredin.

 


C’est Noël ! Il a hâte, la mauvaise graine,

D’aller geler son linge au frais de la glacière,

D’être roi des Lapons, d’emplir sa gibecière

De cristaux et de cabrioles dans l’arène.


 

- Mange tes céréales avant de t’en allerDDS 182 balançoire enneigée

Brûler tes calories, criailler comme un geai,

Sur cet écran trop blanc accomplir ton carnage ! ».


 

Pas, bonhomme, glissade au milieu des allées…

Seul trésor épargné par le petit sauvage :

La balançoire, encore un peu immaculée.

22 février 2012

Elégie à Nina la licorne

120212 002- Ayez donc l'obligeance, ma petite reine, au sortir de votre baignoire, d'enfiler vos plus chauds lainages : bas épais, pull angora et, par-dessus, votre caban. Ce n'est pas le moment d'attraper une angine. Après la cène du matin – vous y absorberez moult céréales, bananes ou oranges, on a besoin de calories lorsque l'on a votre énergie, – vous irez chasser le garenne avec le barine Sergeï. La neige a recouvert encore l'arène de vos cabrioles. Vous tâcherez, mon ange, de rester bien droite, bien agencée sur vos cannes en jouant aux jeux de votre âge au grand air. Et remplissez bien la gibecière !

- Pourrai-je faire quelques âneries pour épater la galerie, Nina Stepanovna ?demanda la petite princesse.

- Pour aujourd'hui, oui, mais je vous en prie ne hurlez plus votre rengaine de l'araignée Gipsy qui monte à la gouttière, cela porte sur les nerfs de Sa Majesté la tsarine votre mère. Vous viendrez me retrouver sur les bancs de l'école à dix heures pour me réciter « La cigale et la fourmi ». N'oubliez pas votre abrégé de grammaire ancienne, nous reverrons quelques bricoles en grec.

La préceptrice confia l'enfant à Vassili et puis, comme bille en tête, elle fonça en droite ligne à travers les couloirs vers le recoin du palais d'hiver où elle avait sa chambre. Dans son vieux bagage elle empila tout son linge. Elle glissa entre une jupe noire et une gaine beige le collier de la tsarine qu'elle avait dérobé le matin même.

MIC 2012 02 20 vodkaElle avait décidé de fuir cette famille, ce régime à l'agonie et son pays lui-même. Bientôt, ici, en cette sombre année 1917, ce serait le carnage, des bannières d'un rouge sanglant chargeraient le ciel d'alibis idéologiques pour toutes sortes de crimes à venir. Ca allait se cogner, se corriger ferme. Une force mystérieuse lui en avait fait l'annonce sous forme de visions d'un futur peuplé d'enragés. Raspoutine lui-même, le seul homme qu'elle avait aimé, le seul qui se fut intéressé à elle en ces lieux, celui qui l'honorait en l'appelant « ma nièce » dans un coin du grenier la nuit à la lueur d'un cierge, sous un portrait poussiéreux et l'œil morne du général Koutouzov, le moine assassiné était revenu la relancer dans ses rêves, lui conseillant de se mettre à l'abri, de laisser ces nobles ânes dans leur ignorance du drame à venir, de s'établir à Bâle, Bari, Liège ou Nice.

Elle s'en allait, certes sans élégance, mais il lui fallait bien commettre ce larcin de tire-laine pour assurer ses arrières. Les gages qu'on lui donnait pour être la geôlière de ces quatre princesses et de ce prince de haute lignée, pour faire crisser la craie au tableau et faire des génies de ces cinq écoliers ignares autant qu'incorrigibles, ne lui permettaient certes pas de faire la noce et encore moins d'aller visiter les aborigènes de Bali ou les glaciers du Spitzberg. Et puis ce collier, c'était juste un peu d'arnica pour la récompenser d'avoir tant bossé pour si peu ici.

Elle serra la dernière lanière du sac de voyage, le souleva , prit la direction de la sortie du palais. Une fois dehors, elle traversa la cour et s'élança dans la ville fiévreuse comme un geai dans un ciel pur.
A l'énoncé du vendeur de journaux à la criée - « Le tsar abdique ! Le tsar abdique ! » -, une larme lui vint à l'œil puis coula vers sa narine. Et elle ne put se retenir cependant de sourire, gelée mais soulagée.
- Du balai les Romanov ! pensa-t-elle en prenant de nouveau son élan. Peu me chaut que vos quatre filles attrapent l'onglée ! De même, si vous avez chaud aux fesses cela me laisse de glace ! Le Titanic aussi a heurté l'iceberg ! L'océan engloutit tout ! Sauf celles et ceux qui savent nager !

MIC 2012 02 20 ice puddleQu'y pouvait-elle au fond ? Que pesait-elle face au grand souffle de l'histoire ? Juste le poids d'un peu de neige sur un siège de balançoire ! Armée de cette légèreté et de ces visions de l'avenir, elle marcherait sur la glace fine (« walking on thin ice », leçon 6, alinéa 3 du livre d'anglais) tant que patinerait l'histoire, indifférente à la tourmente, en quête d'une place ailleurs, à l'étranger toujours, en Suisse tout d'abord et puis plus tard, parce qu'il faudrait encore fuir en 1939, vers l' Amérique. Oui, elle marcherait sur la glace, comme tout un chacun, jusqu'à ce que quelque chose craque.

Tout ceci était naturel : quand toutes les voyantes sont au rouge, les oies blanches émigrent au chaud et la licorne s'en va boire une eau toujours plus cristalline.

19 février 2012

Le lac de Brennilis vu de Roc'h Bichourel

110723 A 077

18 février 2012

UNE AVENTURE DE SUPERMAN ??? par Joe Krapov et Joye

C'est vrai que je m'étais avancé masqué, mais les ficelles du masque étaient très grosses : déjà l'article s'intitulait « Petit moment d'Hil(d)arité » et je mentionnais en fin d'article que j'avais emprunté l'illustration à un journal concurrent. La rédac' chef, pas dupe, m'a fait appeler dans son bureau.

- Dis donc, Nick, déjà je m'en doutais quand j'ai vu le titre, mais il me semble que tu as utilisé la photo de notre concurrent pour ton conte des mille et une nuits. Je préfère ne pas marcher sur leur plates-bandes. J'espère que tu me pardonneras de ne pas publier ton texte ? Qu'est-ce que tu en penses ? Suis-je trop pointilleuse là-dessus ? Et puis j'ai lu et relu mais je ne vois vraiment pas le rapport avec la consigne de cette semaine : ni le mot, ni l'image, ni la citation ?

Je lui ai expliqué, un peu penaud, que cet article sur un texte retrouvé de la grande philosophe belge Annie Cordy avait bien été écrit uniquement à partir du mot « incommode » mais que oui, bon, elle pouvait sucrer le papier. J'arriverais bien à le placer ailleurs un jour ou l'autre ce texte d'une grande hauteur intellectuelle à propos d'une notoire pochade :

MIC 2012 02 13 Hilda 21
Y veulent bien mais n'peuvent point

C'est incommode d'être à la mode
Quand on est fan de purée
C'est pas facile d'être gracile
Quand on aime le cassoulet
Entre l'allure et les figures
Des top-models empaillées
La vie est dure quand on aime grailler

Refrain 1
Oui mais les princes n'aiment pas les minces et pour prendre leur pied
Tous ces sacs d'osses, quel sacerdoce, leur font un peu pitié
Sans rembourrage pas d'amarrage ils ne peuv'nt pas durer
Dieu me pardonne ils sont dans la purée.

2
Y veulent bien mais n'peuvent point

C'est pour la ville que ces débiles
Ont besoin d'une femme glaçon
C'est pour paraître, sembler connaître
Tous les couplets d'la chanson
Mai s'ils veulent faire une bonne affaire
Ils se radinent tous ici
Y'a d'la matière dans notre paradis

Refrain 2
Car nous les rondes on est girondes on sait comment y faire
Pour qu'il choisisse l'aile ou la cuisse et fasse bonne chère
Ca les chatouille ça les grassouille ils crient « olé ! olé ! »
Dieu me pardonne dans tous les cas soûlés. (1)

MIC 2012 02 13 Hilda 3Et puis, comme j'ai toujours l'esprit de l'escalier, je suis revenu une heure après et je lui ai dit :
- Je sais que tu vas te retrouver dans une situation incommode mais je tiens à te remercier des critiques que tu viens de faire sur ma contribution. Je les prends comme un encouragement à faire mieux la prochaine fois !
- ???
- Je sais bien qu'elles n'ont rien d'hostile mais figure-toi... Si je racontais tes hésitations, notre dialogue... Eh bien nous serions en plein dans l'illustration de ta citation de Marcel Duchamp : « Plus la critique est hostile, plus l'artiste devrait être encouragé ». Et l'illustration, je peux la changer. Alors ? On danse ?

Et puis j'ai pris du champ, comme Marcel, justement : je suis sorti sans attendre la réponse et je l'ai laissée réfléchir au truc. A l'heure actuelle je ne sais toujours pas si le papier sera publié demain mais j'en ai appris beaucoup sur moi-même. Finalement, j'ai beau ne pas bien l'aimer, je suis quand même un type dans le genre de Sarkozy : déjà on porte le même prénom et en plus, si on me fout dehors par la porte quand j'ai un masque de président, je reviens par la fenêtre avec un masque de candidat ! (2)

(1) Cela se chante bien entendu sur l'air de « La bonne du curé » d'Annie Cordy. 

(2) Les illustrations, tirées de la série de tableaux  "Hilda", sont signées de Duane Bryers.


 

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